Parasite Eve est un survival-horror mâtiné d'éléments de RPG japonais, sorti en 1998 sur la première Playstation.
Pour l'avoir fait en 2020, je peux dire avec confiance qu'il n'a que très peu vieilli. Sa présentation reste actuelle grâce à ses caméras fixes affichant de splendides décors en 2D avec personnages en 3D s'y déplaçant avec naturel. Seules quelques passages de cinématiques très pixellisés trahissent l'âge du logiciel (et encore, ce pourrait être la faute de ma version fan-traduite). Le jeu est très accessible et nous prend juste ce qu'il faut par la main, dans un équilibre idéal entre accessibilité et découverte de son système. La difficulté est douce... à quelques exceptions près.
En effet Parasite Eve est un jeu très aimable, bienveillant, qui, à disons trois reprises, se jette néanmoins sur le joueur ayant baissé la garde pour lui ruiner le dos à coups de couteau.
Comment qualifier autrement la fuite du toit de l'immeuble juste après un boss, qui nous demande de courir dans une direction non précisée sous peine de Game Over punitif et injuste ? Et cette sauvegarde avant l'avant-dernier boss qui, si effectuée sans préparation, condamne toutes nos chances de finir le jeu ? Et que dire enfin de la course-poursuite finale post-boss, ses embranchements à connaître par cœur, son point de sauvegarde à ne surtout pas toucher (véridique : là encore, possible de condamner sa partie purement et simplement) et son caractère ultra punitif du fait qu'elle arrive juste après le boss final en cinq phases ?
Comment de telles décisions ont-elles pu être validées par les producteurs ? Je ne comprends pas. Tout le reste du jeu est très juste envers nous. Là dessus on sent l'âge du jeu : une production Square-Enix moderne ne se permettrait jamais des horreurs pareilles. A vrai dire même les jeux console réputés les plus difficiles comme les Souls n'ont rien en commun avec de telles pratiques. On n'a pas idée de laisser au joueur le risque de devoir recommencer depuis le début. Ça ne se fait pas. Le joueur n'a pas que ça à faire, je pense.
Outre ces aspects, Parasite Eve est une histoire assez originale et prenante une fois qu'on passe le zoo (le pire niveau du jeu avec ses chemins labyrinthiques). C'est une flic de New York qui affronte Eve, une créature dotée de différents pouvoirs destructeurs (elle provoque des combustions spontanés, réduit les gens à l'état de gelée visqueuse à ses ordres, transforme les animaux en monstre...), contre lesquels l'héroïne est mystérieusement immunisée.
Il y a du suspens : comment Eve sera-t-elle arrêtée sans que New York tombe ? Pourquoi Aya ne brûle-t-elle pas au contact d'Eve mais au contraire acquit elle-même des pouvoirs ?
Le côté action fonctionne très bien, avec plein de rebondissements (l'attaque du commissariat par exemple) et une générosité certaine de la part des créateurs (voir ces cinématiques montrant des chasseurs voler entre les buildings et tirer sur Eve, on se croirait dans un blockbuster américain alors qu'on est sur PS1 !). Je suis moins convaincu par les explications sur le pourquoi du comment.
Voyez-vous, Maya, la sœur d'Aya, est morte. Seulement, avant sa mort, un de ses reins a été transplanté à Melissa Pearce tandis que l'une de ses cornées l'a été à Aya. Melissa est devenue vingt ans plus tard la méchante créature Eve, tandis que Aya est devenue la gentille flic avec des pouvoirs lui permettant d'affronter Eve. Et pourquoi cela ? Parce que les mitochondries de Maya sont celles de la doyenne de l'humanité, et pourquoi ça, et bien je n'en sais fichtre rien ! Et pourquoi les mitochondries de la doyenne de l'humanité (une femme africaine) seraient-elles plus puissantes que celles de votre grand-père, et bien ça non plus je ne le sais pas.
Le jeu n'est pas très clair sur ces sujets, même s'il adore nous faire de brefs exposés sur les mitochondries (assez intéressants d'ailleurs).
Les personnages quant à eux sont soit en retrait, soit caricaturaux. Aya et le scientifique japonais par exemple, sont en retrait, n'ont pas beaucoup de caractère (même si Aya a une sacrée allure quand elle saute en parachute vers la fin). Aya se laisse berner par les méchants à deux reprises (quand elle monte en calèche avec Eve, puis quand elle laisse Klemp s'approcher d'elle avec un scalpel), tant et si bien qu'elle apparaît malheureusement comme une flic assez incompétente, malgré tout ce que ses collègues disent d'elle. Son partenaire justement, un gros noir moustachu tout droit sorti d'un film des années 70, est une caricature. Il assomme sans problème des journalistes qui posent des questions, il s'énerve pour rien, déteste évidemment toute forme de bureaucratie et ne jure que par l'action... Il a ceci dit un joli moment de bravoure quand il se jette d'un hélicoptère pour lancer à Aya le chargeur de balles spéciales dont elle a besoin pour tuer le boss final.
L'histoire n'est donc pas oufissime du tout, même si je l'ai suivie avec intérêt et qu'elle ne perd pas son temps (surtout après le zoo).
Côté challenge, là aussi c'est du même tonneau : sans être dingue, le système est très intéressant. Les combats, des rencontres aléatoires qui figent l'écran quand on court et nous enferment dans une arène invisible, mélangent gestion de l'équipement (comment avoir les armes et armures les plus efficaces en combat) et déplacements (comment éviter les attaques ennemies en temps réel). D'où mon introduction où je parlais de survival-horror mâtiné de jeu de rôle japonais.
J'ai particulièrement apprécié la customisation des armes et armures. Ces dernières ont des statistiques mais peuvent aussi porter des effets supplémentaires, souvent extrêmement utiles. On peut récupérer un effet d'une arme pour le mettre sur une autre arme, mais on perdra alors l'arme d'où provient l'effet. Il faut donc faire des choix, d'autant que pour ce procédé, on a besoin d'un Outil, que l'on ne trouve dans l'aventure qu'en nombre limité.
L'enjeu est ici de se fabriquer petit à petit une arme et une armure particulièrement efficaces pour aborder les différents combats et, bien sûr, le boss final.
Le boss final (toutes ses phases, j'inclus Eve dedans) est par ailleurs le seul combat de l'aventure principale nécessitant une réelle préparation. J'ai trouvé ces derniers combats jouissifs car ils ont constitué le véritable climax de l'aventure ludique : j'ai déchaîné ma puissance ainsi que tout un tas d'objets que j'avais accumulé en anticipation. Aya a utilisé son pouvoir Libération, qui la change en une sorte d'ange gracieux, magnifique et destructeur ; son lance-roquettes trouvé dans un entrepôt optionnel ; ses objets Vie qui la ressuscitent automatiquement ; évidemment sa meilleure arme et sa meilleure armure optimisées au possible. C'est un festival, un feu d'artifice de puissance de feu.
Une fois le jeu terminé, on peut le recommencer en mode EX. La particularité est que l'on conserve son arme et armure de prédilection, ainsi que tout le contenu du coffre à objets. Et surtout, on a accès dès le début du jeu à la Tour Chrysler, un lieu mystérieux sur lequel aucun personnage ne fait aucun commentaire mais qu'on peut, dans la peau d'Aya, entreprendre de visiter.
Et bon sang, il y a du boulot.
La Tour Chrysler est l'équivalent d'un mauvais DLC d'aujourd'hui, sauf qu'à l'époque c'était directement inclus sur le CD. Pourquoi mauvais DLC ? Parce que le level design est ennuyeux au possible et a le culot de compenser sa médiocrité par une longueur inconcevable. Pensez donc, 77 étages (vu sur une soluce) dont chacun est un labyrinthe généré aléatoirement (le jeu en avance sur son temps...) constitué d'une grosse vingtaine de pièces bardées de combats aléatoires. Le pire c'est que toutes les pièces de la tour (donc 77 * 20, faites le calcul) sont en fait seulement TROIS pièces différentes (l'angle, le couloir, l'intersection), réutilisées ad nauseam.
J'ai voulu le faire, j'ai même fait les 19 premiers étages, puis j'ai arrêté. Chaque étage était un défi lancé à ma volonté d'arrêter pour aller faire quelque chose de plus intéressant de ma vie.
D'autant que la mesquinerie des développeurs repointe le bout de sa truffe humide : au milieu d'ennemis qui me font zéro de dégâts, j'ai pu tomber sur un monstre-coffre qui m'a tué en une attaque m'enlevant 80% de ma vie. Sympa, d'autant qu'on ne peut sauvegarder que tous les 10 étages et ce, après avoir tué un boss... Pour les étages 9 et 19, le boss était simple, mais je ne peux imaginer la rage de se faire tuer par un boss après s'être enfilé 10 étages horribles de pièces copiées collées et de combats osef et répétitifs. Bref, pas pour moi.
D'après mes lectures sur internet, le haut de la tour renferme un boss extrêmement dur et débloque une nouvelle fin du jeu, qui n'annule pas vraiment la première mais plutôt la prolonge paresseusement (comme un DLC en fait), en imaginant que Eve avait un plan B et qu'on anéantit ce plan B. C'est pratique parce qu'on n'a même pas besoin de se demander si cette fin est canonique ou non tellement sa nature même la rend oubliable et facultative, comme une scène coupée dans un film.
Vous comprendrez que je garderai un souvenir mitigé de Parasite Eve. Sa présentation moderne, le suspens de son histoire et l'efficacité de ses phases interactives d'exploration et de combat mâtiné de J-RPG m'ont permis de passer un bon moment et je ne boude pas mon plaisir. Par contre le jeu a ses limites, avec ses mesquineries de game design et ses personnages et sa mythologie inaboutis.
J'ai déjà fait sa suite Parasite Eve 2 quand j'étais au collège et j'avais bien aimé ; ne me reste plus que The Third Birthday pour compléter la saga, mais je crains le pire pour son scénario (je me le suis spoilé et ça m'a semblé particulièrement tarte).
Verdict = ok