À propos du vidéogiciel : Yakuza 2

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jeudi 9 septembre 2021

Yakuza 2 (PS2)

Vrai bac à sable et ambition narrative ? Hmm…

Pas sûr que le bac à sable soit un bon truc pour raconter une histoire. Dans Yakuza, pour moi, ça n'a pas fonctionné : ces interludes fréquents dans la ville m'ont coupé régulièrement de l'histoire. Il y a mille et une chose à faire et on pourrait passer des heures à chercher les clés de casier, draguer les hôtesses, trouver des quêtes annexes, compléter les (redoutables) tableaux de completion (un truc pour trophy whores, typiquement) qui comptabilisent absolument tout de la vie citadine, de la nourriture consommée aux actions spéciales de combat réalisées. La ville de Yakuza est tout simplemen un jeu parallèle à celui de baston scénarisée, de film interactif-dans-lequel-on-joue-les-phases-de-baston qui raconte l'histoire de Kazuma. Et ce jeu parallèle de vie citadine entre en concurrence avec le jeu principal. A chaque fois qu'on est lâché dans la ville on est tenté d'arrêter l'histoire pour se consacrer à d'autres tâches.

Du coup je me pose sérieusement la question de la pertinence d'un jeu bac à sables pour raconter une histoire. Je me force à penser à GTA : ça fonctionnait dans celui-là ? Pas le dernier que j'ai fait, celui avec les motards, mais là c'était parce que les cinématiques n'avaient aucun intérêt. Prenons GTA IV. En fait ça fonctionnait plutôt bien si je me rappelle. Je n'avais pas trop le sentiment d'être coupé dans l'histoire quand une mission se terminait. Pour plusieurs raisons :

  • d'abord la ville est le terrain de jeu du bac à sable mais aussi des missions du scénario (ce qui n'est pas le cas dans Yakuza, le scénario nous emmenant quasi toujours nous battre dans des décors autre que les rues de la ville)

  • GTA n'est pas vraiment un bac à sable, comparé à Yakuza. Il y a bien moins de choses à faire dans la ville et du coup, bien moins de distractions à l'histoire. Dans mon cas, pour GTA, le bac à sable a rarement pris le pas sur la poursuite de l'histoire. D'ailleurs j'irais jusqu'à maintenir que GTA n'est pas vraiment un bac à sable mais un jeu à niveau unique.

  • les déplacements ne sont pas abstraits mais bien réels dans GTA, contrairement à Yakuza. Les trajets en voiture ne sont jamais seulement des "interludes" que la narration peut se permettre de sauter à loisir, mais des nécessités. Dans Yakuza, le fait qu'on te demande d'aller à l'autre bout de la map pour l'enjeu du scénario, c'est plus une proposition de te perdre dans les occupations de la ville qu'un effort de réalisme géographique. En effet, le jeu se permet à maintes reprises de te téléporter d'un endroit à l'autre, ce que ne fait jamais GTA. Devoir se déplacer de missions en missions faisait partie de la logique "réaliste" du jeu ; c'est moins justifié dans Yakuza qui se permet de te téléporter quand ça lui chante.

Tous ces éléments font que les phases "entre missions" décrochent moins de l'histoire dans GTA IV que dans Yakuza.

Je le dis tout de suite, j'ai joué à Yakuza 2 pour suivre une histoire. Toute la vie citadine, même si elle a bien réussi à casser régulièrement l'élan du scénario, à me happer hors de l'histoire, ne m'intéresse pas beaucoup. Donc ma note est subjective, bien entendue, comme dans toutes mes critiques postées sur Gameblog. Je veux dire par là que vous aurez beau me dire à quel point le nombre, à quel point l'intérêt des à-côtés, je ne le prends pas en compte pour la note parce que ça ne m'intéresse pas. C'est pas ça qui va me faire kiffer le jeu et m'en rappeler encore dans 3 ans. Maintenant continuons.

Les cinématiques, puisqu'il y en beaucoup. Parlons-en. Les visages sont modélisés de façon moins réaliste que dans un MGS. Est-ce que ça a joué dans mon relatif détachement émotionnel des personnages ? Peut-être. Quand on cherche à faire un film à la Kojima, peut-être que des faces crédibles aident à faire passer la pilule. Difficile de prendre au sérieux Kazuma quand il s'approche d'une femme pour l'embrasser et qu'on remarque que sa tête est deux fois plus grosse que celle de sa partenaire. Mais passons là-dessus.

Un problème certain pour l'empathie, c'est la surpuissance du héros, Kiryu Kazuma. Comment peux-tu construire un semblant de drame autour de ce mec invincible, que dis-je ce Dieu vivant ? Il est : indestructible, intelligent, apprend la vie à tout le monde et fait la morale à tour de bras. Il est effroyablement baraqué, sent rien quand on lui casse une bouteille sur la tête et garde son sang froid en toute situation. Présenté comme il l'est dans le jeu, ce mec n'a pratiquement aucune faille ! Comment peux-tu construire un semblant d'empathie avec un mec qui ne craint absolument rien, surpuissant, jamais pris en tort et qui semble être revenu de tout ?

Je trouve ça pour ma part bien tendu. Que j'ai pointé les bonnes raisons ou non, je suis resté tout du long plus ou moins à l'extérieur de ce Yakuza. Et c'est pas la faute à l'enquête policière, rythmée et très cohérente, du début et (presque) jusqu'à la fin. C'est sans doute la faute à un ton et des dialogues qui malgré tout, continuent de faire bien jeu vidéo et manquent de la maturité qu'on peut trouver dans les films ou d'autres titres.

Dernier détail, un peu dommage, j'ai trouvé les combats très faciles, plus que dans le premier volet. Tout cela étant dit, j'ai pas passé un mauvais moment avec Yakuza. Même si tout l'aspect narratif n'a pas sur moi fait des miracles, je serais de mauvaise foi si je disais que je me suis ennuyé ou que j'ai passé un mauvais moment. L'histoire a été la plupart du temps très engageante et les personnages un minimum intéressants. Etant donné que son histoire est pour moi à peu près le seul intérêt de ce jeu, si je lui mets la moyenne c'est plutôt bon signe.

La fin, je l'ai trouvé émouvante et j'aurais aimé qu'il n'y ait rien après le générique (haha, si Yakuza 3 et 4 avaient été des flash-back…). J'ai été bien sûr très agréablement surpris par l'introduction pas du tout anecdotique dans le récit d'une dimension romantique. Tout cela a fait de Yakuza 2 un très honnête divertissement que je ne peux et ne veux pas démonter. Simplement, pour le chef d'oeuvre je repasserai.

N.B : les combats sont similaires à ceux de Yakuza 1, donc potentiellement très fun, mais leur facilité dans cet épisode a cassé pour moi de leur intérêt.

Verdict = ok

Yakuza 1 & 2 | HD Edition (PS3)

Refaire ces deux jeux dans cette version « simplement » rehaussée en HD permet de réaliser à quel point artistiquement les deux premiers Yakuza étaient des merveilles. C’est le genre de jeux où les développeurs aboutissent à une façon de représenter leur univers et leurs personnages qui ne vieillit pas : elle se nourrit des limites techniques et en fait sa force, bâtissant un design par-dessus et non contre en les affrontant (au contraire de Killzone sur PS2).

Ces jeux sont sublimés en passant en HD. C’est le cas des premiers God of War, magnifiques sur PS3 car leur design ultra réussi n’est que renforcé par la propreté de l’image et la définition supérieure. Yakuza 1 et 2 en HD sont magnifiques, il faut voir d’ailleurs la ville de Kansai dans l’épisode 2, les plans ne rougiraient pas dans un jeu PS3.

L’image est donc belle, propre, HD. Rien à redire de ce point de vue, c’est le mieux qu’on puisse attendre d’un « simple » remaster.

Les temps de chargement étaient un gros point noir des opus PS2. Ici… C’est mieux mais pas parfait non plus. Je m’explique. Les deux jeux ont une option pour être installés sur le disque dur afin de réduire les temps de chargement. Sans cette installation optionnelle, les temps sont tout de même bien meilleurs que sur PS2 mais clairement les changements de plan en se baladant dans la ville ne sont pas instantanés.

Alors sur Yakuza 1 on apprécie l’option d’installer les données puisqu’on bénéficie de chargements encore réduits, pas encore inexistants mais bien réduits. Le problème se pose sur Yakuza 2, c’est le premier point noir de cette compilation ; on peut installer les données, mais le jeu ne les utilise pas. C’est-à-dire qu’il continue de tout charger depuis le disque ! L’icône d’accès disque dur sur la console reste désespérément éteinte. C’est quand même dingue : sur un des deux jeux, l’option d’installation est défaillante.

Autre chose, pour Yakuza 2 les développeurs ont eu l’idée sympathique de permettre d’accélérer les dialogues en maintenant R1 et rond (idée reprise dans Yakuza 5). Mais pas dans Yakuza 1 ! Alors que les deux jeux sont sur la même compil’, pourquoi ?

Je ne me l’explique pas. Est-ce que le portage PS3 a été fait méga à l’arrache après la version Wii U ? C’est quand même très décevant. Aucune de ces fautes n’empêche d’apprécier les jeux mais ça reste du gâchis.

Le frame rate reste lui à 30 images par seconde sauf exception (le mini-jeu de baseball tourne à 60, j’en suis persuadé). Ce n’est pas vraiment un problème, d’autant plus que le temps de réponse des commandes à la manette a été vraiment augmenté par rapport à la PS2. Je joue en parallèle aux versions PS2 et PS3 et la différence est flagrante, cela rend presque le jeu plus facile sur PS3, en tout cas bien plus agréable.

Et pourquoi je joue en parallèle aux versions PS2 et PS3 en même temps ? Parce que je ne comprends pas le Japonais, et que oui cette édition HD est sortie uniquement au Japon. C’est dommage, d’autant plus quand on sait que les jeux avaient été traduits sur PS2. Alors certes maintenant nous avons les remakes Kiwami qui nous parviennent sur PS4 mais ce sont des remakes. Pour moi les versions ultimes des jeux originaux Yakuza 1 et 2 sont vraiment sur cette compilation HD.

A la limite pour régler le problème de l’installation et des temps de chargement la solution serait d’acheter le jeu sur le PS Store japonais plutôt que sur disque…

Un mot pour dire que ces jeux sont très riches, autant au niveau de l’intrigue et des petites histoires que des mini-jeux. Si vous cherchez comme moi à obtenir les trophées ou plus simplement à remplir les objectifs de complétion affichés dans le menu de Yakuza 2 vous serez obligés de prendre du temps pour découvrir des systèmes de jeu plus ou moins complexes : le bowling, le baseball, le golf, le shogi, le mahjong… Pour ces deux derniers c’est rien moins qu’un petit pan de la culture japonaise que le jeu nous fait découvrir.

Cependant les Yakuza ne sont pas tendres avec les joueurs recherchant le 100% (littéralement, le pourcentage du jeu terminé est disponible dans la planque). Des quêtes annexes peuvent très aisément être manquées en avançant dans l’histoire, tout comme des clés de casier, des mouvements spéciaux de combat… Et une fois ces éléments manqués, plus moyen de les récupérer autrement qu’en recommençant du tout début. Donc conseil, soit vous acceptez et faites la paix avec l’idée de finir le jeu « imparfaitement », sans tout voir, soit vous jouez en suivant un guide pas à pas.

Sur gamefaqs et PSNP on trouve de très bons guides pour ces deux jeux. Je les ai utilisés en jouant à cette version PS3, mais j’avais fait les épisodes originaux sur PS2 sans aide à l’époque. Je suis partagé sur la bonne façon de jouer à un Yakuza pour la première fois… Clairement sans aide on loupe un nombre de trucs incalculable. Mais d’un autre côté se confronter soit même à un jeu vidéo sans aucune aide est une expérience bien plus intéressante.

Dans le cas des Yakuza, la question est d’autant plus complexe que les combats de boss ultimes (et donc largement dignes d’intérêt) ne sont accessibles qu’en ayant accompli TOUTES les quêtes annexes du jeu, dont quelques-une peuvent être manquées à jamais… Alors bon, on n’en meurt pas, mais c’est forcément un peu dommage. A la limite, mieux vaut peut-être ne rien savoir du jeu et y jouer comme ça tout seul. Fatalement malgré tous nos efforts si on regarde le pourcentage de complétion on ne sera jamais à 100 et ce sera frustrant. Sans parler des tableaux de complétion de Yakuza 2 où des lignes resteront à jamais vide parce qu’on aura loupé tel mouvement dans un niveau ou un combat qu’on ne peut pas refaire. Quel dilemme…

La richesse des Yakuza, tous ses petits détails et son côté décalé me rappellent un peu Kojima. Par exemple il y a des objets, en apparence inutiles, qui sont en fait magiques et utilisables dans certains environnements pour affecter les jeux de hasard. En utilisant tel objet on sait que la couleur tirée à un jeu de cartes sera du rouge, ce genre de trucs. Il y a un paquet de choses à découvrir et en attente d’être maîtrisées dans les Yakuza.

Mais plus essentiellement, les Yakuza proposent une histoire qui sait se montrer captivante et des combats à la violence à la fois exagérée et décalée, sans être gore. Il est possible par exemple de saler les yeux d’un ennemi, lui envoyer une boule de bowling dans les genoux, ou plus simplement lui éclater la tête contre une vitrine… Les combats peuvent se montrer autant spectaculaires à regarder qu’intéressants à jouer, quand on cherche à maîtriser les contres par exemple ou qu’on joue bien avec les esquives. Des racailles nous provoquent dans la ville, on les défonce et après elles nous mangent dans la main en inclinant la tête quand on passe… C’est aussi ça, Yakuza.

P.S. : une autre évolution bienvenue de cette version PS3 est de pouvoir accéder au coffre d’objets (où l’on peut poser ses objets pour libérer de la place de notre inventaire limité à neuf espaces) non plus seulement depuis une planque, mais depuis chaque cabine téléphonique de la ville. Cela a beau être abstrait, devoir retourner à la planque à chaque fois qu’on remplit son inventaire est une tâche tellement ingrate que j’applaudis cette idée des deux mains (en fait l’idée date de Yakuza 3, c’est donc une « modernité » qu’ils ont apporté à ces deux vieux jeux). Je suis très regardant sur la logique diégétique d’un système de jeu mais cet ajout ne m’a pas choqué. Peut-être parce que déjà à l’origine la gestion de l’inventaire prend ses aises avec la réalité physique (en vigueur dans un jeu terre-à-terre comme Yakuza) : le héros n’a qu’un costume gris et il peut pourtant transporter neuf objets et trois armes, où les met-il ? Puis quand on ouvre un casier, qu’on trouve un objet et qu’on n’a plus de place pour le prendre dans notre inventaire, le jeu l’envoie directement à la planque, par quel miracle ??

Par conséquent le fait de pouvoir accéder aux objets via une cabine de téléphone n’est qu’une entorse bénigne qui s’ajoute aux précédentes qui personnellement ne m’ont pas du tout dérangé. Je les ai vite acceptées. Sans doute parce que le jeu à côté de cela fait extrêmement bien vivre ses personnages, ses situations, ses combats, sa ville… L’équilibre est là.

Je dois dire qu’au fil du temps, à mesure que j’ai parcouru la saga dans son ensemble, je me suis de plus en plus attaché aux Yakuza. Aussi, j’ai pris plus de plaisir aujourd’hui sur ces deux épisodes qu’à l’époque quand je les ai découvert. D’où l’appréciation supérieure ci-dessous, par rapport à ma critique de Yakuza 2 sur PS2.

Verdict = vaut le coup !