2021
AVERTISSEMENT : je dévoile l'intrigue et je rentre en détail dans le fonctionnement de différentes composantes du système du jeu. Perso, je ne voudrais pas apprendre tout cela avant d'avoir fait le jeu, pour tout découvrir par moi-même. C'est donc à vous de voir si vous êtes d'accord pour qu'on vous parle de l'histoire et du système de jeu avant de les avoir expérimentés par vous-même.
Pour la seconde fois j'ai fait une version vidéo d'une critique, vous pouvez la regarder ici : https://youtu.be/O3XfnTYVSdg. Je suis preneur de toute critique constructive, respectueuse et bienveillante.
In rays of the light est une création du développeur russe indépendant Sergey Noskov. On commence directement en vue subjective. Il n’y a pas de cinématique présentant notre personnage, son corps ou ses enjeux. On se trouve dans une pièce fermée d’un grand bâtiment vide. La lumière du soleil rentre à travers les fenêtres cassées. Qu’est-ce que l’on doit faire ici ?
Il n’y a pas la moindre bribe d’indice indiquant quoi faire. Aucun objectif de mission, ni via l’interface, ni via une quelconque voix-off. Notre personnage ne s’exprime pas. On ne voit jamais son visage. On ne sait pas comment il est arrivé dans cette pièce, ni pourquoi il s’éveille maintenant.
Pour autant, In rays of the light n’est pas une balade sans enjeux. A mesure que l’on explore le bâtiment, on est confronté à de multiples obstacles : des portes fermées, des machines sans électricité, un cadenas à code. Alors, on se met à chercher des clefs, à rétablir le courant, à trouver le code pour le cadenas. L’expérience, sans tension initiale, se transforme vite en une quête de découverte : il s’agit de tout ouvrir, tout déverrouiller, pour voir quels secrets renferment le bâtiment et, peut-être, trouver un sens à tout cela.
Le jeu nous permet de ramasser de multiples objets, tandis qu’une interface d’inventaire peut être ouverte avec le bouton L1 pour choisir un objet, s’en emparer et l’utiliser dans l’environnement.
Notre exploration nous amène à consulter de nombreux documents et photographies laissées là dans le décor.
Je vais maintenant aborder les secrets du jeu.
Il m’est apparu assez vite que l’on explore une espèce de bâtiment universitaire laissé à l’abandon au moment d’une alerte à la bombe nucléaire. Les étudiants et les professeurs ont dû évacuer et se réfugier dans le sous-sol, dans lequel ils ont finalement péri. Ce dernier point, aussi évident qu’il me paraît, souffre dans le jeu de l’absence de tout cadavre dans les sous-sols. Le développeur a pris le parti de représenter les morts sous la forme d’ombres projetées sur les murs. Peut-être faute de moyens, peut-être par refus d’une forme de gore choc, spectaculaire, qui aurait pris toute la place et gâché la dimension contemplative, introspective ou simplement « douce » du jeu ?
J’ai vraiment apprécié l’ambiance du bâtiment universitaire et de ses alentours. La nature a repris ses droits. La lumière du soleil matinal baigne les vestiges de la civilisation des hommes. C’est le silence qui domine, seulement entrecoupé des bruits de la faune et de la flore. S’il est une chose à retenir pour moi de In rays of the light, c’est ce décor à la fois mortifère et beau.
Au premier degré, l’aventure du protagoniste n’a pas beaucoup de sens. On pourrait penser que c’est un fantôme. Qu’il se réveille dans une pièce qu’il occupait autrefois. Mais dans ce cas, pourquoi a-t-il une interaction aussi terre-à-terre, aussi physique, avec son environnement ? Je pense à ces barricades arrachées, à ces plantes grimpantes brûlées sur des serrures, à cette reconfiguration d’un panneau électrique… Pas très fantôme tout cela, et pourtant, un être physique ne pourrait pas être apparu comme par magie dans une pièce fermée dans un bâtiment abandonné depuis des décennies… De son côté, la conclusion du jeu part totalement dans le fantastique. Je suis gêné par cet entre-deux, ces deux composantes terriennes et spirituelles qui se contredisent.
Le contrôle du personnage m’a fait m’arracher les cheveux lui aussi. Décidément, après Song of Horror, je n’ai pas beaucoup de chance. De loin In rays of the light propose un contrôle à la première personne standard, avec le stick gauche pour se déplacer et le stick droit pour la caméra. Les boutons d’action sont utilisées de façon si sporadique que je ne vais pas les développer. Le problème, c’est un comportement du stick gauche. Quand on oriente le stick vers une diagonale, la vitesse du personnage diminue de moitié voire plus. Par exemple, alors que je marche droit devant moi à bonne allure, si je dévie un tant soit peu mon stick de MIDI, pour l’orienter à 1H ou 11H (si on le considère comme une horloge), mon personnage va ralentir à tel point que c’est comme s’il se mettait à marcher sur la pointe des pieds, presque à l’arrêt !
Je ne sais pas du tout si c’est voulu ou non, mais j’ai trouvé ça très agaçant pour explorer. Je me suis mis à éviter au maximum les déplacements en diagonale, pour soit aller franchement devant moi, soit faire franchement des pas de côté, mais rien entre les deux. Cela m’a paru incroyable que les pas de côté aillent plus vite que la marche en diagonale…
Concernant la difficulté du jeu, j’ai apprécié de pouvoir tout faire sans avoir à consulter de solution sur internet. J’ai bien eu quelques sueurs froides en me mettant à la recherche de pièces de monnaie sur tout le campus, mais je les ai finalement trouvées en persévérant. J’ai trouvé que c’était un bon équilibre : jamais trop simple, jamais trop dur. Les enjeux de recherche, de résolution d’énigme, forment le script du jeu, le scénario de notre expérience de joueur.
Tout autre sujet, vers la fin de l’aventure le développeur se fait extrêmement moralisateur. La progression exige de projeter un film dans un amphithéâtre, et alors attention, le film… C’est trois minutes de propagande écolo culpabilisante avec une musique agressive, pour dire que les humains sont vraiment des sales cons pollueurs et destructeurs et qu’une fois qu’on se sera nous-mêmes atomisés et vaporisés de la surface de la Terre, la nature nous dira merci.
Si je suis très sensible dans la vie aux enjeux écolo, j’ai trouvé ce message d’un nihilisme naïf, qui réduit l’humanité aux bombes et à la guerre. Or, je doute que l’on ne soit « que » cela…
Dans tous les cas, cela assoit In rays of the light comme une création personnelle et une vision artistique forte. Même imparfaite, même si je n’ai pas adhéré à tout, il me restera ces déambulations à moitié immatérielles dans un ancien campus universitaire tout à la fois mort et magnifique.
Verdict = ok