À propos du vidéogiciel : Hotline Miami

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jeudi 9 septembre 2021

Hotline Miami (PS3)

Dexter without a code

Je n'ai pas beaucoup aimé Hotline Miami. J'ai un peu le sentiment d'un gâchis en y pensant. J'ai trouvé des choses très bonnes mais l'expérience n'a jamais décollé, et je l'ai terminé en deux sessions. Heu… Je reste coi. Déjà fini ? C'est aussi ce que je me suis dit à chaque fin de chapitre. Tout va très vite, tout se termine avant même qu'on ait compris que ça commence.

Théoriquement je pense que chaque étage du jeu (un chapitre comportant le plus souvent deux étages, maximum trois et minimum un) doit pouvoir se terminer en moins de 30 secondes. Alors ça n'a pas été mon cas, je suis mort plein de fois avant de réussir chaque étage (enfin plein, ça dépend). Mais concrètement, pour quelqu'un qui connaît un étage par coeur, même moi mettons quand j'y arrive finalement, je pourrais le recommencer et je mets moins d'une minute. Je suis pas en train de reprocher au jeu sa durée de vie (quelle moche expression). J'élabore sur mon sentiment d'avoir été expulsé du jeu régulièrement juste après y être entré, avant même de m'y être immergé. Chaque chapitre est incroyablement court et on les enchaîne. A peine deux étages conquis, voilà le message chapitre terminé qui apparaît et on doit rebrousser chemin pour redescendre et retourner à la voiture. Alors, l'écran de score s'affiche, qui inscrit nos statistiques. Puis le personnage s'arrête à un magasin, et l'écran de nouveau chapitre apparaît.

Il faut dire aussi des choses sur ces intermèdes entre vraies séquences de jeu. Chaque chapitre commence par une séquence jouable dans l'appartement du héros et se termine par une séquence jouable dans un magasin fréquenté par le héros. Vous avez vu des images du jeu. Ce sont des niveaux en deux dimensions vus de dessus. Dans les séquences intermèdes donc, le héros démarre à un point A (son lit, l'entrée du commerce) et il y a une grosse flèche rouge avec la touche croix dessus qui indique soit le téléphone soit le vendeur (respectivement). Dans le cas du vendeur, après lui avoir parlé une deuxième flèche rouge apparaît dans le décor sur l'objet que le personnage vient acheter (une pizza, un DVD). Ensuite, on n'a plus de flèche rouge à l'écran et donc on fait la seule chose qu'on peut faire : aller à la voiture.

Ces séquences, comment dire. D'un point de vue ludique, je pense que c'est encore moins palpitant que l'intro de The Last of Us dans la maison. Dans celle-ci on incarne la fille de Joel et on doit le chercher dans la maison. Personne dans la chambre, on descend l'escalier, on arrive à la cuisine et on a gagné, la cinématique se déclenche. C'est pas grand chose, mais on a quand même à explorer et du coup s'approprier un environnement en trois dimensions dont on ne voit pas toute la surface instantanément. On n'a pas non plus de flèche visible pour savoir où aller. C'est court aussi, c'est assez insignifiant (toujours strictement point de vue ludique). Mais alors Hotline Miami. HOTLINE MIAMI. On se tape à chaque chapitre des séquences encore plus nulles que celle-ci avant et après chaque vrai morceau de jeu. Des séquences de déplacement complètement abstraites en plus, vu qu'on fait ce qu'on fait uniquement parce qu'une FLÈCHE nous l'indique. Quand on est dans un étage à nettoyer, on sait ce qu'on doit faire. On est un tueur, on est là pour tuer, go. Mais dans un commerce ou dans la maison. On ne sait pas du tout quoi faire. Et on s'en remet à des FLECHES ROUGES pour faire avancer rien d'autre qu'un grrr! de film. Où est l'apport de l'interactivité là-dedans ? Quelle aurait été la différence si ces scènes avaient été en bédé ou en cinématique ?

They Bleed Pixels, autre jeu indé, nous épargne les transitions osef à jouer et nous les raconte en cinématiques bédé. Moi ces séquences dans Hotline Miami m'ont gavé. Prendre la manette pour être le larbin du développeur, même pour 30 secondes, ça m'ennuie et ça m'horripile. Quand je lis BlackLabel et Take Shelter sur GTA V, j'ai le sentiment qu'ils pourraient avoir le même discours sur ces séquences dans Hotline Miami. Ce qu'on fait à la manette, c'est vraiment ingrat. Déplacer un bonhomme vu de haut sur un plan d'un point A à un point B bien mis en évidence… Non, juste non.

Normalement vous êtes bien chauds là. Attention je vais dire du bien du jeu.

Le système de jeu est sur certains aspects proprement excellent. Je dois dire qu'en contrôlant mon tueur j'avais bel et bien l'impression d'incarner un humain et pas un point abstrait dans un jeu de shoot. Je dis ça parce qu'à côté je jouais à Riff Everyday Shooter qui pour le coup est un vrai shooter abstrait avec un point qui tire des traits. Et bien Miami ce n'est pas ça.

Déjà notre personnage ne se tourne pas dans toutes les directions instantanément, il faut vouloir le faire et ainsi utiliser le stick droit, sinon il fait face toujours à la même direction. Il a une vitesse de course / marche qui semble humaine, ce n'est pas Flash Gordon, il est assez lent.

Il est très pertinent également dans son interaction avec les ennemis. Il meurt d'un coup, déjà chapeau aux développeurs pour ça. Pas d'auto-régénération, même pas de trousse de soin, un coup, une balle et c'est fini. Les ennemis sont un peu plus résistants que nous mais jamais de trop, sauf certains boss. Les armes à feu sont mortelles des deux côtés, les coups de batte idem.

Dans les combats, il va s'agir très simplement de taper et bouger au bon moment. Si on est à portée d'un ennemi, qu'il a levé sa batte et qu'on commence alors à lever la notre, c'est perdu. Il aurait fallu reculer, puis contre-attaquer. C'est simple, c'est logique, c'est le coeur du combat de Hotline Miami.

Les échanges à l'arme à feu sont violents et brutaux. Elles calment tout le monde, sauf certains ennemis plus réceptifs à une décharge de fusil à pompe. Les trajectoires des rafales sont visibles, on peut les éviter avec de la chance mais c'est pratiquement impossible. On n'est pas plus rapide que les balles, c'est là aussi qu'on voit que l'on n'est pas dans un shoot abstrait. Il s'agit à tout prix de ne pas rentrer dans la ligne de mire d'un ennemi équipé d'une arme à feu, à moins de le descendre et de se recacher aussi net s'il a eu le temps d'appuyer sur la détente.

Du combat réaliste donc, qui plonge bien dans l'action. Et quand je dis l'action, c'est bien l'action décrite par le jeu dans son histoire ; c'est pas de l'action figurative façon règles de jeu modernes avec auto-régén' qui ne vaudrait rien capturée en cinématique. On est dedans, en un mot.

En fait le seul aspect du système un peu absurde, c'est le champ de vision. Non seulement on voit le niveau de dessus, mais on peut aussi maintenir une touche pour parcourir à vol d'oiseau le niveau dans un certain rayon autour de notre perso. Mais ce n'est pas assez pour casser la véracité du trip, ça tombe dans la catégorie du couac minoritaire qui ne casse pas tout parce que justement, il est minoritaire par rapport à l'ensemble d'éléments qui butent à côté. Façon la collection d'armes qu'on peut se trimballer dans Doom 3, qui n'avait pas réussi à me gâcher le jeu tellement le reste du système était fort et pertinent.

Ce qui fâche ici et LA phrase que je peux dire à propos du jeu, c'est que ça ne décolle pas. On a des points de passage à chaque étage et on recommence instantanément quand on meurt. Pour le coup on peut dire que quand on meurt, on recommence littéralement deux secondes avant. Le jeu nous demande de nous concentrer pour finir un étage, mais on commence à peine à être à l'aise que c'est déjà fini. Les niveaux ne durent pas. Rien ne dure, rien ne s'installe. Les niveaux se terminent trop vite. J'aurais volontiers échangé de la difficulté (le jeu est assez impitoyable, les ennemis étant très réactifs, nombreux et pas toujours visibles à l'avance, c'est assez injuste en fait, oui c'est du pur die and retry) pour de la longueur, des niveaux plus écrits avec des péripéties, et des niveaux dans lesquels on ne recommence pas deux secondes avant quand on meurt ! Hotline Miami jouit d'un système de jeu vraiment pertinent mais au lieu de s'en servir pour créer une expérience profonde, de jeu et pourquoi pas narrative, se limite à du scoring fast-food, des niveaux pour console portable, ne crée aucune tension sur la durée.

Tout ça dans un emballage scénaristique, visuel et musical qui donne du corps à l'ensemble. Mais ça aurait pu être tellement mieux. Moi je voudrais un grrr! de survival-horror avec ce système de jeu, pas un jeu d'arcade maquillé façon auteur. Du gâchis je vous dis.

Verdict = ok