Retour sur l'Île Mystérieuse (PC)
Par Pierre Compignie le jeudi 23 janvier 2025, 08:00 - Critiques toute neuves
Développé par : KHEOPS STUDIO (France)
Sorti à l’origine en : novembre 2004 (Europe, version PC)
Comment j’ai pratiqué : Terminé en 7h sur PC Windows 7 avec la souris. Version 1.03. Textes et voix en Français, sans sous-titres (désactivés).
Bidouilles diverses : Aucune.
Retour sur l’Ile Mystérieuse suit les pas de Mina, une jeune femme qui fait le tour du monde en solitaire dans le but de remporter le “Trophée Jules Verne”. Prise dans une terrible tempête, elle s’échoue sur le rivage d’une île sauvage et apparemment inhabitée. Explorant son nouvel environnement, elle découvre des artéfacts, habitations et technologies abandonnés par les personnes ayant vécu sur cette île non répertoriée.
Résolvez toutes sortes d’énigmes intuitives et utilisez les technologies découvertes à bord du Nautilus pour rejoindre la civilisation. Le jeu n’impose pas d’ordre précis pour la résolution des énigmes et la progression. Il vous sera proposé de nombreux choix, en fonction des ressources que vous aurez acquises au fil de votre aventure et de votre manière de jouer. Le jeu propose des graphismes photoréalistes au rendu prétravaillé, une interface point-and-click simple d’utilisation ainsi qu’un système d’inventaire permettant de combiner et de démanteler les objets.
● Le système d’inventaire interactif permet de combiner les objets pour créer de nouveaux outils.
● Survie, exploration, découverte et énigmes dans un cadre tropical.
● Inspiré du roman “L’île mystérieuse” de Jules Verne.[1]
Alors j’ai des choses très positives à dire et à la fois d’autres choses très négatives ! Retour sur l’Île Mystérieuse est une aventure en pointer-cliquer comme je les affectionne, fabriquée en France par le studio KHEOPS qui a notamment fait Nostradamus que j’avais parcouru il y a longtemps sans le trouver ouf.
J’ai trouvé l’ambiance et le principe absolument charmants. Me retrouver sur une île (plus ou moins) déserte à galérer pour survivre, me construire un camp et me faire un copain singe, c’est un peu mon idée du frisson de l’aventure ! D’autant que les décors ont un rendu à la fois réaliste et dépaysant, exotique, ce que je trouve très immersif.
L’héroïne Mina ne me semble pas super bien définie. Elle rechigne à tirer une petite balle de caoutchouc sur un singe qui lui bloque le passage en mode menaçant, par contre elle n’a aucun scrupule à faire rôtir des crabes, des poissons et des œufs volés à des tortues ! Son empathie envers la faune est très sélective.
Physiquement j’aime beaucoup son visage (vous le verrez mieux plus bas dans la galerie), elle a des traits assez originaux et je la trouve très mignonne.
Sa personnalité oscille entre la débrouillardise de l’extrême et une certaine naïveté ou ingénuité. Mais clairement le scénario ne s’apesantit pas sur Mina, ce que je trouve dommage.
C’est la première chose que je peux reprocher à RSLIM : son récit s’étale sur deux jours à peine ! Autant dire que c’est un week-end de tourisme pour Mina, elle ne vit rien de super dur ou significatif émotionnellement au cours de ces deux jours ; son « périple » reste désespérément « mineur » et se termine alors qu’il a à peine commencé !
Les développeurs n’ont pas montré une grosse ambition en terme de parcours physique ou psychologique pour Mina. L’élément sympa du scénario, pour moi, c’est comment il s’inscrit dans la continuité du roman de Jules Verne, tout en intégrant le roman de Jules Verne à la diégèse ! C’est assez dingue, et en même temps un peu vain. Le Capitaine Némo n’est qu’un fantôme qui apparaît à deux-trois reprises qui compte simplement sur nous pour mettre son corps en terre.
Mais je ne peux pas dire que cela soit tourné d’une façon touchante ou qui suscite l’introspection et le recueillement. L’irruption explicite d’un fantôme dans l’œuvre de Jules Verne semble un chouïa déplacée, non ? Surtout dans la saga du Capitaine Némo qui relevait bien plus de la science-fiction que du fantastique (j’ai vu des adaptations cinématographiques et ai pour projet de lire les romans).
Enfin, ça reste une aventure de survie avec plein d’énigmes « concrètes » sur une île tropicale avec un pote singe et le lore du Capitaine Némo de Jules Verne donc j’aurais pu quand même trouver ça super chouette ? Oui, je me suis vraiment senti sur cette île et c’était un plaisir, mais je me suis aussi beaucoup énervé sur les énigmes…
RSLIM prend le parti de nous laisser ramasser et stocker dans notre inventaire – littéralement – des dizaines d’objets. Ces objets doivent être combinés entre eux pour former d’autres objets. Exemple, un briquet pourra être fabriqué en combinant un silex et un couteau. Certaines combinaisons d’objets sont réversibles (on peut démanteler l’objet créé pour récupérer ses composants) et d’autres non, et on ne le sait pas à l’avance, ce qui fait que l’on peut « perdre » certains objets…
Pour autant heureusement le vidéogiciel ne nous « coince » pas. Il prend un autre parti très singulier qui est celui de nous offrir plusieurs voies possibles ; concrètement, d’après ce que j’ai compris, plusieurs façons pour Mina de parvenir à appeler à l’aide avec son téléphone satellite (et donc plusieurs fins).
Je dois dire que ce procédé a généré chez moi surtout de la frustration. Je me suis en effet retrouvé face à des énigmes, enfin, des apparentes possibilités d’interaction, face auxquelles je me suis ingénié à trouver quoi faire, sans succès, et j’ai finalement pu terminer l’histoire sans trouver la solution. Quelle déception !
Déception de n’avoir pas trouvé la clef de chacune de ces interactions mystérieuses (le moulin, le poteau électrique, le cerf-volant…). Déception qu’elles se soient finalement révélées inutiles pour réussir à quitter l’île. Déception enfin de soupçonner que je n’avais peut-être aucune chance de résoudre ces énigmes du fait d’avoir perdu certains objets lors de combinaisons réalisées soit trop tôt, soit tout simplement par erreur (car j’avais encore plein d’objets non utilisés dans mon inventaire à la toute fin – notamment de la dynamite).
Je me suis aussi creusé la tête sur certaines énigmes, avec succès cette fois, pour réaliser ensuite qu’elles étaient complètement facultatives et ne me donnaient rien d’utile. Je pense par exemple au robot échoué sur la plage, dont le code de déverrouillage était moins évident que les autres mais qui, une fois craqué, ne m’a donné en récompenses qu’un sustenteur et un cristal – deux items dont je possédais déjà quatre exemplaires ! Même topo pour la porte à ouvrir dans le Nautilus qui au final ne sert qu’à ouvrir une seconde entrée pour la salle finale avec le robot.
Je ne peux m’empêcher de penser que toute cette dimension « la moitié du challenge est optionnelle » était plus simple pour les développeurs que de faire en sorte de tout relier et rendre indispensable au sein d’une progression logique et cohérente. Ça sent la solution de facilité… En tout cas moi je n’ai pas adhéré.
J’ai lu des critiques qui disaient que c’était un « jeu super car on peut le jouer comme on veut ». D’un certain point de vue on pourrait dire en effet que l’approche de KHEOPS offre une plus grande souplesse au public en nous donnant plusieurs angles pour aborder un même problème.
Sauf que moi je ne l’ai pas du tout vécu comme ça… Moi j’aurais bien voulu voir ce que je pouvais faire avec le moulin, avec le parafoudre, avec la dynamite, et j’ai le sentiment au contraire que le VG a verrouillé en douce, en loucedé, ces énigmes et m’a laissé me casser les dents dessus, pour rien, jusqu’à ce que je me décide à les laisser tomber et aller chercher ailleurs.
Je suis un peu dég’ aussi d’avoir passé autant de temps à essayer comme un crevard toutes les combinaisons possibles et imaginables des cinquante objets dans mon inventaire…
D’abord parce que les combinaisons dont j’ai eu effectivement besoin n’étaient parfois pas indiquées clairement par le VG (j’ai mis du temps à trouver que la potasse faisait office de « lame de zinc » pour fabriquer une pile), et que donc pour les trouver je devais essayer mes cinquante objets avec ma combinaison incomplète en cours – et attention à tester même les objets présents dans des confections déjà réalisées mais qu’on peut démanteler…
Dég’ aussi de ce système parce qu’il nous laisse entrevoir des combinaisons incomplètes qu’on ne pourra jamais terminer, parce qu’on a choisi tel enbranchement à tel moment (sans le savoir) ou que l’on a déjà utilisé tel objet alors qu’il aurait fallu réaliser ladite combinaison mystérieuse avant cela… J’ai eu beau m’acharner à utiliser tous les objets en ma possession sur mes quelques combinaisons désespérément inachevées, impossible de les compléter. C’était hyper frustrant ! Très, très loin d’une expérience soi-disant fluide où on aurait le sentiment de pouvoir tout tester.
Et puis enfin, faut dire que les objets ressortent assez mal dans le décor ; on peut très bien tourner en rond un moment simplement parce que l’on n’a pas vu et ramassé un objet bien précis sur un certain écran.
Je parle « d’écran », oui car la représentation de RSLIM consiste en une multitude d’écrans fixes que l’on peut faire tourner à 360 degrés. On partage le regard de notre personnage, mais notre position est fixe, et l’on se déplace de position prédéterminée en position prédeterminée, avec juste un fondu en guise de transition. Ce mode de représentation était très courant à cette époque, mais plus maintenant. Je dois dire qu’au début la rotation de l’image était pour moi inconfortable physiquement, je ne sais pas exactement pourquoi. Était-ce le frame pacing instable (animation subtilement saccadée), était-ce la façon de bouger du curseur, trop violente et filant la nausée ? Toujours est-il que j’ai fini par m’y habituer à peu près, mais que le début a été compliqué. La nécessité de balayer chaque centimètre carré de chaque écran en tournant la caméra dans tous les sens pour identifier les objets à ramasser ou interactifs, n’arrange rien !
Il y a un espèce de score affiché dans le menu d’inventaire de Mina. J’ai appris en lisant une critique que le score maximum qu’on peut atteindre est 401, et que cela nécessite de réaliser le plus grand nombre d’actions possibles en un seul et même parcours. Le type avait terminé l’aventure six fois et n’y était toujours pas arrivé… J’en déduis que l’enchaînement « parfait » d’utilisation des objets, pour arriver à faire tout ce que le VG propose en terme d’interactions, doit être sacrément spécifique ; et j’imagine aussi qu’il doit s’agir de « s’arrêter » volontairement pour ne pas terminer l’aventure prématurément afin de pouvoir pousser chaque solution pour le téléphone de Mina à son paroxysme mais sans la finaliser… De ce point de vue, on est aux antipodes d’un projet qui laisse les rênes au public.
J’aurais vraiment dix mille fois préféré que le récit, la progression, le challenge interactif, soient articulés de telle sorte que l’on doive résoudre toutes les énigmes et accomplir toutes les actions possibles pour espérer voir le générique et Mina quitter l’île. J’ai passé beaucoup trop de temps à faire buzzer l’inventaire vainement en tentant d’utiliser une lampe à huile sur un œuf de tortue, pour compléter une combinaison qui m’était sans doute interdite à ce stade, et de toute façon inutile pour sauver Mina. Je ressens la même frustration vis-à-vis de toutes ces énigmes sur lesquelles je me suis cassé les dents et dont je réalise maintenant qu’au mieux elles étaient facultatives, au pire elles étaient insolubles à ce stade de ma progression – ce qui est très rageant pour moi.
Et je n’ai pas franchement envie de reprendre l’histoire de zéro pour tenter de lever le voile sur ces différents mystères. Par contre, comme j’ai deux autres vidéogiciels de KHEOPS dans ma VG-thèque, qui font suite à RSLIM, je pense que je les aborderai de façon bien différente et bien plus « prudente », en listant bien toutes les combinaisons et en sauvegardant avant chaque perte potentielle d’objet ; de façon à pouvoir, je l’espère, explorer bien plus d’enbranchements.
Un autre point auquel je pense, c’est combien il me semble peu pertinent / réaliste / diégétique de tenter de « combiner » entre eux des objets au hasard – chose que l’on fait dans RSLIM immanquablement dès que l’on est bloqué. Quel fichu sens ça a quand on réfléchit deux secondes de mettre un œuf de tortue sur une lampe à huile ? Je veux dire… Il y a quelque chose de profondément absurde à nous laisser la possibilité de « mélanger », au pif, on ne sait trop comment, des objets n’ayant rien à voir entre eux. À partir du moment où l’on a une recette, ou des instructions, quoi que ce soit, okay, bien sûr… Mais sans ? À l’aveuglette ? Mais c’est complètement dingue, en fait !!
Moi je me demande sérieusement si les développeurs n’auraient pas dû autoriser les seules combinaisons dont l’héroïne a effectivement connaissance... Revoir l’interface pour bazarder cette espèce de table de mélange magique qui nous invite fatalement à essayer des dizaines voire centaines de combinaisons possibles, au prix de notre patience et de notre bonne disposition vis-à-vis du VG. Cette possibilité induit forcément, dès qu’on bloque, l’usage ô combien laborieux de ce que les anglophones nomment la brute force – essayer les mille clefs dans la serrure, une par une, jusqu’à ce que ça rentre.
Je ne vous cache pas non plus qu’à plusieurs reprises j’ai usé de cette méthode pour trouver quel objet utiliser sur un élément du décor… C’est ça avoir un inventaire qui déborde de cinquante objets et un VG qui a ses règles propres, arbitraires. C’est vrai qu’à partir du moment où Mina ne peut pas attraper un gros poisson dans une flaque d’eau à mains nues, ni avec un couteau, qu’elle a absolument besoin d’une canne à pêche au poil, tu ne peux pas avoir confiance, donc : tu t’habitues à essayer tout. Et l’expérience en pâtit.
J'ai beaucoup aimé me retrouver sur une île tropicale – déserte ? – à devoir trouver comment survivre et à résoudre des tonnes d'énigmes très concrètes (fabriquer un désinfectant, faire fuir un singe menaçant...). Très belle réalisation graphique. Par contre, la nature très « ouverte » du challenge a mal fonctionné sur moi : j'ai ressenti trop d'agacement et de déception face à de multiples impasses, des actions se révélant inutiles, des combinaisons d'objet apparemment impossibles à compléter... J'aborderai différemment les suites Voyage au Cœur de la Lune et Retour sur l'Île Mystérieuse 2.
Verdict =dispensable| ok |vaut le coup !|énormissime
Note(s)
- ^ Présentation de GOG.
Galerie d’images






















Commentaires
Quelles belles images, on s’y croirait ! le petit singe est adorable et le visage de Mina est très joli et j’ai beaucoup aimé les scènes dessinées au crayon ! Mais alors quel dommage pour les énigmes frustrantes et bravo pour ta patience !