Jericho est un jeu particulier. C’est un FPS mais il ne ressemble pas tellement à ses contemporains. J’ai cru comprendre que l’auteur Clive Barker s’est impliqué de façon significative dans la création du jeu et cela se ressent. Sur bien des points Jericho donne le sentiment de ne sortir de nulle part et c’est souvent dans le bon sens.
Le pitch : la section Jericho est composée de sept militaires, hommes et femmes, rompus au combat traditionnel et aux sciences occultes. L’histoire se passe de nos jours, sur notre planète, et le problème démoniaque est reconnu par les gouvernements. C’est la raison d’être de cette section d’élite : les phénomènes paranormaux existent, menacent l’humanité régulièrement et on doit pouvoir y faire face. Les sept, j’ai retenu leurs noms : Delgado le gros bourrin avec grosse mitrailleuse et invocation du dieu du feu ; Black la snipeur télékinésiste ; Jones avec un fusil d’assaut hybride fusil à pompe et don de possession ; Cole la jeune scientifique tellement surdouée en informatique qu’elle a craqué les lois de la physique et peut entre autres ralentir le temps ; Ross le chef ; Rawlings le prêtre qui soigne à distance et manie deux révolvers ; et enfin Church, une jeune sorcière armée d’un pistolet automatique et d’un sabre, qui peut avec son sang immobiliser les ennemis.
Ca change de d’habitude : on suit sept personnages, tous reconnaissables et correctement caractérisés. Au début je me perdais entre tous car il arrive qu’ils s’appellent par un surnom genre « Billie » ou encore « Abbie » ; déjà que je devais faire correspondre dans ma tête les noms de famille avec les capacités de chaque personnage, le coup des surnoms m’a embrouillé encore plus ! Mais ce n’est pas très grave.
Quand le jeu commence on incarne le chef Ross si ma mémoire est bonne. Problème, à la fin du chapitre 1, il se fait déchiqueter par le grand méchant (!). Déjà ça, ça tue. Voir le héros, attachant un minimum, se faire tuer avec un bras et une jambe arrachés, c’est assez violent. De Clive Barker je n’ai vu que le film Midnight Meat Train et il réservait un sort bien gore à un personnage attachant. Donc je me suis dit c’est du Clive Barker.
Mais Ross n’est pas totalement mort, son âme survit, et à partir du chapitre 2 on dirige toujours Ross mais dans le corps d’un autre membre de la section, en pouvant zapper de l’un à l’autre à loisir ! Et c’est précisément le principe roi du jeu, avoir six personnages et pouvoir passer de l’un à l’autre pour jongler avec les capacités de chaque membre de l’équipe. C’est remarquable comme ce principe ludique de pouvoir changer de personnage a un réel sens au sein de l’histoire. On incarne réellement Ross en ce qu’il passe en effet d’un corps à l’autre. Ce n’est pas une mécanique de switch abstraite, ça s’inscrit dans la narration.
Et ce n’est pas le seul exemple. Les pouvoirs des personnages sont eux aussi bien inclus dans le scénario. Parfois dans une cinématique un personnage utilisera un pouvoir qu’on utilise nous-mêmes en jeu. Parfois, on termine un combat de boss en utilisant tel pouvoir et une cinématique prend immédiatement la relève pour nous montrer le résultat. Les personnages parlent ouvertement des pouvoirs de chacun. Les pouvoirs ne sont pas du tout comme dans la plupart des jeux, sortis du scénario. Si on peut soigner ses compagnons c’est parce que l’esprit de Ross a cette compétence. C’est très rafraîchissant. C’est dommage d’ailleurs que la règle d’auto-régénération ne soit pas expliquée, elle. C’est bien la seule mais on l’a toujours devant les yeux… C’est comme si les développeurs n’avaient pas pris cette peine et s’étaient autorisé à faire comme tous les autres développeurs tâcherons.
Jericho est un FPS, donc le but est d’aller dans chaque niveau d’un point A à un point B en éliminant tous les ennemis sur le chemin. Il pèche d’une part par l’aspect couloir outrancier des décors. Mais vraiment outrancier, genre je n’avais jamais vu des développeurs oser faire des environnements 3d aussi simplistes. Là le jeu perd énormément en crédibilité parce que quel que soit l’endroit qu’on visite, ce sera toujours un couloir à la con de trois mètres de large, avec un habillage différent pour les murs. D’autre part, Jericho pèche dans son manque d’ambition en terme de level design. Je m’explique : on a nos six gus, on avance et on bute des monstres par paquet, même par gros paquets, sans avoir à renouveler notre stratégie, sans même avoir à considérer vraiment quel personnage utiliser. Dans la majeure partie du jeu on utilise qui on veut et on enchaîne les monstres… Certes, tous ne se combattent pas de la même façon. Il y en a un dont il faut exploser les pustules jaunes si on ne veut pas qu’il nous explose à la figure. Ca change de la chair à canon. Ca change… Avant qu’on s’en soit tapé cinquante ! Après c’est répétitif. Et le jeu est comme ça, assez vite abrutissant ; de fait je n’y ai joué que par petites sessions.
J’ai appris cependant à me languir des rares passages où l’on n’a a qu’un personnage à disposition. Là forcément les level designers ont pu ajuster le challenge qu’ils proposaient en fonction des capacités d’un unique personnage, par conséquent ces séquences sont plus intéressantes, elles nous opposent un défi plus clair, plus gratifiant quand on le surmonte. Je regrette que le jeu n’ait pas plus de scènes comme ça, avec un ou deux personnages. A six c’est le bordel, on fait n’imp’ et ça passe, ce n’est pas satisfaisant.
Par moments le jeu nous confronte à des QTE et j’ai beaucoup aimé. C’est quand le personnage incarné est en pleine réalisation d’une action exceptionnelle qu’on ne peut pas gérer normalement à la manette, genre une chute dans un puits où il faut se tenir aux parois tout en esquivant les attaques d’un monstre… Les boutons apparaissent et disparaissent plutôt vite à l’écran mais l’essentiel est d’appuyer sur les bonnes touches dans le bon ordre, le timing requis n’est pas abusé. De même, il arrive que si on loupe une touche sur cinq, on ne va pas pour autant mourir. Il s’agit toujours d’actions spectaculaires qui met en scène un personnage particulier qui se retrouve dans la panade. On a envie qu’il s’en sorte, il y met du sien, il fait appel à ses capacités à lui, on voit des animations inédites des membres de son corps… Ce sont des bons moments assez intenses.
Le scénario est décevant. Il a ceci de plaisant qu’il nous donne souvent à entendre les personnages discuter et qu’il caractérise mieux que la moyenne ses héros ; mais il se perd dans un charabia scientifico-paranormal incompréhensible avec un fils de Dieu qui est très méchant, des failles spatio-temporelles terribles, les expériences nazies occultes qui mettent la pagaille… Le jeu nous transporte à différentes époques, donc ça serait facile de dire que le scénario ne sert que de prétexte mais je ne pense pas. A mon avis Clive Barker a sans doute écrit une mythologie très riche mais il ne s’est pas donné assez de mal soit pour la garder cohérente, soit pour la présenter de manière intelligible. Du reste le déroulement de l’histoire est linéaire et sans vrai rebondissement, sauf à la fin mais il est incompréhensible… Ainsi j’ai passé le jeu à ne pas biter grand-chose aux tenants et aboutissants, ainsi qu’au background du jeu bien trop complexe et / ou obscur.
Le rendu visuel du titre souffre d’effets de lumière bloom et trouble / flou archi abusés qui pourissent les décors et empêchent de correctement les appréhender. Les déplacements à la manette 360, au moins sur PC, ne sont pas très agréables parce qu’en inclinant le stick gauche vers une diagonale on passe vite en mode « pas de côté » qui nous fait nous déplacer à deux à l’heure. Je ne sais pas si c’est pareil sur console. Les boss parfois sont intéressants, ils sont cependant toujours des sacs à PV (on leur tire dessus dix ans) et parfois, je les ai vaincu sans rien comprendre. Genre je ne comprenais pas ce qu’il fallait que je fasse, à un moment j’ai dû le faire, je ne m’en suis pas rendu compte et puis le combat était fini. Le dernier boss est un bon exemple : je n’avais strictement aucune idée de comment le battre, le jeu affichait sans cesse des astuces à l’écran genre « on est désolé, il est tout pourri notre boss alors on veut t’aider… » mais ce n’était pas suffisant. Et puis j’ai dû faire une action qui m’a débloqué et après j’avais une dernière action claire à faire, je l’ai faite sans comprendre le sens que ça avait et ça a mis fin au combat. La conclusion du jeu est d’ailleurs très abrupte, sans épilogue.
Jericho est un jeu intéressant, qui tente des choses, autant dans le scénario que dans la narration et les principes de jeu. Mais ce n’est pas une réussite et il peut être pénible à jouer. Il ne se vautre pas sur les mêmes écueils que les autres et il a une vraie identité, plaisante sous un angle et nulle sous un autre. Il reste que ce n’est pas un jeu générique.
Verdict = ok