À propos du vidéogiciel : Spec Ops : The Line

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jeudi 9 septembre 2021

Spec Ops : The Line (PS3)

Jeu terminé en mode mission suicide (3/4) et FUBAR (4/4), visée auto réglée sur « selon le mode de difficulté ».

On continue sur la nouvelle formule de critique. Première partie, « histoire sur le papier » présente l'histoire que le jeu aimerait bien raconter – une volonté qui se manifeste notamment dans les cinématiques du jeu, l'enchaînement des niveaux et les objectifs. Cette histoire est-elle intéressante ? La deuxième partie, « histoire dans le jeu », s'intéresse à ce que battre le jeu, le parcourir du début jusqu'au générique nous raconte. Est-ce intéressant ? Est-ce que ça complète bien l'histoire sur le papier ou est-ce qu'au contraire ça n'a rien à voir ? Réponses à ces questions dans les deux parties qui arrivent !

Avant toute chose je précise que Spec Ops The Line est un TPS, un jeu de tir à la troisième personne.

Histoire sur le papier

Des militaires sont envoyés dans une version post-apocalyptique de Dubaï en mission de reconnaissance, avec pour ordre de rentrer direct s'ils trouvent des survivants. Une gigantesque tempête de sable a tout dévasté et a coupé la ville du reste du monde (les communications a priori ne passent plus). Ici c'est assez délicat de raconter l'histoire tant elle change du tout au tout selon que l'on a fait l'aventure jusqu'à la fin une première fois ou non.

Sans spoiler pour l'instant, parlons de l'histoire de la première partie. Je l'ai trouvé confuse, je ne comprenais pas bien ce qui se passait. Différentes factions nous attaquent dans le jeu, on assiste à des mouvements ou actions de certaines d'entre elles et j'avais bien du mal à avoir une idée claire de qui il s'agissait et des implications. Beaucoup de fusillades, il reste définitivement un sacré paquet de survivants à Dubaï – je ne pense pas spoiler quoi que ce soit en disant ça.

Notez que les héros sont trois militaires et leur chef – celui qu'on joue – s'appelle Walker. Le jeu commence peu de temps après que les Américains (d'après ce que j'ai compris) reçoivent une transmission radio du colonel Konrad depuis Dubaï, qui demande de l'aide, une évacuation, etc. Walker a déjà combattu sous les ordres de Konrad (plus haut gradé que lui) et le tient en haute estime. Konrad est-il encore en vie ?

Je peux difficilement en dire plus sur la première partie qui se présente comme une histoire de jeu vidéo classique dans son empilement abstrait de scènes d'action au ''bodycount'' effroyable (on tue beaucoup, beaucoup de gens) et son caractère flou voire peu compréhensible avec ceci dit un final surprenant. Maintenant attention, je vais parler de la deuxième partie et je vais commencer à spoiler.

¡¡¡ SPOILER !!!

Au cours de l'aventure, les deux coéquipiers de Walker meurent, ça barde franchement pour eux aussi bien physiquement que psychologiquement (ils tuent des civils, assistent à des massacres, traversent des charniers et l'un d'eux est pendu) et Konrad apparaît comme la source du mal, narguant à plusieurs reprises le protagoniste via un talkie-walkie trouvé sur des cadavres. À la fin, Walker arrive dans la tour du colonel, au dernier étage, dans ses appartements. Il découvre Konrad, un cadavre desséché depuis des semaines. Suite à cela le joueur a différents choix : il peut d'abord a) se suicider, b) tirer sur l'hallucination de Konrad, c) se laisser tuer par l'hallucination de Konrad. Dans le cas où il tire sur Konrad, il survit et on le retrouve quelques jours plus tard, dehors en plein soleil. Il a les yeux hagards et des soldats américains débarquent (il était temps !). Seulement Walker est armé jusqu'aux dents et les soldats ne sont pas sûrs à son propos. L'un d'eux s'avance vers Walker et là le joueur a le choix : soit il se rend et dépose les armes, soit il explose la tête de son compatriote avec son fusil à pompe automatique à bout portant. S'en suit dans ce cas une ultime boucherie, qu'on peut gagner ou perdre et qui conduiront à deux scènes différentes. Ça fait donc pas moins de cinq fins différentes.

J'ai eu cette échange avec Zinzolin (en gras) alors que je refaisais le jeu :

Je trouve le jeu vachement malsain – je dis ça sans jugement de valeur. C'est vraiment noir. Un jeu de guerre qui n'a pas envie de te faire plaisir – par le scénario j'entends.

C'est la descente aux enfers d'un gars complètement inéluctable. Tu réalises qu'il est condamné quasiment depuis le début après avoir vu la fin. A chaque fois que ses coéquipiers lui proposent de se barrer pour prévenir l'état-major de la situation (ce qu'ils devraient normalement faire, selon les ordres de mission), Walker les pousse à continuer toujours pour une raison bien précise. C'est une sorte de tragédie méchante pour le joueur parce qu'on ne lutte même pas pour le bien de notre personnage. Je veux dire, même dans une tragédie le personnage peut chercher à s'en sortir ; alors que là il marche droit vers sa fin depuis le début. C'est vraiment méchant et en ce qui me concerne me met assez mal à l'aise.

"Walker les pousse à continuer toujours pour une raison bien précise"

Oui, son obsession pour Konrad.

Après, j'aime vraiment cette aspect malsain qui traite la guerre et la violence comme elle le mérite. ^^

Ben, pas que. Dans les premiers chapitres, c'est le fait qu'il y ait des personnes en danger et qu'il veut absolument aller les aider, au détriment des ordres de la mission. Comme disait upselo on dirait qu'il veut absolument être un héros, sauver des vies. Et malheureusement cette logique l'entraîne dans un engrenage implacable. Après en plus de ça il perd la tête... Vraiment ils n'y sont pas allé de main morte avec ce personnage. C'est comme si le jeu était un lent suicide du personnage, dans lequel il entraîne un max de monde avec lui. Chaud cette noirceur...

On dirait que finalement ça t'a marqué plus que moi.

Je le refais en mode FUBAR et en VF cette fois et oui je me rends compte de tout ça. Une fois que j'ai vu la fin et où le jeu veut en venir, je me rends compte que depuis le début c'est la longue marche de Walker vers sa perte. Le pire c'est qu'il fait rien pour se débattre. C'est pathétique. Je pense que le personnage a un problème psychologique dès le début du jeu. Il commence l'aventure avec un gros souci, et le mix de ce souci avec ce qu'il va voir va faire des ravages pour tout le monde.

Dans ce jeu en fait on est "aux côtés" du protagoniste seulement dans les combats, que comme lui on cherche à gagner, sinon, lors de la première partie, on est complètement à l'extérieur de ce qui se passe dans sa tête, on le sait pas.

Dans la 2ème partie perso je me rends compte de tous les ressorts de la tragédie, et à quel point c'était mort depuis le début tellement Walker aurait dû être dans le canapé d'un psy et pas sur le terrain à diriger des hommes. Ce type est malade.

C'est vrai qu'après la fin, le personnage devient vraiment un personnage et on n'est plus trop dans le fait de vouloir faire le lien avec le joueur. Tout son côté lisse d'apparence qui pouvait laisser croire que c'était une métaphore du joueur, il éclate lors de la révélation. (A moins que la métaphore du joueur soit encore pire, du genre vous ferez mieux d'aller voir un psy que jouer à des jeux de guerre... mais quand même, je pense pas) Du coup la 2ème partie a une autre saveur.

Alors que je tire sur les ennemis j'ai constamment l'impression d'amener le personnage à sa propre perte, un combat de gagné à la fois. Je joue pour lui, mais aussi contre lui, en le maintenant en vie mais aussi en le faisant avancer vers plus de malheur et d'obscurité.

Je trouve ça peut-être dommage que le jeu n'explique pas ce fameux problème de Walker.

J'ajouterais aujourd'hui que chacune des fins visibles montre un personnage extrêmement proche de la rupture ; dans certaines il y sombre (les suicides, la boucherie sur ses alliés) dans une autre il n'en est vraiment pas loin (le plan sur son visage dans la voiture des soldats amis me laisse penser qu'à peine rentré à la maison il va faire un carnage dans un magasin). C'est comme si le choix du joueur ne changeait au final que très peu de choses au personnage.

Dans les échanges que j'ai reproduit plus haut, je fais référence au fait que le jeu semble lors de la première partie s'adresser au joueur, le confondant avec Walker. En effet des messages lors des temps de chargement s'adressent à nous comme si on était le personnage (« tout est de votre faute ») et la scène qui sert d'introduction se déroule en fait bien plus tard dans l'aventure et le personnage parle d'un sentiment de déjà-vu. Tout cela ne m'a pas convaincu et m'a semblé anecdotique, et pour poursuivre dans le sens de mon échange, c'est la tragédie d'un personnage n'ayant rien à voir avec le joueur qui m'ait apparu clairement lors de la seconde partie.

¡¡¡ FIN SPOILER !!!

Histoire dans le jeu

Je ne sais plus si on a un indicateur d'objectif dans ce jeu (vérification faite : si). En tout cas on en aurait difficilement besoin : en lieu et place d'une ville, on traverse un couloir qui semble avoir été aménagé exprès pour nous. Aucun sens de la géographie dans l'architecture des niveaux, on suit une ligne qui a été tracée arbitrairement et dont je doute fortement qu'elle s'inscrive dans une ville physiquement bien réelle. Au gré des 15 chapitres on se retrouve téléportés d'endroits en endroits sans savoir comment, on glisse sur des câbles pour passer d'immeuble en immeuble... Ce n'est pas le premier jeu d'action de cette génération à se contrefiche de la crédibilité géographique de son univers mais ça n'en demeure pas moins gênant. Je repense à MGS2 qui se déroulait entièrement dans une usine sur la mer dont le plan s'affichait en appuyant sur START. Même quand on était à l'extérieur on distinguait toute la structure. Tout ça pour dire qu'on a beau nous dire qu'on traverse Dubaï dans Spec Ops, du point de vue joueur on ne s'en rend tout simplement pas compte !

Ma première partie était un ratage de premier ordre en terme de cohérence avec l'histoire sur le papier. Il se trouve que j'avais constamment en tête les défis annexes dont la progression ne manque pas de s'afficher régulièrement en haut à gauche de l'écran. Résultat, je traînais dans le décor au grand dam des enjeux des personnages pour trouver des documents à collecter, je choisissais mes armes en fonction de ma progression dans leurs défis respectifs, j'allais au contact pour remplir le challenge « brutal »... Clairement c'était ma première préoccupation. L'aventure servait de support à la complétion de tous ces objectifs secondaires qui s'offraient à moi et auxquels je ne sais résister.

La deuxième partie ça s'est passé différemment et bien mieux de ce point de vue. Pour une raison simple : j'avais déjà complété la plupart des défis (me manquait plus que celui qui consiste à assommer des ennemis avec du sable, pas évident celui-là parce que tu crois qu'il y a plein d'endroits où le faire dans l'aventure alors que non). La difficulté s'est révélée particulièrement velue mode FUBAR oblige ; j'étais donc à fond dans la « vraie » aventure. Reste à savoir comment elle se passe du côté ludique.

Les solutions que demande à mettre en œuvre le jeu pour le battre dans ses différents niveaux complètent-elles, développent-elles l'histoire sur le papier ? Et c'est avec un franc « pas vraiment » que je réponds à cette question.

Régénération des blessures automatique ; apprentissage par l'échec jusqu'à trouver une stratégie payante ; on est assez loin d'une retranscription du combat de soldats humains et mortels. Il ne s'agit pas d'éviter les tirs ennemis mais de ne pas en recevoir trop d'un coup. C'est-à-dire qu'à moins de se trouver à couvert les tirs ennemis nous atteignent forcément, et ils le font dès qu'on se lève pour viser. D'un point de vue ludique ce n'est pas inintéressant : j'ai dû faire preuve de créativité pour survivre à certaines situations (je pense au moment où on se retrouve tout seul chapitre 6 et plus loin ce passage horrible dans le désert avec un bus plein d'ennemis qui se ramène depuis le fond de l'écran, avec un bateau échoué dans le sable pas loin) et d'un assez gros skill dans d'autres (les derniers niveaux sont à ce point impitoyables qu'on ne peut se découvrir sous le feu ennemi que le temps de tirer une seule balle !). D'un point de vue narratif ça ne colle vraiment pas à l'histoire sur le papier. On a un système de jeu qui correspond très mal à la situation qu'on veut nous faire partager car Walker qui finit le jeu ne se prend pas des balles et ne reste pas caché pour s'en remettre au bout de quelques secondes. De même il n'a pas à faire face à des situations qui requièrent de recommencer encore et encore juste pour trouver une stratégie payante.

Ce que le joueur doit mettre en œuvre pour gagner ne correspond que d'assez loin à ce que le personnage est censé mettre en œuvre pour s'en sortir. On garde quand même le skill de visée et le côté tactique des ordres à donner aux deux autres soldats. Les solutions créatives évoquées dans les exemples au-dessus ne s'acquièrent malheureusement qu'au fil des morts et des recommencements, qui permettent d'appréhender de mieux en mieux la situation et de trouver une stratégie gagnante.

Ah tiens je pense aussi à l'indicateur de grenade. Quand une grenade arrive tout près de nous, une flèche apparaît, nous indiquant la position de la grenade par rapport à nous. Quand on est trop près de la grenade, que sa détonation fera très très mal donc, cette flèche est rouge. Il s'agit alors tout simplement de déplacer Walker le long de sa couverture dans le sens opposé à la flèche jusqu'à ce que celle-ci devienne blanche, synonyme de distance de sécurité (enfin en FUBAR ça fait mal quand même je crois). Tout ce travail, on le fait sans même voir la grenade ! C'est presque un mini-jeu qui se lance dès qu'on reçoit une grenade. Un mini-jeu dont les solutions nous amènent assez loin de l'expérience du soldat sur le terrain. Encore une fois je ne dis pas que ça fait des fusillades ratées ; simplement que ça ne colle que piètrement à comment Walker est censé se dépatouiller dans une panade pareille. Je veux dire, il devrait au moins avoir un visuel sur la grenade pour savoir quoi faire ! Il a pas une flèche qui lui indique dans quelle direction aller et à partir de quand il est en sécurité.

De la même manière, on aura parfois une sorte de QTE qui apparaît à l'écran pour ordonner à ses hommes de balancer la grenade flash... Ça fait genre « fatalité disponible ! Appuie sur R2 ! »

On a donc un système de jeu qui s'il ne manque pas forcément d'intérêt en lui-même ne colle que de très loin à l'expérience que sont censés avoir les soldats sur le terrain. Il y a un gros manque d'ambition à ce niveau de la part des développeurs, sans parler qu'une grosse partie de ce système existait déjà avant Spec Ops et qu'on le retrouve dans l'immense majorité des jeux d'action... Aucune excuse, donc.

Réalisation

Pas de commentaire particulier à faire, ah si les textures qui apparaissent en retard. Unreal Engine 3, tout ça... La prestation de Nolan North dans le rôle principal m'a pas mal dérangé, au point que je préfère la version française que j'ai sélectionné pour ma seconde partie. L'impression d'entendre parler un « Dark Nate » était persistante et franchement casseuse de trip (Nate de la série Uncharted, même doubleur). Les décors m'ont fait un peu pensé à Just Cause 2. Faut dire Just Cause 2 s'est probablement inspiré de l'architecture de Dubaï pour certaines de ses villes.

Conclusion

Spec Ops The Line n'est donc pas un jeu génial. Mais sa deuxième partie (je veux dire, mon second run) était d'une telle noirceur que je me rappelle quand même bien du jeu ! Et les ralentis lors des tirs tête sont sympa. Tout comme la précision des armes (sans iron sight, avec un bon vieux réticule bien chirurgical – ça change) et l'environnement qui a pas mal de gueule. Carton rouge bien sûr pour les cadavres qui disparaissent façon Prince of Persia Les Sables du Temps : où est l'intérêt de modéliser des charniers quand laisser les corps criblés de balles par le joueur aurait pu suffire à le dégoûter de la violence du héros ?

Verdict = ok