À propos du vidéogiciel : Ether One

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jeudi 9 septembre 2021

Ether One (PS4)

2020.

Il y a beaucoup à dire. Je l’ai terminé en à peu près 16 heures. C’est un pur jeu d’aventure-exploration en 3D avec plein d’énigmes à résoudre. La présentation du jeu par les développeurs vante le fait que les énigmes sont optionnelles pour terminer le jeu, que l’on peut jouer de deux façons différentes, la première étant sans s’occuper des énigmes. J’ai envie de dire, oui, mais quel intérêt ? Le seul enjeu est de collecter 8 rubans, pas cachés du tout, dans chacune des quatre zones (le port, la mine, le centre industriel, le village). Je ne me suis heureusement pas limité à cela.

La force du titre à mes yeux c’est sa proposition de jeu d’aventure. Elle est quand même massive. Chacune des quatre zones m’a fait peur au début par sa taille, sa complexité et ma difficulté à me repérer dedans. C’est un jeu où l’on n’a pas de carte et pas de GPS. C’est du pur sens de l’orientation et de l’apprentissage de son environnement. Quand j’ai commencé le centre industriel, j’ai pris peur. Puis petit à petit, avec une exploration lente et méthodique, je suis arrivé à me repérer dans le décor. A savoir à peu près comment me rendre à chacun des endroits que j’avais identifiés au sein de cette zone.

Ça c’est la première chose. Ensuite viennent les énigmes. Dans chaque zone il y a 5 projecteurs cassés qu’il faut réparer. Pour les réparer, il faut en quelque sorte « remettre en scène » un moment de la vie du personnage. Oui car en fait on se balade dans les mémoires d’un patient atteint de « démence » (probablement Alzheimer mais ce n’est pas précisé)… Donc dans chaque zone, on doit chercher, sans aucune indication, des éléments qui ne sont pas à leur place, des travaux inachevés, des portes fermées… Là aussi il s’agit de comprendre son environnement, pour voir comment on peut le compléter, le réparer. Parfois l’enjeu d’un projecteur relèvera d’une logique d’exploration, exemple dans la mine où il faut terminer un forage. A un autre moment il s’agira de reconstituer une veillée funéraire…

Donc voilà : dans quatre zones complexes on doit trouver soit-même des choses à faire, reconstituer ou réparer. Cela sans aucun menu, sans carte, sans objectif, sans indicateur d’aucune sorte. C’est grisant comme difficulté, c’est prenant pour moi. C’est passionnant. A chaque pas on progresse, on arrive un petit peu mieux à se repérer, on découvre un élément interactif que l’on n’avait pas vu avant… Et surtout les énigmes ne sont pas du tout évidentes. J’ai vraiment galéré pour certaines, et bien que je voulais très fort ne pas utiliser de soluce, je l’ai quand même fait, je dirais aux 3/4 de ma partie. A ce moment-là je commençais en avoir marre du jeu, de son « scénario » (j’en parle après), et moi quand je commence à utiliser une soluce c’est très compliqué de recommencer à me prendre la tête juste après… En gros quand je me débloque avec une soluce, je n’ai plus aucune patience ensuite pour mes prochains blocages et j’ai de nouveau recours très vite à la soluce.

Pour vous expliquer, j’ai terminé le port sans soluce (mais j’ai loupé une Plaque), j’ai terminé le centre industriel sans soluce (mais un bug m’a fait sauter une énigme que je n’avais pas résolue), la mine j’ai eu recours à la soluce (j’ai bloqué sur les codes, je ne les trouvais pas, mon cerveau à ce moment-là ne repérait pas du tout les lampes sans ampoules, je ne voyais pas cette putain de lampe), le village enfin j’ai eu aussi recours à la soluce après avoir quand même beaucoup réfléchi par moi-même (je ne trouvais pas le pinceau pourtant dans la boîte ouverte à côté de la marelle résolue, l’objet TUNING KEY je pensais que c’était pour les voitures – j’étais passé en Anglais car la localisation français est beuguée – et enfin je n’ai pas trouvé comment faire apparaître toutes les cordes des cloches de l’église).

Mais je trouve que la soluce me ruine les jeux. Une fois que je l’ai utilisée, je n’ai plus envie de fournir aucun effort car, je pense que dans ma tête ça invalide le sentiment de réussite à la recherche duquel je suis dans un pur challenge massif comme celui-là. D’un autre côté, ce n’est pas simple d’avoir la patience de s’arrêter de jouer, de faire une pause, de se dire « si je n’y arrive pas aujourd’hui je réessaierai demain »… Je pense que je commençais à en avoir un peu marre aussi, j’avais très envie d’en terminer, sans doute parce que j’y avais déjà mis beaucoup d’efforts.

Le jeu aussi m’horripile, je peux le dire clairement après l’avoir terminé, sur plusieurs aspects. D’abord son refus de montrer le moindre corps. D’abord le nôtre, puisqu’on joue en vue subjective et que notre corps est invisible. J’ai beau regarder à mes pieds je ne vois pas mes pieds. Je m’assoie dans un fauteuil, je baisse les yeux et vois le siège du fauteuil. Et pourtant, après avoir obtenu l’artefact, je vois bien ma main gauche qui le tient mais toujours pas le reste de mon corps. Incohérent, invraisemblable.

Et puis bien sûr les corps des autres. Le jeu ne nous montre aucun personnage. Aucun, personne. Les environnements sont commodément vides de toute vie humaine. Même à la toute fin, quand on voit le cabinet dans lequel le personnage fait son travail de mémoire, la psychiatre est représentée dans son fauteuil… par un stéthoscope ! Alors même qu’elle est en train de parler !

Les développeurs jouent à fond sur des voix-off pour faire vivre les personnages, sauf que non, ça ne suffit pas. Au bout d’un moment, si le héros se rappelle autant les voix des autres, que ces autres sont autant présents dans sa tête, ce n’est pas logique du tout qu’on ne voit pas un bout de leur visage. Bien sûr je sais que c’est un petit studio de développement, qu’ils se sont dit ne pas avoir les ressources nécessaires pour modéliser en 3D des humains, mais à ce moment-là il ne fallait pas faire un jeu où leur absence se fait autant sentir. Pour moi il y a un vrai problème d’immersion. Je n’ai pas le sentiment de voir une réalité, mais plutôt une version de cette réalité qu’est bien arrivée à représenter une équipe de développeurs fauchés. Je confirme, c’est problématique.

Outre cette histoire de gens invisibles, c’est l’écriture qui m’a posé un vrai souci et aussi l’interprétation des acteurs de doublage :

  • Le personnage que l’on incarne est muet comme une carpe, son docteur (Phyllis) ne s’en émeut jamais et parle toute seule pendant des heures comme si de rien n’était – dans la vraie vie cela n’est pas possible !

  • Le jeu fait un mystère de l’identité du personnage incarné ; pourquoi ? Quel intérêt ? Au début Phyllis nous ment même, en nous disant qu’on est là pour aider une certaine Jean et qu’on est dans sa tête. A un certain moment du jeu, Phyllis se met à nous appeler Thomas et… voilà. Merci, mais… pourquoi ? C’est intéressant vous trouvez de crypter à mort une histoire simple de thérapie ? Cela n’aurait-il pas été mieux de savoir dès le départ qu’on incarnait Thomas en thérapie, sans le délire de science-fiction où on voyage dans le cerveau d’un autre ? Ou alors, dire que la « machine SF » permet tout simplement de se balader dans un environnement virtuel à partir des mémoires du patient, pour l’aider à se rappeler des détails ? Et pourquoi Thomas ne fait pas des commentaires quand on joue, à mesure qu’il se rappelle des choses ? Il y avait mille façons de mieux mener la barque de cette histoire au demeurant très simple. Mais les développeurs ont fait tous les mauvais choix : celui du héros muet et des persos qui ne réagissent pas à cela, celui du mystère inutile, celui de la SF hors-sujet… On ne ressent pas non plus du tout la progression de Thomas. La seule progression ressentie, c’est celle de l’honnêteté de Phyllis, qui finit par appeler un chat un chat.

  • J’ai eu aussi beaucoup de mal avec Phyllis, le docteur du héros, qu’on entend parler toute seule à tout moment. Je déteste les gens qui parlent tout seul mais alors elle, elle est hautaine, immorale, n’arrête pas de s’inquiéter pour le financement de ses recherches et nous traite sans arrêt comme un gamin, vraiment elle m’est sortie par les oreilles. Et Jean ? Et bien Jean, dès qu’on l’entend c’est une grosse niaise qui semble parler avec un sourire forcé collé au visage. Elle est mono-expression dans sa voix, c’est très agaçant, notamment quand elle tente de raconter au héros son enfance à la toute fin du jeu. Sa façon de lui exposer les traumas de sa vie d’enfant était vraiment crispante. Elle cherche à résumer une histoire complexe (la misère du père, le départ de la mère) avec une maladresse infinie, elle balance des vérités niaises à tire-larigot (« ta maman t’aimait ») sur un ton de prêche qui sait tout de toi mieux que toi-même, elle aussi seule dans son trip puisque Thomas ne répond pas. J’ai trouvé ça vraiment nul.

Techniquement le jeu présente pas mal de bugs malheureusement. Par deux fois, j’ai dû supprimer de ma PS4 le fichier de sauvegarde des options car le jeu plantait au menu principal. Le jeu m’a permis de sauter une énigme simplement en refaisant la solution de la précédente (cocher à nouveau les points de pression dans le centre industriel a suffit à restaurer le projecteur alors que je n’avais pas réglé les 4 cadrans). Quelques fois, une fois le projecteur restauré, la voix-off de Phyllis ne s’est pas déclenchée. Dans la mine, j’ai pu contourner une grille fermée par un cadenas à code en traversant le décor. Et enfin l’adaptation française n’est pas top. Pas parce qu’elle est mal traduite, rien ne m’a choqué à ce niveau, mais parce que d’une part, sauf erreur les énigmes restent en Anglais, dans le sens où il faut écrire parfois des mots anglais et pas leur traduction française. Tout n’est pas traduit aussi ; comment un Français comprend « brew » ? Des fois, le texte français s’affiche mal (un cas, où je lisais « Correction 12 » au milieu d’une phrase) ou dépasse la zone d’affichage, de fait on ne peut pas tout lire et on loupe des mots. Je pense que le jeu a été bien traduit, mais que les développeurs n’ont pas fait en sorte que leur jeu soit intégralement localisé. C’est un peu dommage. Pour afficher le texte dans de parfaites conditions il faut jouer en Anglais.

Je retiendrai de Ether One son gros challenge qui m’a motivé pendant un temps et toutes ses énigmes dures que je suis arrivé à résoudre par moi-même.

Verdict = ok