Quand même remarquable !
Jeu terminé en difficulté vétéran (4/4), sans visée auto.
Hop, on essaye une nouvelle formule de critique. Première partie, « histoire sur le papier » présente l’histoire que le jeu aimerait bien raconter – une volonté qui se manifeste notamment dans les cinématiques du jeu, l’enchaînement des niveaux et les objectifs. Cette histoire est-elle intéressante ? La deuxième partie, « histoire dans le jeu », s’intéresse à ce que battre le jeu, le parcourir du début jusqu’au générique nous raconte. Est-ce intéressant ? Est-ce que ça complète bien l’histoire sur le papier ou est-ce qu’au contraire ça n’a rien à voir ? Réponses à ces questions dans les deux parties qui arrivent !
Avant toute chose je précise que COD Classic est un FPS.
Histoire sur le papier
Ça se passe durant la seconde guerre mondiale et on joue du côté des Alliés. Il s’agit de prendre part à différentes missions d’abord avec les Américains, ensuite avec les Anglais et finalement avec les Russes. Chaque campagne se voudrait comme un enchaînement cohérent de missions mais dans les faits ce n’est pas toujours le cas. Par exemple la campagne anglaise voit se succéder des missions n’ayant pas grand chose à voir entre elles – où en tout cas dont le lien ne m’est pas apparu.
Dans les trois campagnes c’est à peine si on connaît le nom de notre personnage. J’imagine qu’il est arrivé que les PNJ alliés m’interpellent par le nom du héros en cours mais ça ne m’a pas marqué. Celui-ci reste systématiquement muet. Je crois qu’on peut lire des pages du carnet de l’Américain sur l’écran de chargement de ses missions mais ce sera là le seul espace d’expression d’un héros du jeu – et c’est très limité.
Pour résumer : la caractérisation dans ce jeu, ben y’en a pas, les missions cherchent à se suivre pour former une campagne cohérente et développée mais les liens sont parfois obscurs, les héros (ceux qu’on incarne) n’existent pas, on ne les voit jamais, on ne les entend jamais. C’est presque difficile de parler d’histoire pour cet épisode de Call of Duty. On pourrait dire que c’est un aperçu de la seconde guerre mondiale côté allié, avec trois campagnes militaires qu’on imagine décisives et des missions finales qui illustrent un peu la fin du conflit.
Il est à noter que le personnage que l’on incarne n’est jamais un super soldat haut gradé qui agit seul et prend des initiatives : le plus souvent on a beaucoup de soldats amis avec nous et on suit le chef qui pense pour nous. Il y a des exceptions avec certaines missions mais dans l’ensemble on a affaire à une histoire de guerre et pas de commando ou d’agents spéciaux.
Histoire dans le jeu
Pas d’indicateurs d’objectif ; une vie qui ne remonte pas toute seule ; une vie qui ne remonte pas tout court au sein d’un même niveau (ce que j’appelais mission plus haut) ; des points de passage éloignés l’un de l’autre et qui ne s’activent qu’à condition d’avoir la barre de vie (représentée en bas à droite de l’écran) à un niveau élevé ; des rafales ennemies qui tuent instantanément… Comprenez qu’on a affaire à un FPS velu. Et particulièrement immersif en fait. Aux éléments cités plus haut s’ajoutent une prudence qui paye plus ou moins tout au long du jeu (j’explique le plus ou moins juste après) et l’absence totale de défis annexes qui feraient baisser la tension. Ici on n’attendra pas avant d’aller saboter les machineries allemandes pour fouiller à la recherche de documents cachés ; seule compte la mission. La mission est primordiale, elle est la seule préoccupation du personnage et le jeu assume cela d’une bien belle manière à notre époque en n’ajoutant aucun défi secondaire, que ce soit de collecte d’items ou d’utilisations d’arme…
Je parlais d’une prudence qui paye plus ou moins. En fait les premières missions sont vraiment excellentes car bien que difficiles, une extrême prudence permet de bien s’en sortir. Règles d’or : rester couché le plus souvent possible, jeter toujours un oeil sur le côté (en se penchant – au passage la manœuvre aurait pu tirer parti à la manette de l’analogie des boutons mais les développeurs en ont fait fi, honte sur eux). Surtout ne pas faire le fou, progresser derrière les autres, les laisser passer devant et se faire tuer à notre place le cas échéant.
Et là je fais un petit aparté sur ce point : je n’avais jamais joué à un jeu de guerre qui encourageait autant la couardise. Même si comme on le verra ensuite la prudence ne suffira pas dans les niveaux supérieurs, la poltronnerie se révélera toujours comme LA meilleure option d’un bout à l’autre de l’aventure. Vos supérieurs vous donnent l’ordre de tenir une position pendant 5 minutes et d’éliminer au canon les tanks qui arrivent ? Courage, fuyez : enterrez-vous dans un bunker, braquez votre arme vers l’entrée et priez pour avoir les réflexes de tirer le premier si un ennemi arrive. Surtout laissez vos potes combattre tout seuls au dehors. Autre exemple, la traversée de la place du Resichstag avec les Russes. Vos amis PNJ font très bien la chair à canon et assurent les tirs de suppression qui éliminent le gros des troupes devant le bâtiment. Contentez-vous de vous caler derrière un char et restez collé à son cul pendant toute la traversée de la place. Un bâtiment à défendre trois minutes avant les renforts ? Ne pas jouer à Rambo, se trouver une bonne planque, planter sa tente et descendre tous les ennemis qui se présentent.
Cette vision peu glorieuse de la violence trouve un pic durant la mission de la place rouge, où pour la traverser il faut littéralement laisser les PNJ alliés servir de chair à canon pour les mitrailleuses ennemies. Les survivants de cet épisode sont les plus chanceux : un document de briefing affiché lors de l’écran de chargement de la mission suivante nous apprendra que sur les 10 000 hommes déployés – pour beaucoup de force – seuls 250 ont survécu. Une vision de la guerre étonnamment crue et peu complaisante. Je cite aussi à ce titre les bruitages très crédibles des balles qui pénètrent les corps, la nécessité répétée d’achever des ennemis à terre et les effets gore limités au strict minimum (de légers nuages rouge lors d’un impact). Le jeu nous dépeint la violence des combats en supprimant une grande part de ce qui pourrait faire son attrait et en gardant seulement ce qui rappelle sa dureté et son caractère anti-héroïque, peu recommandable. Définitivement la force du jeu à mes yeux, ce que je retiendrai.
Fermeture de l’aparté et retour à la prudence. Le jeu serait très bon s’il était battable en jouant la prudence à outrance et le « laisse les autres mesurer » (référence à Marius de Pagnol, le père qui dit ça à son fils marin à propos de la tâche récurrente sur les bateaux de mesurer la profondeur de l’eau). Avancer à tâtons, laisser nos alliés prendre le maximum de risques pour nous, s’en sortir : si le jeu nous permettait de le battre de cette manière, FPS impitoyable, il serait un peu le Demon’s Souls du genre. Le problème c’est que pas plus tard que le tiers du scénario le jeu devient un die’n’retry effrayant de difficulté. Avancer à pas mesurés et en observant bien son environnement au préalable ne suffit plus. On nettoie des salles où l’apprentissage par coeur de l’emplacement des ennemis et de leurs mouvements (certains surgissent des recoins) est indispensable pour s’en sortir sans une égratignure (puisqu’une égratignure égale moins 60 % de vie, égale plus de points de passage pour le reste de la mission), on se prend des one shots instantanés lors d’innocents coups d’oeil sur le côté : c’est dur.
Et c’est pas seulement dur, ça n’a plus aucune cohérence avec l’histoire que le jeu cherche à raconter. On joue un humain qui est censé pouvoir s’en sortir en une vie bon sang. À la limite ça pourrait servir le propos selon lequel il faut une sacrée chance pour s’en tirer pendant la guerre mais bon… Même pas puisque pour le joueur il ne s’agit aucunement de chance mais d’apprentissage par l’échec, plus précisément la mort. Le jeu perd toute sa force narrative à partir du moment où il nous demande de mourir pour avancer.
Ça n’en fait pas pour autant un jeu inintéressant : je l’ai quand même terminé et chaque fin de mission était incroyablement gratifiante ; mais en terme de narration ça ne passe pas.
Conclusion
De COD Classic je retiens un début très aguichant, une vision de la guerre et de la violence étonnamment sobre voire morose voire dégoûtée, un challenge que je reconnais gratifiant, mais une histoire sur le papier très peu intéressante (au mieux des chapitres de livre d’histoire) et une histoire par le jeu qui tourne vite au die’n’retry on ne peut plus hors-sujet.
Verdict = ok