2020
C’est le deuxième jeu que je parcours de la Bloober Team, les développeurs du nullissime Layers of Fear et de son DLC Inheritance un chouïa plus passable. Et bien bonne nouvelle, j’ai préféré Observer !
Ce n’est pas difficile d’expliquer ce que j’ai aimé. Observer nous plonge dans la peau d’un homme bien identifié, Daniel, qui a le voix et le visage d’un acteur connu, Rutger Hauer. On ne voit pas son visage si souvent, le jeu étant en vue à la première personne, mais cela arrive, au détour d’un rétroviseur ou d’une cinématique devant un miroir… En plus de l’affiche du jeu.
Observer dispose de surcroît d’un vrai scénario couplé à une vraie proposition ludique : Daniel, sorte d’inspecteur « augmenté » d’un futur dystopique horrible, a reçu un appel étrange de son fils Adam perdu de vue depuis des années. Il remonte à l’origine de l’appel, un immeuble décrépi, et trouve dans l’appartement de son fils un cadavre décapité non identifiable… A ce moment précis un système de verrouillage se déclenche et l’immeuble est condamné, toute sortie devient impossible. Daniel va alors explorer le bâtiment et mener son enquête en parlant avec tous les occupants, et va découvrir d’autres cadavres… Les scènes de crime étant pour le joueur une autre opportunité de frissonner puisqu’il nous revient d’observer chaque élément du décor pour découvrir des indices.
Le cadavre décapité était-il celui d’Adam ? Qui est l’auteur de tous les crimes dans l’immeuble ? Pourquoi ce verrouillage ? Sur quel grand projet Adam travaillait qui aurait pu mettre sa vie en péril ? Autant de questions que Daniel se pose et nous avec.
On voit le corps de Daniel quand on regarde vers le sol et ça j’aime bien.
L’exploration de l’immeuble se fait sans GPS, sans boussole, sans rien. On doit observer les numéros des appartements écrits sur les murs, se repérer grâce à des cartes affichées près des escaliers… Déjà l’aspect exploration, même si l’immeuble n’est pas non plus immense, est bien présent et non dénué d’intérêt.
Franchement avancer dans cette enquête était un plaisir. Là où le bat blesse, ce sont les séquences d’interrogation neurale… C’est-à-dire que Daniel a la possibilité de se connecter à l’implant neural des cadavres qu’il trouve, et c’est censé lui montrer ce qu’ils ont vécu ou enduré. Sauf que pour les développeurs, c’est à chaque fois l’occasion de refaire Layers of Fear, c’est-à-dire nous proposer un niveau qui consiste à marcher le long d’un couloir, avec mille et une hallucinations sonores et visuelles flippantes et agressives. C’est une sorte de train fantôme décérébré, où notre implication est minime (sauf exceptions, j’y reviens), où l’on se contente d’avancer et subir les attaques son et lumières des concepteurs.
Scénaristiquement c’est à chaque fois un bazar complet, on voit des bribes de la vie de la victime hors contexte et difficilement compréhensibles, parfois les hallucinations ne concernent plus la victime mais Daniel lui-même et ce sans aucune transition, ce qui participe à l’embrouille. Et en général, le niveau (trop long) se termine en dévoilant in fine une information qui elle permet effectivement d’avancer dans l’enquête.
Je parlais d’exceptions quant à notre implication dans ces séquences. Oui, car parfois, il va s’agir de sortir d’une pièce infinie en choisissant la bonne porte, d’autres fois il y aura un ennemi imbattable et gigantesque qui patrouille et qu’on devra éviter, d’autre fois encore on se retrouve dans une forêt où il faut trouver son chemin de la façon la plus absurde qui soit, en allant vers une zone illuminée arbitrairement…
Le problème de ces séquences, pour moi, c’est qu’elles sont abstraites, elles ne s’inscrivent pas du tout dans le scénario, n’ont aucun sens. Elles ne sont pas en elles-mêmes dépourvues d’intérêt ludique, mais dans le contexte du scénario d’Observer elles n’ont aucun sens.
Le pire c’est qu’à la fin du jeu, sans que je comprenne pourquoi, ces séquences s’insinuent dans la réalité, c’est-à-dire alors même que Daniel n’est connecté à aucun cadavre… Là ça devient nawak. Le scénario devient nawak. En pleine réalité Daniel se retrouve à marcher dans un couloir dont les parois sont de la chair, comme s’il était dans un vaisseau sanguin ou dans un corps. Et après avoir tenté d’ouvrir une porte, une masse de chair vient l’écrabouiller. Game over ? Que nenni, en fait ça nous fait arriver dans la salle finale ! Vous comprendrez que ça m’a gonflé, j’ai décroché.
C’est dommage parce que même à la fin le scénario conserve une dimension concrète, à laquelle il est toujours possible de se raccrocher.
Le choix final par exemple, d’accepter ou non que la conscience numérique du fils 2.0 se télécharge dans l’implant neural du héros, j’ai envie de dire pourquoi pas. Dans l’univers du jeu, ce n’est pas une question improbable.
Le problème c’est que la « mise en scène » d’Observer a tendance à engloutir toute la force « concrète » de l’histoire derrière une imagerie de clip d’horreur, qui embrouille énormément le propos. On aurait pu rester dans quelque chose de sobre et ça n’aurait pas été « mal »… Même sans les hallucinations, les sous-sols de l’immeuble sont extrêmement glauques et flippants. Se dire que des gens vivent dans des appartements dans ce sous-sol, découvrir ce cochon monstrueux servant de ferme à organes, écouter ses plaintes, cela suffit à nous faire peur et à nous plonger dans l’ambiance oppressante de ce futur désastreux.
Enfin, le jeu se termine sur un choix ultime complètement naze, quand Daniel s’apprête à sortir de l’immeuble avec son fils en lui (j’ai fait ce choix, oui) et que Janus le gardien sent que quelque chose ne va pas. A ce moment-là, on a le choix entre trois réponses, toutes exprimant la résistance de Daniel à l’emprise de son fils ! Quel sens ça a, alors que deux minutes avant j’ai fait le choix d’accepter la conscience d’Adam dans le corps de Daniel ? Aucun ! Et ce n’est pas un choix, trois réponses qui disent la même chose !
Dernier grief, j’ai cru comprendre que le jeu révélait vers la fin que Daniel n’a en fait pas (ou plus) l’apparence de Rutger Hauer mais celle du monstre gigantesque qui nous traque dans les hallucinations. Et que donc Daniel refusait de voir sa propre apparence depuis une certaine opération chirurgicale (antérieure au jeu) indispensable à sa survie (après quel accident, ça je n’ai pas compris).
Bon alors ça n’a aucun sens. Déjà si on était aussi grand que ce monstre on aurait eu bien plus de mal à se faufiler dans les conduits. De plus, au début Daniel conduit une voiture ; or le monstre a un de ses bras fusionné avec son tronc, ce qui rendrait vous m’avouerez la conduite d’une voiture délicate.
Je n’ai pas du tout cru à cette révélation…
Verdict = ok