Retour sur l'Île Mystérieuse 2 : La Destinée de Mina (PC)
Par Pierre Compignie le dimanche 9 mars 2025, 12:00 - Critiques toute neuves
Développé par : KHEOPS STUDIO (France)
Sorti à l’origine en : juin 2009 (Europe, version PC)
Comment j’ai pratiqué : Terminé en 16h20 sur PC Windows 7 avec clavier-souris. 60 images par secondes. Version patchée. Textes et voix en Français, sans puis avec sous-titres.
Bidouilles diverses : J’ai installé le patch officiel.
Retour sur l’Île Mystérieuse 2, la suite du jeu Retour sur l’Île Mystérieuse sorti en 2005 et basé sur le roman de Jules Verne L’Île Mystérieuse, propose au joueur une expérience comparable à celle de Robinson Crusoé et des héros de Jules Verne. Mais dans ce nouvel épisode, il ne s’agit plus uniquement de survivre : il faut également sauver l’île d’un désastre environnemental. Le scénario met ainsi en avant des préoccupations écologiques qui étaient déjà celles de Jules Verne et dont personne ne conteste plus aujourd’hui l’importance.
Retour sur l’île Mystérieuse 2 commence par le crash de l’hélicoptère venu secourir Mina. La jeune femme survit mais se trouve à nouveau bloquée sur l’île. Or voici que, sous ses yeux, un mal inconnu s’attaque aux plantes, puis à la vie animale. Mina explore l’île pour en identifier l’origine. Elle cherche en vain dans la base du capitaine Nemo, puis dans les ruines d’une civilisation inconnue, pour comprendre enfin que c’est la pollution du monde extérieur qui menace l’île. Le seul moyen de sauver cette merveille naturelle est de remettre en service le bouclier. Mais si Mina prend cette décision, elle renonce pour toujours, comme le capitaine Nemo avant elle, à regagner la civilisation…
Dans ce nouvel opus, les joueurs alternent entre deux personnages : Mina pour utiliser des outils complexes, combiner les objets et lire les documents trouvés en cours de jeu et le petit singe Jep pour grimper dans des endroits inaccessibles à l’homme, communiquer avec les autres singes, trouver des objets grâce à son odorat animal. Cette nouvelle aventure est portée par des dialogues scénarisés et des bandes dessinées colorisées et animées.
Deux innovations techniques majeures : la synchronisation avec l’iPhone et l’échange entre joueurs.
La synchronisation permet aux possesseurs d’iPhone de résoudre une énigme en mobilité, dans un bus ou en weekend par exemple, puis de continuer leur aventure sur PC après avoir intégré sur leur ordinateur la sauvegarde de l’énigme résolue. Le module de communication permet, quant à lui, aux joueurs connectés en même temps d’échanger leurs impressions, leurs astuces et conseils pour résoudre les énigmes du jeu.[1]
Un sacré morceau que ce RSLIM2, si vous me permettez l’acronyme. C’est le dernier volet de ce que l’on pourrait appeler la « trilogie Jules Verne » de KHEOPS STUDIO, puisque c’est une suite à la fois de RSLIM1 mais aussi de Voyage au Cœur de la Lune, certes de façon moins directe puisque l’héroïne est bel et bien Mina, et que Michel Ardan est seulement présent dans des enregistrements (audio et vidéo). Quatre ans après VCL, que nous proposent les développeurs ?
Tout d’abord une représentation visuelle plus riche et ambitieuse. Les personnages modélisés et animés en 3D sont nombreux, même si toujours au sein de panoramas fixes que l’on peut faire tourner à 360 degrés. Mina et son compagnon le petit singe Jep peuvent être contrôlés séparément, ce qui permet dans la peau de Jep d’observer Mina et inversement – c’est une première de voir « son » personnage exister au sein de l’environnement du VG ! Du moins pour cette trilogie. Rappelons-nous que dans RSLIM1 Mina n’apparaissait que dans les cases de bédé crayonnées.
Ensuite, une histoire qui mêle les deux univers (l’île et la science-fiction), ajoute beaucoup de lore[2] (une couche de profondeur insoupçonnée aux mystères de l’île) et offre un véritable enjeu dramatique pour son héroïne – ce qui manquait cruellement dans le premier épisode.
Enfin, un challenge interactif que j’ai trouvé très difficile et qui à mon sens échoue à préserver sa logique et son équité envers ses explorateurs numériques (nous).
Pour développer ce dernier point, je prends l’exemple du sanctuaire des singes, dans le dernier tiers de l’aventure. J’arrive au fond d’une grotte à ciel ouvert, un cimetière en fait, avec plusieurs singes qui nous observent. Il y a cinq colonnes avec sur chacune d’entre elles des ossements (de singe), et gravé sur leur face avant un ensemble de traits horizontaux plus ou moins espacés entre eux (?). Sur uniquement une d’entre elle il y a un vase bleu, que j’ai la possibilité de prendre, ce que je fais. Patatras ! Le vase tombe et se brise. Les singes poussent des cris d’indignation, Mina invoque la maladresse. Soit. Au sommet de chacune des cinq colonnes, j’ai l’icône d’engrenage (sur les ossements), qui signifie qu’une action est possible, avec ou sans objet de l’inventaire. Je clique, nouvelle indignation des singes. Mina s’empresse de répondre : « Oh, pardon ! Je ne voulais pas vous offenser. Je vous promets de laisser les ossements sur les colonnes. » Puis, elle se dit à elle-même en aparté : « Ils ne veulent pas qu’on touche aux ossements… Ou en tout cas, pas avec les mains nues ! »
Je teste les quatre autres colonnes, même réaction. Donc là moi je me dis qu’il faut que je trouve un moyen de ramasser les ossements avec un objet, ou bien avec des gants… Problème, je n’ai pas de gants. Est-ce que je les ai ratés quelque part sur l’île ? Est-ce que j’ai raté des objets permettant de confectionner des gants ? Je refais le tour de l’île, en vain. Je tente d’utiliser divers objets (perche, bâton…) qui pourraient permettre d’interagir avec les ossements sans les toucher. Rien, aucun effet, enfin si, toujours la même réaction des singes et de Mina ensuite. Je pense à l’outil, à la forge, qui permet de manipuler les objets métalliques brûlants, une espèce de grosse pince ; malheureusement je ne peux pas l’emporter dans mon inventaire, il reste à la forge.
Alors je repense au vase bleu que j’ai brisé. Je me dis que je pourrais peut-être en refaire un en poterie pour le remplacer ? Ça aurait du sens. Ni une, ni deux, je peins une poterie en bleu, la cuis juste ce qu’il faut, l’emmène au sanctuaire et tente de l’utiliser sur une des colonnes. Cris d’indignation des singes. « Oh, pardon ! Je ne voulais pas vous offenser. Je vous promets de laisser les ossements sur les colonnes. »
À ce moment précis, je désespère. C’est la quatrième fois que cela m’arrive au cours de cette aventure et je décide de consulter UHS, ce site bien pratique qui donne des indices très précis et ciblés sur les obstacles des VG d’aventure. Comme il y a différents niveaux d’indice, j’essaye de m’arrêter avant de lire la réponse complète et comprends qu’il s’agit bien de disposer des vases sur les différentes colonnes, en les choisissant en fonction de la forme qui est indiquée en code sur chaque colonne.
Ah ! Donc les ensembles de traits horizontaux nous indiquent en fait la forme du vase à installer, d’accord.
J’essaye de déposer sur une colonne un vase non peint en bleu. Les singes s’indignent. « Oh, pardon ! Je ne voulais pas vous offenser. Je vous promets de laisser les ossements sur les colonnes. » Et là, attention dinguerie, Mina ajoute pour elle-même : « Ça semblait une bonne idée mais ils ne sont pas d’accord… J’ai dû oublier un détail. Peut-être n’est-ce pas le bon type de vase ? »
Purée… Mais pourquoi diable en utilisant le vase bleu plus tôt je n’ai pas eu droit à cet indice ?!?
Je ne me l’explique pas… Mais je considère que c’est un problème de conception. Tout comme le fait de nous induire en erreur avec la fameuse phrase de Mina sur l’importance de ne pas toucher les ossements avec les mains nues, alors qu’il n’y avait juste rien à faire avec les ossements.
Ça c’était mon quatrième blocage. Mon troisième blocage : récupérer le fruit volé par le singe Léonard, alors que je dois en faire mon ami, que lui offrir de la peinture rouge est obligatoire pour cela et que le fruit m’est indispensable pour la confectionner… La solution était de l’intimider, de le terrifier en utilisant un objet (une peau de serpent par exemple) pour qu’il détale et pouvoir récupérer son butin.
Déjà, à quel moment les développeurs pensent que c’est logique de terrifier un animal, donc se l’aliéner au dernier degré, alors qu’on cherche à être son ami ?
Il faut préciser que tous les explorateurs numériques ne seront pas confrontés à ce scénario puisque les objets volés par Léonard ont un caractère aléatoire ; il aurait très bien pu réussir à me voler un objet osef et je n’aurais pas eu le souci… Mais peu importe : les développeurs auraient dû y penser, et ne pas compter sur moi pour agir de manière illogique.
Il se trouve que quand on « intimide » un singe dans RSLIM2, il peut se trouver ensuite dans un état « fâché mais apaisable » où un simple geste d’apaisement de la part de Jep suffit à restaurer la relation – avec la jauge d’amitié au même niveau qu’auparavant !
Car oui chaque singe de RSLIM2 a une jauge d’amitié, et à un moment de l’histoire (pour pénétrer dans le sanctuaire en fait) il faut se faire « ami » avec les trois singes (sur cinq) qui sont à peu près correctement disposés, de base, à notre égard : Léonard (même si c’est un voleur), Amber et Mama.
Quand on « parle » à un singe, dans la peau de Jep bien sûr, on voit sa jauge d’amitié et il s’agit de la faire monter, grâce à l’ensemble des actions disponibles dans cet écran : utiliser un objet, toiletter, apaiser.
Je n’ai franchement pas aimé ces séquences, que j’ai trouvées laborieuses. Il s’est surtout agi d’essayer, à la queue leu-leu, le moindre des cinquante objets de mon inventaire, patiemment, pour faire monter de façon pathétique la satanée jauge. Et vas-y que je te donne une fourmi, deux fourmis, trois fourmis, quatre fourmis, pour +0.5 à chaque fois… Pour un total de points à atteindre qui doit taper dans les 50 ?
Évidemment il y a des objets qui déclenchent plus de points que d’autres, mais quand tu ne les trouves pas, soit parce que tu ne les as pas encore ramassés, soit avant de les essayer ? Et bien tu galères comme un misérable, voilà la vérité !
Il y a aussi l’objet « ocarina » (à cinq notes) qui peut être utile ; il consiste à reproduire un chant simple fredonné par le singe à « conquérir ». Mais ça aussi j’ai trouvé que c’était la galère, car le son émis par le singe est quand même très différent de celui émis par l’ocarina.
Conclusion : je n’ai apprécié ces séquences de séduction des singes. Cela m’a semblé très mécanique, très arbitraire. Utilise des tonnes d’objets pour faire patiemment grimper la jauge. Super.
Mais pour revenir à mon point de blocage avec Léonard, je dirais que là encore le VG attendait quelque chose de ma part qui n’apparaissait pas très sensé ni pertinent au sein de son univers. Comment considérer qu’intimider un singe qu’on cherche à séduire ne va pas à l’encontre de notre objectif ? Pourquoi chercher à installer des vases sur les colonnes d’un cimetière quand la seule réaction qu’on a quand on essaye avec un vase bleu c’est qu’il ne faut pas toucher les ossements avec les mains nues ? SVP les gens, soyez pédagogues…
Mon second blocage (oui je refais le film en sens inverse, j’ai le droit) c’est sur la fameuse énigme dite « du niveau ». J’ai vu qu’elle avait fait suer d’autres aventuriers sur le forum de jeuxvideo.com… Le niveau est en fait un outil consistant en un poids et une ficelle combinés à un sextant avec viseur. Concrètement, on regarde dans la petite lunette, ça zoome un peu, et on peut bouger la vue horizontalement ou verticalement mais pas les deux en même temps. L’idée étant de pouvoir se fixer sur une hauteur donnée, puis d’observer le décor autour de soi à cette exacte même hauteur. Okay.
On sait qu’on doit trouver un passage vers une crique, situé à 340 pieds d’altitude. Dans la partie de l’île qui nous intéresse, le plateau nord, il y a une scierie grâce à laquelle on peut couper des perches en bois d’une longueur choisie (en multiples de trois, donc 3-6-9-12-15-18-21) et il y a aussi des bornes en pierre avec l’altitude indiquée, mais parfois l’inscription est illisible. Au niveau du grand four à chaux, il y a une borne avec marqué 325 pieds. C’est la seule borne lisible à une altitude qui permette d’atteindre 340 pieds avec une perche (l’autre étant à 306 pieds d’altitude). J’ai donc fixé une perche de 15 pieds, et puis…
Et puis rien du tout. Je fais quoi maintenant ? J’ai bien trouvé un passage dans la falaise avec Jep, mais il était gardé par Cognedur, un singe hostile, et impossible de le déloger. Est-ce que ce passage était à 340 pieds ? Je n’en savais strictement rien, car je ne voyais pas comment vérifier son altitude, le passage n’étant pas visible depuis un endroit d’où je pouvais apercevoir la perche plantée à côté du grand four à chaux.
J’ai fini par consulter les forums de jeuxvideo.com (mauvaise idée car on se fait toujours spoiler d’autres solutions que celle que l’on cherche). Il m’est apparu que j’avais besoin d’un pot de peinture verte pour effrayer Cognedur. Ok mais où ce pot ? Sur la crique… Justement l’endroit que je cherchais à rallier.
En poussant plus loin ma recherche sur les forums, j’ai découvert que mon problème était que je n’avais pas résolu ce qu’il conviendrait d’appeler « l’énigme du niveau », mais qui ne se présente absolument pas comme une énigme justement, et c’est là tout le problème…
En fait nous sommes censés, depuis une position bien précise de cette partie de l’île – la scierie – observer la falaise avec le niveau… Et alors, si on pointe une zone bien précise, un arbre se met à bouger et une cinématique se déclenche, révélant à Mina le passage secret vers la crique.
J’ai plusieurs choses à dire à propos de cette énigme. D’abord, je trouve cela complètement con de faire bouger un arbre uniquement si on fixe notre regard dessus. Cela n’a aucune. Espèce. De fichu bordel de sens. C’est dit, et je suis sûr que Debra Morgan approuverait la formulation.
M’est avis que si un arbre doit bouger, que je regarde exactement dans sa direction ou non ne devrait rien changer à l’affaire. Or je vous confirme, je l’avais regardée la falaise, avec mon niveau ; et je n’avais vu aucun arbre bouger (illustration dans la galerie d’images). Car effectivement je ne pointais pas exactement au bon endroit.
Les développeurs comptent en vérité sur le fait que l’on balaye consciencieusement la ligne des 340 pieds au viseur depuis chacune des positions de cette partie de l’île… Sauf que si l’on ne trouve pas comment se régler sur 340 pieds depuis la scierie, et que l’on a par ailleurs trouvé le passage avec Cognedur ; comment peut-on croire ou envisager que l’on a quoi que ce soit à accomplir avec le niveau à la scierie ?
Dit autrement : ce qui me gêne, c’est l’absence de communication du VG sur ce qu’il attend de nous, et je trouve qu’ici cela atteint la stratosphère. Quand on ne dit jamais clairement que tel objectif est atteint, comment ne pas penser que le passage avec Cognedur qui bloque le chemin n’est pas celui qui mène à la crique ? Comment envisager qu’une stupide falaise révèle quoi que ce soit de neuf quand on la scanne avec un niveau sur une altitude bien particulière ?
Parce qu’il faut le dire, la vérité nue de l’objectif dans cette séquence n’est autre que : depuis la scierie, scanne la falaise avec le niveau réglé sur 340 pieds pour qu’un arbre se mette à bouger tout seul et révèle un passage secret. Jamais je n’aurais pu anticiper un tel résultat !
Et pourtant à côté de ça je trouve la façon dont on peut reporter l’altitude 340 pieds depuis le four à chaux jusqu’à la scierie super intelligente (je montrerai dans la galerie). Simplement, à aucun moment le VG ne m’a incité à le faire parce que je n’avais rien à espérer de cette action.
Je pense que cette énigme aurait pu fonctionner mais avec un chouïa plus de guidage pour que l’on ait une raison valable de s’enquiquiner à trouver comment régler le niveau sur 340 pieds depuis la scierie.
Le premier blocage je le détaille dans la galerie d’image. C’est un cas où les développeurs ne nous interdisent pas de mettre le bazar dans un tableau électrique avant de l’allumer, et de fait ne s’assurent pas que l’on débute l’énigme avec le tableau à son véritable état initial (toutes les diodes en vert). Cela peut paraître trivial mais ça ne l’est pas du tout, car alors on peut penser comme moi que le but est de mettre le tableau à un certain état (toutes les diodes en vert) qui est en fait au contraire l’état initial (qu’on a dérangé parce que le VG nous a laissé faire) qu’on veut justement altérer…
Mais je vous rassure j’ai aussi trouvé des énigmes chouettes dans RSLIM2. Il y a une serrure à code avec des symboles vers la fin, qu’il faut retrouver dans l’encadrement d’un tableau représentant l’être aimé du Capitaine Némo. En la résolvant je me suis senti très intelligent. Je pense aussi à la fabrication de la bouteille, qui a nécessité de faire fondre un vieux fusil et de travailler le métal pour en faire un tube avec lequel souffler dans un mélange vitrifiable… Toutes les combinaisons d’objets qui sont suggérées très diégétiquement dans le carnet retrouvé de Cyrus Smith j’ai bien apprécié. L’énigme des jetons sur la plage de la crique, elle aussi j’étais très content de parvenir à la résoudre tout seul, même si j’avoue que j’aurais bien du mal à l’expliquer à qui que ce soit ; la solution mise en place relevant plus de l’intuition que de la logique pure et dure.
D’ailleurs je note que pour cette énigme ainsi que celle de la serrure, je suis quasi certain que plusieurs solutions sont possibles, le VG vérifiant par exemple pour le code de la serrure l’ordre des symboles peu importe par lequel on commence (c’est une séquence qui se répète).
Toute la dernière partie de l’aventure m’a semblé plus « fluide » et intuitive au niveau du challenge interactif. C’est vraiment appréciable car cela permet de terminer l’histoire dans une ambiance « action » assez intense en accord avec la criticité des enjeux dramatiques…
Car oui ce dernier opus de la trilogie est celui qui confronte son protagoniste aux plus gros problèmes. Mina fait face à la destruction de l’île sous ses yeux, tous les organismes, faune et flore, étant mis en péril par les animalcules venant de l’extérieur de l’île… Et Jep, le petit singe adorable compagnon de Mina, est lui aussi mourant.
Il se trouve que Némo, quelques 150 ans plus tôt, en découvrant cette île extraordinaire remplie de technologie d’une ancienne et mystérieuse civilisation (c’est l’un des gros apports au lore de la saga), a décidé que ce serait pour le mieux s’il se réservait tout cela pour lui ; qu’il reste bien tranquille tousseul sur son île fascinante et que personne ne vienne l’emmerder. Et qu’est-ce il a fait, il a construit un gigantesque bouclier électro-magnétique (?) isolant l’île du monde extérieur (et la rendant en même temps invisible). Sauf que lorsqu’il y a des orages, le bouclier déconne, et c’est comme ça que Mina a pu échouer sur l’île dans le premier épisode… Et qu’elle en est arrivée à désactiver le bouclier à la fin de ce dernier, pour pouvoir repartir.
Dramatique décision, pour laquelle Mina n’est cependant en rien à blâmer. En ouvrant l’île au monde extérieur après un isolement d’un siècle et demi, sa faune et sa flore sont brutalement confrontées à des animalcules (bactéries) modernes contre lesquels leur métabolisme est complètement sans défense ! L’île se meurt, Jep se meurt… Que faire ?
Le VG nous propose de choisir pour Mina entre : rétablir le bouclier pour sauver l’île, sauver Jep mais au prix de faire le deuil de sa famille et de son chéri qu’elle ne pourra jamais rejoindre ; ou bien laisser Jep et l’île mourir pour pouvoir, elle, retourner à la civilisation moderne.
J’ai pris la première option. Je n’ai même pas essayé de voir la seconde fin. Hors de question pour moi de laisser la nature ainsi que Jep crever d’une maladie infligée par l’égoïsme d’un humain.
L’idée forte que je retiens, qui me semble brillamment amenée par ce récit, c’est que mettre le vivant sous cloche pour se l’accaparer, le posséder, le confisquer rien que pour soi ; cela équivaut à signer son arrêt de mort. Par son égoïsme le Capitaine Némo a condamné tout un écosystème à vivre en sursis ; le jour où son bouclier lâchera pour x ou y raison, que ce soit parce qu’une Mina décide de ne pas porter sur ses épaules les péchés de ses ancêtres ou simplement par défaillance technique, alors toute l’île périra de maladie.
Je n’ai pas voulu voir ce jour arriver dans mon aventure. Est-ce que Mina vivra heureuse sur cette île, sans aucun autre humain ? Je pense que oui, c’est possible. Avec son petit compagnon Jep je ne doute pas qu’elle aura du rire et des câlins. Mais tout de même… Recluse à vie de la société des hommes ? Quel destin… Et ce même si je doute que Jep, lui, aurait pu être heureux ailleurs que sur son île.
C’est une fin d’aventure amère, où l’on ne peut gagner tout à fait. Même si Mina n’a jamais été, même dans cet opus, quelqu’un de très profond et sensible, la cruauté de son destin impose l’empathie et la compassion.
En terme de lore, RSLIM2 va vraiment beaucoup plus loin que le premier épisode. On découvre qu’un personnage très, très ancien a construit dans les profondeurs de l’île des machines incroyables, l’une d’entre elle stockant dans des ovoïdes organiques l’identité et les souvenirs des personnes se présentant à elle. C’est ainsi que l’on accède aux souvenirs des anciens visiteurs de l’île à travers l’histoire, des personnes dont on ne comprend pas la langue au départ (mais que l’on sait traduire ensuite !) et qui vivaient des milliers d’années avant notre ère… C’est vertigineux !
C’était la période Lost et je serais surpris que les auteurs de RSLIM2 ne s’en soient pas au moins un petit peu inspiré… En tout cas je suis très sensible à ces moments où des périodes aussi éloignées se téléscopent et ne font plus qu’une le temps de l’affichage du contenu d’un ovoïde ou d’un bref décalage dans un très, très lointain passé (saison 5 de Lost). On a un aperçu d’une mystérieuse femme aux yeux comme rouges (?) qui parle uniquement en poésie et dont l’environnement ressemble à la surface de la lune… Le Capitaine Némo évoque quant à lui « X », la personne ayant construit toute l’installation souterraine y compris le moteur géothermique assurant la stabilité de l’activité volcanique de l’île (ça me fait tellement penser à la machine de Lost qui purge régulièrement « l’aimant » de l’île !).
Mais le lore a tendance aussi à partir un peu dans tous les sens, en confirmant fermement la dimension fantastique entrevue dans RSLIM1 : oui, le fantôme de Némo était bien réel ! Alors autant c’est bien ils assument, autant je trouve que science-fiction + survie de l’âme après la mort, cela fait beaucoup à avaler… La survie de l’âme après la mort c’est un sujet déjà énorme en soi qui pourrait être au centre de l’intrigue ; qu’il soit traité comme un à-côté me déçoit.
En résumé, j’ai apprécié le récit de RSLIM2 qui va enfin quelque part et offre une vraie conclusion à l’histoire de la trilogie, en permettant une contemplation méditative, mélancolique et vertigineuse sur le Temps, la condition humaine et notre rapport à la nature.
La réalisation graphique quant à elle est magnifique. Les couleurs sont chouettes, le soleil nous éblouit. Je regrette juste que les animations sont souvent incomplètes et ne bénéficient pas d’un découpage correspondant à la fréquence de rafraîchissement de l’image. Je veux dire par là d’une part que les animations s’arrêtent avant la fin de l’action qu’elles représentent ; par exemple, quand Jep monte sur l’épaule de Mina, on ne voit que la partie de l’action où Jep s’approche de Mina et où celle-ci l’accueille les bras ouverts, pas l’interaction des deux corps qui vient juste après. Et je fais référence d’autre part au fait que si le VG s’affiche à 60 images par seconde, les animations des personnages en 3D ne bénéficient sans doute de guère plus de 30 étapes par seconde, voire encore moins…
En rédigeant ce texte je réalise que je suis vraiment mitigé à propos de ce VG. Comme vous avez j’espère pu le sentir, j’ai été à peu près autant emballé que révolté. La progression interactive m’a été pénible voire éreintante une bonne partie du temps, source d’agacement, d’accablement et de désespoir. Trop souvent je me suis retrouvé face à un mur. Un mur d’incompréhension de ce que les développeurs pouvaient bien attendre de moi ; un doute taraudant sur la possibilité effrayante d’être confronté à une impasse.
Les impasses sont le cauchemar des aventuriers numériques. Une impasse dans un VG d’aventure, c’est un moment où tu es bloqué, où tu ne sais pas ce que tu dois faire, mais où en réalité il n’y a pas de solution, car sans le savoir et sans que le VG te le dise, tu t’es fichu dans une certaine situation, une certaine configuration non anticipée par les développeurs (par exemple en perdant tel objet avant de l’utiliser à un endroit où c’est requis par le scénario) entraînant l’impossibilité de progresser plus loin dans l’histoire. Tout le « terrible » de cet état de fait est que tu ne peux jamais être sûr d’être dans une impasse à moins de tricher en demandant de l’aide à quelqu’un ou sur internet.
Je me suis très souvent posé cette question dans RSLIM2 quand j’étais bloqué à ne plus savoir quoi faire. Et en lisant les critiques sur Steam, je peux vous dire que je n’étais pas du tout rassuré car plusieurs personnes se plaignent justement d’impasses dans ce VG…
Mais pour ma part je n’en ai pas vu. J’ai vraiment cru en subir une avec le dernier fruit de l’île, nécessaire pour fabriquer la peinture rouge et qui m’avait été volé par Léonard, mais en fait non, je pouvais intimider Léonard pour le récupérer. Par ailleurs je pense que ce dernier fruit, indispensable donc à l’avancée dans l’histoire, était protégé par les développeurs ; je ne pouvais le donner à manger ni à Mina ni à Jep (qui restaient étrangement parfaitement rassasiés) et je ne pouvais pas l’offrir à un singe puisque Léonard et Amber étaient eux aussi rassasiés.
Donc vraiment malgré mes gros, gros doutes, je n’ai pas d’élément attestant la présence d’impasses dans RSLIM2. Il est cependant tout à fait possible que des impasses étaient présentes à la sortie du VG et qu’elles aient été corrigées dans le patch que j’ai bien veillé à installer. En tout cas cela n’a pas dû être simple pour les développeurs de programmer les garde-fous car on a énormément de façons d’utiliser chaque objet, que ce soit en les consommant, en les donnant à un singe, en se les faisant voler, en les utilisant dans une recette ou combinaison… En plus, pour fabriquer la peinture rouge par exemple, il ne faut pas un objet particulier, mais un fruit, et il y a plein de fruits différents… Donc les développeurs ont dû mettre une règle en place pour s’assurer que l’on pouvait consommer autant qu’on voulait nos oranges, nos baies, etc, sauf si celui considéré constitue le dernier sur l’île et que la peinture rouge n’a pas encore été fabriquée. Une sacrée prise de tête j’imagine.
Cette conclusion de la trilogie Jules Verne de KHEOPS STUDIO livre un challenge interactif crispant, pas de meilleur mot, par manque de logique, d'intuitivité, de peaufinage des messages renvoyés au public et qui m'a donné l'impression d'être bloqué en permanence. Il y a cependant quelques chouettes énigmes, le dernier tiers est plus fluide, la réalisation est plus belle que jamais, l'histoire est enfin plus ambitieuse aussi bien émotionnellement qu'en terme d'univers et de thématiques.
Verdict =dispensable| ok |vaut le coup !|énormissime
Note(s)
- ^ Présentation du site officiel.
- ^ Les histoires, les détails d’un univers de fiction
Galerie d’images
























































Commentaires
Oh oui que les décors sont magnifiques ! Contente que cette galère ne t’ai pas enlevé ton sens de l’humour car j’ai bien ri à des moments ! Bravo pour belle critique !