Ce jeu bute, mais tellement… Il m’a pris, m’a emporté et je ne peux plus le lâcher. Et c’est que pour l’histoire, pas parce que j’ai une Mother Base à augmenter de niveau en me livrant à mille activités sans fin ; juste grâce à l’histoire, au jeu pur, à la « quête principale ». Afterfall ne s’encombre d’aucun défi annexe, aucune liste à cocher dans un sous-menu ; par contre il donne au joueur, il est généreux dans ce qui importe le plus (un peu de bon sens, enfin !) : l’aventure principale, quoiqu’ici il n’y en ait qu’une de toute façon.
Et ce n’est pas à défaut d’avoir placé çà et là des coins qu’il n’y a pas devoir d’explorer mais qui vont receler des munitions (très rares) ou des compléments scénaristiques, via des transmissions s’affichant sur un écran par exemple.
Mais Afterfall Insanity, qu’est-ce que c’est ? Pour le contrôle du héros et la caméra, pensez à Dead Space, la référence / inspiration la plus évidente. Pour l’univers, pensez à Metro 2033 qui rencontre Fallout et les intérieurs de Silent Hill… Bon là ça devient compliqué !
L’histoire : Albert est « le » pyschiatre de l’abri Glory, un abri assez gigantesque dans lequel se terrent les derniers représentants de l’humanité après qu’une apocalypse nucléaire ait fait table rase de notre civilisation. Personne ne sort jamais de Glory ni n’a vu la surface. La vie à Glory est somme toute assez cosy : on a toujours l’electricité, la technologie est futuriste donc on a des fauteuils design, de jolis ordis, des espaces de détente avec de la verdure et assez grands pour pouvoir bien respirer. Niveau vie à l’intérieur ce n’est pas froid comme un abri de Fallout, c’est plus chaleureux, plus vivant, plus grand aussi. Mais il y a beaucoup de gardes, de partout. Le Colonel règne en maître incontesté de Glory. Il n’aime pas trop Albert et c’est réciproque.
Alors qu’Albert terminait mal une session avec une patiente (il s’est endormi pendant qu’elle parlait et s’est rêvé traqué par les gardes de l’abri…) il se trouve convoqué par le Colonel. Avant il tient à passer voir Karolina au bar. C’est la seule personne vraiment identifié de Glory, dont on n’a vu que quelques couloirs et salles pour l’instant ; quelque chose est étrange. On croise des gens mais Albert ne semble pas vraiment faire partie de leur communauté. Ce n’est pas dit explicitement, mais tout est plus calme qu’il ne devrait, Albert ne parle à personne. Il voit Karolina au bar et se contente de se plaindre du Colonel avant de partir, sans lui laisser le temps de parler. Un échange à sens unique.
Albert est à présent entouré de garde et en vidéo-conférence avec le Colonel. Une transmission des niveaux inférieurs a rapporté des comportements étranges chez les habitants. C’est à Albert qui incombe d’aller voir ce qui se passe, accompagné de deux gardes. Ils partent et s’enfoncent dans les profondeurs de Glory…
Bon. Est-ce que déjà vous sentez la différence avec ce qu’on joue d’habitude ? Le héros est psy, le scénario semble étrangement complexe et soigné… Etrange tout cela. Ah, les développeurs sont polonais ? Et il s’agit d’une production à petit budget quasi indépendante ? D’accord.
Alors oui l’introduction est un gigantesque bol d’air frais, en cela qu’on sent une sensibilité singulière à l’oeuvre dans l’écriture, le look des personnages, le soin apporté à l’univers et à l’intrigue. Les visages sont assez soignés, chose rare.
Plus tard il y a des combats et de la progression sans carte, sans GPS, sans fil d’Ariane ni surimpression de localisateur d’objectif… Alors c’est assez linéaire donc ce n’est pas de l’exploration à proprement parler, mais des jeux couloirs pas moins étroits que celui-ci se sont permis d’ajouter des aides, donc merci les développeurs d’Afterfall !
Le système ludique d’Afterfall, l’ensemble des interactions, le « gameplay » pour parler vulgairement, n’a rien de génialissime, mais il est notre interface avec une aventure qui m’a pris aux tripes. J’ai trouvé le jeu incroyablement captivant, passionnant, surprenant au moins pendant un temps. Un immense bol d’air frais en terme de scénario…
Bon, autant spoiler. La première partie du jeu laisse planer le doute sur la personne que poursuit Albert, un être abject qui précipite l’abri Glory à la catastrophe mais qui en même temps semble exprimer certains des sentiments d’Albert, notamment son rejet de l’autorité du Colonel. Donc on se demande si le jeu ne nous mène pas en bateau et qu’en fait ce n’est pas Albert lui-même le méchant qu’on pourchasse…
Tant que le jeu ménage ce suspens, en nous donnant de bonnes raisons de ne pas basculer sur une certitude ou l’autre, il est majeur. Car ce méchant insaisissable est fascinant, il est responsable de tous les malheurs, c’est un génie du mal. S’inquiéter que cela pourrait être en fait le héros est vertigineux ; le fait d’en avoir la confirmation est juste décevant. Cela apparaît comme une réponse bien trop facile et peu satisfaisante à toutes les questions posées.
Par ailleurs le récit ne rebondit jamais vraiment au-delà de cet enjeu et persiste à laisser Albert aveugle de sa folie jusqu’à la fin alors même que son mystère est éventé pour le joueur depuis un moment.
Reste une atmosphère constamment surprenante, qui commence claustrophobe, passe par le Mad Max nocturne pour terminer dans du post-apo désespéré en plein jour. Albert est prisonnier de lui-même, de sa tête ; c’est un personnage malade qui traverse, en tuant tout le monde, un univers réaliste et fantastique, mystérieux et plein de faux-semblants. En pensant être un mec bien.
Malgré la déception, ce jeu majeur et méconnu m’a marqué.
Verdict = énormissime