Crysis Warhead (on dira CW) est une extension indépendante de Crysis. C’est-à-dire en gros que les développeurs ont fait de nouveaux niveaux pour le même jeu et qu’ils ont fait en sorte que cela constitue une nouvelle histoire avec un début et une fin.
CW se passe plus ou moins parallèlement à Crysis. Le jeu ne prend pas la peine de rappeler en détail l’histoire de Crysis et comment CW s’inscrit dans la chronologie et je n’ai pas non plus fait d’efforts pour me remettre dans l’histoire de Crysis. Je n’avais donc que mes souvenirs.
Souvent je déteste les extensions. Je trouve qu’elles n’apportent rien et que la narration ne fonctionne pas parce qu’on connaît les ficelles : en un mot ce que le jeu-modèle est capable de raconter, ses limites, les mouvements du personnage, ce qu’on ressent en le dirigeant, la direction artistique, la structure des niveaux et de l’histoire, la taille des environnements, etc. Nous sommes pour moi en terrain trop connu dans une extension et je ne marche pas.
Maintenant CW est peut-être la première extension que j’ai à peu près appréciée. Crytek a démontré avec Crysis un savoir faire unique de la narration pour un FPS, et on retrouve ce talent dans CW. Pour rappel, je considère que Crysis avait une histoire solide, pleine de rebondissements, dense et avec des personnages bien dessinés, y compris celui qu’on incarnait. Il y avait un soin dans les dialogues, la caractérisation et même tout simplement le level design qui montrait la volonté de raconter une histoire. Le scénario faisait du ping-pong avec la direction artistique et le challenge proposé selon les niveaux. A un moment on se retrouvait dans un vaisseau alien et pour l’occasion les développeurs ont conçu une séquence entière en gravité zéro dans des tunnels organiques et labyrinthiques… Puis après ils retiraient la possibilité de s’infiltrer, fournissait des armes plus puissantes parce que l’histoire prenait une dimension plus bourrine (et il y avait des monstres volants extraterrestres). C’était bien.
CW fait montre aussi d’une narration soignée. Le nouveau héros, Psycho, parle et est même mis en scène dans des cinématiques (alors qu’on ne voyait jamais le héros Nomad dans Crysis). Il a une vraie personnalité qui transparaît à travers certaines répliques (“il y a des règles que je ne transgresse jamais” en s’adressant à un collègue), il a une gueule, il est anglais et aime le rappeler quand on le prend pour un américain.
Le problème c’est que, comme souvent avec les extensions, l’ambition est moindre. L’histoire se suit mais c’est une “petite” histoire, sans grand intérêt parce que sans les ressources pour être ambitieuse ; une extension c’est avant tout du recyclage de code et d’éléments graphiques et peu d’argent, donc le cadre même d’une telle production plafonne l’intérêt de sa proposition.
J’ai terminé le jeu sur PC en mode facile et en jouant avec la manette 360. Je dois dire que son support par le jeu est assez merdique, désolé. Pas mal d’actions possibles avec le clavier passent tout bonnement à la trappe : afficher les objectifs (!), se coucher sur le sol (!!), zoomer sur la carte. Certains choix sont discutables : on doit maintenir la touche B pour s’accroupir (avec le pouce, donc on ne peut plus viser avec le stick droit…), on doit appuyer sur la gâchette gauche pour entrer en mode visée et rappuyer pour en sortir (au lieu de maintenir et lâcher), puis plus généralement que ce soit dans les menus ou l’écran de modification des armes les développeurs ne se sont pas foulés et se sont contentés d’émuler la souris avec le stick droit. Donc oui, sur l’écran de modification, on doit déplacer laborieusement un curseur sur chaque partie de l’arme et appuyer sur la touche A à répétition pour mettre un silencieux au canon ou une lunette de l’autre côté...
Mais le pire c’est l’accès aux différents “modes” de la combinaison du héros, pourtant le coeur du système de jeu. Ici on doit maintenir la touche RB pour faire apparaître “la roue des modes”, incliner le stick droit dans la direction correspondante et lâcher RB. Il n’est pas rare de lâcher le stick droit avant RB et de constater avec énervement que celui-ci ne s’est pas recentré correctement et qu’au lieu du mode furtif, on est sur le mode bouclier, ceci à cause d’une zone morte du stick trop faible. Cependant le vrai problème est bel et bien que l’on n’est pas du tout efficace pour passer d’un mode à à l’autre. Passer de vitesse à force puis à furtif est laborieux et imprécis. Difficile d’aborder le jeu à la manette sans avoir l’impression d’être handicapé par rapport à un joueur clavier souris.
Aujourd’hui critiquer cette implémentation manette est d’autant plus facile que l’on a vu comment Crytek a plus tard adapté son jeu Crysis sur les consoles PS3 et Xbox 360. Le contrôle ne donnait pas encore autant de souplesse que le clavier mais il était au moins fonctionnel et toutes les actions étaient réalisables. Ici ça n’a rien à voir. Pour moi c’est un support manette vraiment fait à l’arrache.
Même les cinématiques sont malheureusement assez mal faites au niveau des animations. A la fin du jeu il y a un combat à mains nues entre Psycho et le méchant et c’est juste risible. Ils bougent comme des LEGO, les effets sonores de coups ne sont pas synchronisés avec l’image, les expressions faciales sont bâclées elles aussi…
CW est donc assez loin d’être un chef d’oeuvre. Mais c’est un rappel efficace du soin remarquable qu’apporte Crytek à la narration dans Crysis. Ce n’est pas un point que je vois abordé dans les tests et c’est très injuste car je ne connais pas d’autres FPS qui font autant d’efforts pour qu’on y croie. Après cela reste des histoires militaires un peu bas de plafond mais quand même.
CW se contente de proposer la petite aventure de Psycho qui s’est déroulée en parallèle de celle de Nomad pendant les événements majeurs de Crysis. Ce n’était pas très utile tant cette dernière semble tout de même très secondaire...
Verdict = dispensable