Par Pierre Compignie le jeudi 9 septembre 2021, 12:18 - Archives
2021
Stories Untold se présente comme un jeu d'aventure textuelle. Un genre tombé en désuétude qui consiste en un écran noir, sans image, où le jeu te pose la situation et le décor et où tu dois saisir au clavier ce que tu veux faire.
Mais Stories Untold veut surtout surprendre le joueur. Donc ça commence en effet comme une aventure textuelle, avec la particularité que l'écran d'ordi avec le texte est modélisé en 3D. C'est-à-dire qu'on voit à travers les yeux d'un gars assis à son bureau devant son ordi. Donc on voit l'écran sur le côté, mais aussi le clavier, le mur, la lampe, etc.
Quand on saisit du texte, ça s'inscrit sur l'écran qu'on voit dans le jeu, pour autant on ne voit pas les mains de notre perso qui actionnent le clavier à l'écran - dommage mais les développeurs sont fauchés et ont visiblement eu les yeux plus gros que le ventre, règle numéro 1 des indés, si tu n'as pas d'argent fais en sorte que cela ne se remarque pas.
Les développeurs veulent surtout nous surprendre, donc ils vont jouer avec ce qui est autour de l'écran d'ordi. Ils nous installent dans une représentation graphique minimaliste, pour l'exploser ensuite avec des événements se déroulant dans le monde 3D.
Dans l'épisode 1 (sur 4) c'est discret, cela se limite à des effets de lumière et au bureau qui change de look (pour passer de propre à délabré). Dans l'épisode 2, on a carrément des cinématiques et dans l'épisode 3 un passage jouable en 3D. En cela effectivement Stories Untold maintient l'attention. Sur les deux heures de jeu, la forme visuelle ne cesse d'évoluer, on est de moins en moins statique, on bouge de plus en plus dans l'espace. L'épisode 4 tente lui de surprendre au niveau du scénario.
Où le bat blesse, c'est dans l'intérêt profond de Stories Untold en fait. L'histoire vécue n'est pas terrible, autant en terme d'écriture que d'interaction.
Ainsi, trop souvent je me suis battu avec l'interface, à chercher comment faire ce que je voulais faire. Les passages au clavier m'ont gonflé. D'abord tu ne sais pas ce que le jeu est censé reconnaître comme phrase. Donc des fois tu tapes du texte qui a du sens, à 100%, sauf que le jeu te dit qu'il ne comprend pas. Et ça peut venir soit de ta saisie, parce que tu n'es pas dans la tête des développeurs n'est-ce pas, que tu n'as pas la liste des formules reconnues, ou bien ça peut venir du fait que le jeu t'interdit telle action parce que tu n'es pas dans le bon contexte.
Exemple. Tu es dans le hall d'entrée de la maison. Tu veux te rendre dans la chambre de ta sœur. "Go to my sister's room". L'ordi ne comprend pas. Parce que tu es dans le hall d'entrée, et que la chambre est à l'étage. Même si ma sœur n'a qu'une seule chambre dans toute la maison, non, le jeu ne comprend pas ce que je veux dire si je ne formule pas la phrase en étant précisément à l'étage.
De la même façon, pour interagir avec un objet, il faut parfois demander de le regarder d'abord. Être dans la même pièce ne suffit pas forcément.
Donc j'étais perdu, je ne savais pas si j'utilisais les mauvais mots ou si je me trompais totalement dans ce que je voulais entreprendre. C'est pénible. Déjà ce n'est forcément simple de deviner ce que tu dois faire, si en plus on te met constamment le doute par des règles absurdes, que ce soit en terme de saisie ou de contexte requis, ça devient vite très très chiant.
La séquence en 3D de l'épisode 3, sous la neige, m'a aussi bien gonflé. Il n'y a aucune interface, tu ne sais pas avec quoi tu es censé interagir. J'ai trouvé le panneau électrique, mais j'avais beau cliquer plusieurs fois ça ne faisait rien. Donc je me suis tapé un aller-retour au début du niveau pour voir si je n'avais pas loupé quelque chose. Et en fait non. C'était juste que l'interaction avec le panneau était capricieuse ou pointilleuse, donc après, en m'acharnant, mes clics ont fonctionné. Même problème : je ne savais pas ce que je faisais mal, si j'avais tort de vouloir interagir avec le panneau ou si je visais ou cliquais mal.
L'interaction dans ce jeu m'a donc plus crispé qu'autre chose.
Côté histoire, dès l'épisode 1 ça part totalement en sucette ; la volonté de surprendre semble prévaloir sur tout le reste, la logique en premier.
D'abord on joue un gars qui joue à un jeu d'aventure textuelle où le héros arrive dans la maison de ses parents, monte à l'étage, va dans sa chambre, trouve un ordi et lance un jeu dessus.
Ensuite, le jeu d'aventure textuelle redémarre. Le héros cette fois trouve la maison délabrée mais il rentre et déclenche une alarme. Et là on attend l'alarme en dehors du jeu... Donc en fait le type qu'on joue est dans la chambre de l'univers du jeu d'aventure textuelle !
Ça termine alors qu'on ouvre la porte de la chambre dans le jeu. Le jeu nous oblige à écrire "IT WAS ALL MY FAULT" et il répond : "finally..." Ce petit sadique. Fin de l'épisode.
Satisfaisante, comme fin. Pas du tout en queue de poisson, tout a du sens, j'aime bien, bien foutu.
Épisode 2 c'est un peu le même topo : on dirige à l'ordi un héros qui se révèle exister dans l'univers du perso qu'on incarne. Là encore ça se termine n'importe comment, avec des sphères alien qui se rassemblent tout autour de nous (clin d’œil à la série de films Phantasm sans doute). A priori tous les épisodes sont déconnectés.
Épisode 3 je n'ai rien compris à ce qui se passait. La fin semble faire un lien avec l'épisode 2 car notre perso est appelé par le même nom. Bien sûr, il est muet cela va sans dire. Rappelez-vous, les développeurs sont fauchés. Dommage que cela n'ait aucun sens que le perso ne pipe mot.
Avec l'épisode 4, tout prend un petit peu de sens... Tous les épisodes s'avèrent liés, mais avec l'artifice boring du "c'était tout dans ma tête", ce qui m'énerve tout le temps. Comme d'habitude, le perso est un type en plein déni rongé par la culpabilité, que d'autres types (d'affreux moralisateurs) cherchent à mettre face à la vérité. Je n'en reviens pas qu'en 2017 on en soit toujours là. Ce sont des indés, ils n'ont pas de moyens financiers, mais les idées ? Se creuser la tête ? Pas besoin de pétro-dollars !
Quand je vois ce que la série française CALLS a fait en matière de "toutéliage" de trucs n'ayant rien à voir, découvrir qu'un jeu de 2017 s'en remet à un artifice aussi pathétique me met en colère.
Et la toute fin m'a encore gonflé : une alarme stridente, le jeu qui te dit lui-même "make it stop" et moi qui ne suis pas fichu d'y arriver. Tout indique d'interagir avec le magnétophone sur une table mais rien à faire, mes clics ne sont pas pris en compte. Je fais (encore une fois) un aller-retour vers le début du niveau, pour finalement marteler à nouveau de clics le magnétophone et cette fois-ci ma télé devient toute noire. "Oups, j'ai planté le jeu chérie." Ah non, ça revient. Cinématique et générique.
Je retiens la présentation soignée et l'évolution sympathique du point de vue sur l'univers : restreint à un ordi au début, puis full 3D à la fin. Les développeurs ont tout fait pour que cela reste caché puisqu'aucune option graphique ne laisse penser que l'on va avoir droit à de vrais décors au début.
Mais entre le scénario indigent et l'interaction crispante, Stories Untold fut plus source de colère qu'autre chose.
Par curiosité j'ai regardé une vidéo de la version PS4, et dans celle-ci on choisit ses mots plutôt que de les taper. C'est sans doute mieux.
Verdict = dispensable