En 2005 le studio de développement Radical Entertainment, connu aujourd'hui pour la série des Prototype, se retrouvait aux commandes de l'adaptation en jeu vidéo de la série télévisée Dark Angel, créée par James Cameron et dont le premier rôle du soldat rebelle génétiquement modifié était interprété par Jessica Alba. Les adaptations de licences connues en jeu vidéo avaient mauvaise presse et mauvaise réputation, vues comme des produits bâclés, sans âme, réalisés vite et à peu de frais, encore plus à l'époque sans doute puisque sur la génération PS360 des contre-exemples comme Batman et South Park ont su trouver leur public. Comment donc s'est tiré de l'exercice Radical ?
Pour décrire le jeu, il s'agit d'une succession d'une vingtaine de niveaux séparés chacun par des temps de chargement et parfois des séquences cinématiques. Chaque niveau consiste à aller d'un point A à un point B en composant avec les ennemis sur le chemin. La caméra suit le personnage de dessus, assez haute mais pas perpendiculairement au-dessus du personnage, plutôt en diagonale avec un angle de 45°, un demi angle-droit. On suit Max, l'héroïne, de loin, en entier et au-dessus d'elle.
On peut faire tourner la caméra à droite et à gauche avec le stick droit, mais pas en haut et en bas. Du fait de l'orientation de la caméra, la visibilité devant le personnage est réduite (comme dans MGS3); en appuyant sur L1 on passe en vue « sniper », on voit à travers les yeux de l'héroïne, on peut zoomer, un effet de flou de mouvement très prononcé est ajouté (pourquoi?) et on peut déplacer un réticule pour tirer au pistolet tranquillisant sur un ennemi, à condition que le réticule soit rouge et qu’on ait des munitions (rares). Un mode « snipe » réservé aux ennemis inaccessibles en combat rapproché (miradors…).
Pour « composer » avec les ennemis, on dispose de deux atouts majeurs : l'art du combat de Max et sa disposition pour passer inaperçue. Quand le niveau commence notre présence est inconnue des gardes qui patrouillent ; on peut les neutraliser discrètement un par un. Quand et si on se fait repérer, l'alerte est donnée et tous les ennemis de la zone du niveau se ruent vers nous pour nous tabasser. Là on doit se battre pour survivre…
Les combats ont pas mal d’aspects plaisants. Déjà la manette vibre proportionnellement aux attaques, bon point. Chaque fois qu’un ennemi reçoit un coup, quel qu’il soit – même d’un autre ennemi – un petit nuage de poussière apparaît et parfois un très léger ralenti suspend l’action l’espace d’une fraction de seconde. Certaines de nos attaques peuvent envoyer violemment les ennemis voler en arrière, et ils peuvent s’écraser contre les murs ! Encore plus plaisant, si le mur en question est une étagère, cette dernière va se déformer sous le poids de l’ennemi. L’effet est scripté et toujours le même, il n’est pas rendu via un moteur physique, mais il est réellement spectaculaire. Personnellement j’ai une préférence pour de beaux effets de mort pré-rendus plutôt que des « rag dolls » physiques aléatoires.
Dernier point, la panoplie de coups de Max est très acrobatique, elle peut prendre appui sur un mur pour se retourner en coup de pied ou simplement sauter et retomber derrière l’ennemi qui l’accule. Le jeu déclenche aussi des ralentis plus ou moins aléatoirement lors de coups spectaculaires où l’on envoie valser les ennemis (Max peut aussi sauter en avant et faire genre du vélo avec ses jambes pour taper sur les gens).
Comme vu précédemment les impacts des attaques sont très lisibles et d’autant plus quand on envoie valser un ennemi sur ses alliés : alors, chaque ennemi touché reculera et un petit nuage de poussière apparaîtra pour chaque impact. On a de bons retours sur nos attaques.
L’univers de la série est relativement reconnaissable grâce à la palette de couleurs employé pour l’environnement, la musique qui se veut électro-branchée de la fin des années 90, et puis la teneur « féminin badass » des répliques de Max (par sa doubleuse française) qui allume un peu les ennemis après les avoir rossé (« entre nous ça ne collait pas », ce genre de trucs, ou encore « ben alors les garçons ? » façon vieux girl power).
Au scénario on retrouve des thèmes SF de la série comme le clonage… Cependant on peut arrêter là la comparaison car l’histoire du jeu est réellement toute pourrie. Pas de badinage amoureux entre Logan et Max, dont l’interaction se limite à des communications radio à sens unique (Logan a juste le rôle de donneur de mission et de celui qui dicte le briefing). Le jeu est structuré en plein de petits niveaux qui n’ont rien à voir autant graphiquement que géographiquement et ne construisent pas en eux-mêmes une histoire cohérente (on passe d’un hangar à un port sans autre explication que les très maigres liens scénaristiques que le jeu daigne nous présenter via la radio).
La progression dans chacun des vingt niveaux a un caractère systématique qui fait volontiers oublier qu’on est dans un épisode de Dark Angel : il s’agira toujours de trouver soit un pain explosif, soit un briquet, soit une carte magnétique. Toujours. Et toujours il y aura des paquets d’ennemis à abattre. Parfois on rencontrera un boss (3 types que le jeu recycle plusieurs fois…), un chrono ou encore l’interdiction formelle de se faire repérer.
Ces originalités de LD sont bienvenues mais pas forcément justifiées par l’intrigue. Elles ont au moins l’avantage de varier le challenge.
En parlant d’infiltration, le jeu ne fonctionne pas bien quand il y a des drones ou quand on est dos à un mur et qu’on chope un ennemi quand il passe avec triangle (pas de « prompt », au jugé). Avec les drones on a bien du mal à savoir dans quelle mesure ils peuvent nous voir, donc on avance au petit bonheur la chance, à l’instinct (dur quand les points de passage sont à ce point espacés…). Avec les types qu’on attrape depuis un mur, là c’est la roulette russe. Le problème se pose dans les niveaux où la détection entraîne le game over. Parce qu’en attrapant un type depuis un mur, parfois tout se passe bien et on l’assomme normal. Mais parfois, alors même qu’on a lancé l’animation de chope, on passe en statut « repéré ». Ce n’est pas un problème en temps normal puisqu’une demi-seconde après l’ennemi est K-O. Mais en détection interdite, ben… On a perdu. De façon injuste et incompréhensible.
Certains niveaux sont très longs du fait de la rareté des points de passage et c’est extrêmement rageant de perdre à cause de cela. J’ai fait le jeu en difficile et de façon générale c’était très dur. D’un côté ça m’a obligé à investir le jeu en profondeur. D’un autre, j’ai vraiment subi son caractère parfois injuste et toujours impitoyable. Il y a souvent une notion d’apprentissage par l’erreur, pour savoir comment gérer au mieux un groupe d’ennemis apparu via un script, qu’on n’a donc pas pu « stalker » auparavant.
La caméra « vue de dessus » n’aide pas à voir devant soit et c’est un problème quand pour x raison on est obligé d’avancer là tout de suite vers le haut de l’écran et donc risquer de tomber nez à nez avec un garde. Les combats peuvent être durs et il convient vraiment parfois de les éviter via l’infiltration ne serait-ce que pour conserver ses trousses de soin (qu’on ramasse dans le décor). Alors quand je dis infiltration c’est plus tuer tout le monde discrètement que passer comme un fantôme hein. Les niveaux sont assez couloirs pour ne pas permettre cette approche ou très rarement.
Dans un niveau horrible où détection = échec, à la toute fin on doit sauter du toit d’un wagon (à l’arrêt) sur un sol où se baladent des lumières qui nous détectent si on touche leur rond (donc perdu). En plus de ça à ce moment-là on a un chrono de 30 secondes qui se déclenche… On a dû se taper le niveau entier d’une traite sans point de passage au préalable… Et bien je vous le donne en mille, la caméra est assez mal foutue pour ne pas nous permettre de voir correctement si l’endroit où l’on va atterrir est actuellement illuminé ou non. J’ai perdu une ou deux fois à ce passage, j’étais fou.
L'intelligence artificielle montre parfois de grosses limites de crédibilité. Vers la fin du jeu, régulièrement on rencontre sur le chemin des barres parallèles qui sont disposées à genre deux mètres du sol (avec une peinture jaune en dessous, bref…). Max peut sauter dessus et s’y maintenir tendue à l’horizontale et à partir de là elle est invisible. Des types ont beau nous courser, nous voir faire même, ils seront incapables de faire quoi que ce soit une fois Max calée juste au-dessus d’eux. Et ils nous oublient et on repasse en statut indétecté. C’est assez fou et bien pauvre aussi.
Dark Angel n’est donc pas un jeu top. Il pâtit surtout de sa construction sans âme, répétitive, mécanique, et de sa progression volontiers injuste et énervante à cause des imprécisions du système. Malgré cela, le contrôle de Max est technique, les combats sont jolis et spectaculaires et je me souviens de ces rares instants de magie où, ô surprise !, la caméra se ramène dans le dos de Max et nous laisse voir le monde et son corps à sa hauteur. Un pur plaisir de jeu vidéo qui vient nous libérer de la frustration de tout voir « de dessus ».
Reste que l’histoire en général et les cinématiques en particulier sont absolument nulles et ont franchement plafonné mon intérêt.
Verdict = ok