À propos du vidéogiciel : The Turing Test

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jeudi 9 septembre 2021

The Turing Test (PC)

2020

J’aime bien les jeux de réflexion avec des salles à la Portal. Mon cerveau logique adore se mettre à l’épreuve avec ces trucs. Et puis je suis fasciné par l’espace et j’aime bien les jolies héroïnes, alors quand j’ai vu la présentation de Turing Test sur la page des promos Square-Enix sur Steam, comment résister ?

Et ma foi je n’ai pas été déçu. Le jeu se compose de 7 ou 8 groupes de 10 salles, dans chacune il faut trouver la sortie ! Un principe d’une simplicité inattaquable.

On dirige donc Miss Ava Turing qui est réveillée de sa stase dans une station spatiale en orbite autour de Jupiter par l’ordinateur de bord, TOM, pour qu’elle rétablisse le contact avec ses collègues sur Titan, un satellite de Jupiter. Les collègues, scientifiques, travaillent dans un complexe souterrain et visiblement ne donnent plus signe de vie. Étrange, pense Ava, qui accepte bien volontiers l’offre de TOM d’aller retrouver ses amis.

On arrive sur Titan dans le complexe et on a alors une meilleure idée de ce qui nous attend : les collègues d’Ava se sont barricadés tout au fond du complexe et ont laissé sur leur chemin des « tests » qui se veulent impossibles à résoudre par une machine. Voilà pourquoi TOM a besoin d’Ava.

Mais attendez, pourquoi donc les collègues ne veulent pas qu’une machine puisse les rejoindre ?

C’est tout l’enjeu de Turing Test : dans la peau d’Ava on se rapproche des collègues à chaque salle traversée, mais on rapproche aussi TOM d’eux… Quelles sont ses intentions ? Ava fait-elle une bonne chose en coopérant avec TOM ?

Les développeurs jouent à merveille sur le suspens à propos de la bienveillance de l’IA TOM. Au début de chaque salle on a droit à un dialogue entre Ava et TOM sur les différences entre l’intelligence de la machine et celle de l’Homme, sur les droits de l’un et de l’autre, sur la notion de vivant… J’ai trouvé ces dialogues passionnants. C’était un vrai plaisir d’alterner résolution logique d’une énigme et le spectacle de ces débats. On se rend vite compte que ces grands sujets ne peuvent être réglés en deux phrases comme le fait Ava, car TOM avance de sacrés bons arguments. Ava devrait revoir ses cours de philo de terminale pour lui répondre, et elle devrait commencer par bien définir les termes qu’elle emploie. En l’état elle est un peu bête et répond à TOM de façon bateau, genre « bah je suis en vie et toi t’es pas en vie parce que t’es une machine, LOL »

J’ai appris ce que c’était que le test de Turing dans la vraie vie ainsi que la Chinese Room, super intéressant.

De la logique et des conversations philosophiques ET tendues entre une femme et une IA, perso ça me suffit à passer un bon moment. Et tant mieux pour moi car quand le jeu se met à chercher plus loin il se prend les pieds dans le tapis…

Spoiler chaud devant.

Par exemple, la révélation selon laquelle on joue du point de vue de Tom. Quel sens ça a étant donné que ça implique que c’est TOM qui résout les énigmes et qu’il n’a donc pas besoin de l’intelligence d’Ava ? Alors OK il a besoin de son corps physique, mais le jeu n’en parle pas du tout, je n’ai pas l’impression que c’est assumé par le script ?

Et dans quel mesure exactement contrôle-t-il Ava ? Pourquoi ne s’en rend-elle pas compte ?

Ceci dit j’ai beaucoup aimé le moment où Ava s’arrache à son contrôle ; manette en main, on est poussé dans une direction contre laquelle on peut lutter mais en vain ! C’est une chouette idée sur le thème du personnage incarné qui reprend le contrôle au joueur (parallèle avec TOM qui contrôle Ava). Je suis perplexe par contre sur Ava qui se re-soumet ensuite.

La fin est totalement ratée… Ava et Sarah vont dans la salle de contrôle de TOM pour en prendre le contrôle et le désactiver ; au milieu de la pièce il y a une tourelle contrôlée par TOM. Là on fait ce qu’on veut : soit on tue Ava et Sarah, soit on les laisse faire. Dans les deux cas, ce que disent les protagonistes n’a aucun sens. La première fois je n’ai pas tiré sur les deux femmes. Et elles disent quoi à TOM ? Elles lui disent : « tu vois ce que ça fait d’être contrôlé à ton tour ? »

J’ai envie de dire, what ? Non, je ne suis pas d’accord, non non, niet. Étant donné que je POUVAIS tirer sur elles, ce dialogue n’a aucun sens. Ce dialogue AURAIT eu du sens si la tourelle refusait de tirer alors que j’appuie sur la gâchette ; mais en l’état, justifier mon choix de joueur qui veut que les femmes survivent par le fait qu’elles contrôlent TOM, c’est totalement nawak.

A l’inverse, si je tue les femmes, là TOM est en total déni devant le corps inerte d’Ava : « Ava ? Réveille-toi. Réveille-toi Ava. Ava ? Ava ? » Alors que si on leur tire dessus c’est bien pour les tuer… On sait ce qu’on fait.

Il ne faut donc pas trop trop chercher une grosse logique dans le détail de l’intrigue et apprécier ce qu’on a : des énigmes, de la tension et de la philo entre une femme et une IA.

Deux notes : la dernière pièce optionnelle délivre un succès intitulé « thinking outside the box ». Elle consiste à utiliser une boîte d’énergie non pas pour activer un interrupteur, comme pendant tout le jeu, mais pour… coincer une porte. Ça m’a fait rire car c’est le truc que j’ai essayé de faire pendant tout le jeu sans y parvenir ! Ça ne marche qu’avec la porte de cette salle optionnelle… Du coup j’ai trouvé en deux secondes.

Ma deuxième anecdote concerne l’avant-dernière salle, la plus dure du jeu je pense. Je n’ai pas réussi à la résoudre avec la solution prévue par les développeurs mais avec une solution pour le coup réellement « outside the box » ! En courant dans une boîte d’énergie c’est comme si on donnait un coup de pied dedans. Et dans le temps que la boîte arrive sur l’interrupteur qu’on vise, on a le temps de prendre le contrôle du robot qu’on a mis au préalable dans le sas… Ce qui a été d’autant plus chouette c’est de voir que plein de gens sur la toile avaient eu la même idée que moi et n’avaient pas trouvé la « vraie » solution.

Verdict = vaut le coup !