Deliver Us Mars (PS5)
Par Pierre Compignie le dimanche 10 novembre 2024, 16:30 - Critiques toute neuves
Développé par : KEOKEN INTERACTIVE (Pays-Bas)
Sorti à l’origine en : février 2023 (Europe, version PS5)
Comment j’ai pratiqué : Terminé en 10h sur PS5 avec la manette Dual Sense Edge. 60 images par secondes. Version 2.000. Mode visuel « performance ». Textes en Français, voix en Anglais sous-titré.
Bidouilles diverses : J’ai affecté les boutons R3 et L3 sur les palettes droite et gauche de la Dual Sense Edge. Meilleure ergonomie pour le sprint particulièrement, je n’aime pas cliquer sur la touche L3 avec le pouce : non seulement ça ne m’est pas agréable d’enfoncer le stick mais en plus j’ai dans l’idée que cette action l’abime à force…
Suite du jeu récompensé Deliver Us The Moon, Deliver Us Mars est une aventure de science-fiction à l’atmosphère particulière qui offre une expérience spatiale immersive. Explorez de nouvelles frontières au cours d’une mission palpitante et capitale pour récupérer les vaisseaux ARCHES de la colonie, dérobés par l’énigmatique organisation Outward.
UNE NOUVELLE MISSION AUDACIEUSE
Dix ans après la mission Fortuna, l’humanité n’a jamais été aussi proche de son extinction. Suite à un mystérieux appel de détresse en provenance de Mars, la plus jeune astronaute de la Terre, Kathy Johanson, embarque à bord du Zephyr et aux côtés de son équipage pour une dernière mission : récupérer les vaisseaux ARCHES de la colonie, dérobés par l’énigmatique organisation Outward, et assurez la survie de la race humaine.
UN GAMEPLAY FANTASTIQUE
Voyagez de la Terre jusqu’à la surface de Mars à bord du Zephyr. Traversez et survivez dans ce milieu aride et hostile pour découvrir les secrets laissés par Outward. Utilisez votre intelligence et vos muscles pour relever des défis mentaux et physiques, trouvez les ARCHES et découvrez les motivations de ceux qui sont à l’origine de l’appel de détresse qui vous a mené ici.
UNE EXPÉRIENCE SUR MESURE
Découvrez une expérience narrative soignée et captivante, accompagnée d’un gameplay prenant. Chaque moment est pensé pour offrir une narration palpitante et sensible grâce à la musique du compositeur récompensé Sander Van Zanten, une capture de mouvement de pointe et des graphismes époustouflants, le tout alimenté par Unreal Engine.[1]
Deliver Us Mars, disons DUM, est la suite de Deliver Us The Moon (DUTM) que j’avais parcouru l’an passé.
La première chose qui m’a frappé dans DUM, c’est à quel point l’histoire poursuit et prolonge celle de DUTM. Des personnages secondaires d’arrière-plan dans DUTM se retrouvent ici sur les feux de la rampe. La famille Johanson avait un rôle capital dans les événements de DUTM mais jamais ils n’étaient apparus en chair et en os ; c’est le cas dans DUM, qui s’appuie vraiment sur tout le contexte de DUTM pour construire le récit tragique d’une famille déchirée.
D’ailleurs j’ai parfois eu du mal à comprendre l’histoire, ou à me rappeler suffisamment des découvertes du héros Ralf dans le premier VG – il faut dire que tout était sous forme de texte, d’hologrammes ou d’enregistrement vocal, et que les détails de l’histoire d’Isaac Johanson n’étaient pas franchement le premier enjeu de l’intrigue.
Par exemple j’ai échoué à comprendre dans quelle mesure orienter la parabole MPT de l’arche Lobos sur l’arche Habitas était nécessaire pour les personnages, ni comment c’est suffisant au final pour que Habitas et Vita parviennent à s’arracher à l’attraction martienne à la fin. Il n’était pas clair pour moi non plus la chronologie des événements autour d’Isaac Johanson sur la lune, qui ont mené à son exil sur Mars. Pendant DUTM il était apparemment en hibernation, puis il y a eu une mission sur la lune (entre les deux VG) où il s’est réveillé… de lui-même ? en tout cas avec sa fille Kathy, et tout de suite il décide de prendre l’arche Vita pour fuir avec sur Mars. Pourquoi n’avait-il pas fui plus tôt sur Mars ? Pourquoi ne s’est-il pas réveillé pendant DUTM ? Quid des problèmes de santé de Kathy qui nécessitaient qu’elle reste en hibernation ?
Bref, il m’a manqué des détails et je le regrette. Pour autant, j’ai été captivé par DUM ! Vraiment. La mission consiste à retrouver trois arches développés par un scientifique génial (Isaac Johanson) dont la technologie pourrait aider la vie sur Terre (on est en l’an 2050 et des poussières et notre planète est ravagée par des tempêtes de sable conséquences du réchauffement climatique). Ces trois arches ont été conçues et fabriquées sur la lune par des colons qui ont préféré les garder pour eux et migrer sur Mars avec, en secret. Ce n’est que par la grâce d’une transmission d’Isaac destinée à sa fille Kathy sur Terre que la WSA (NASA dans l’univers du VG) comprend que les colons sont sur Mars avec les arches. Une mission est organisée pour aller les chercher, et Kathy en fait partie ; et on l’incarne !
DUM nous fait vivre à la fois le début sur Terre, le voyage dans l’espace, l’arrivée sur Mars catastrophique, et la recherche des colons sur la planète rouge. Autant vous dire que j’ai trouvé cela grisant et passionnant.
On ne tarde pas à trouver les installations étrangement abandonnées des colons sur Mars et petit à petit je me suis fait une réflexion : c’est chouette mais c’est quand même en train de devenir un gros cliché le coup de l’exploration de lieux désolés avec des audiologs pour comprendre ce qui s’est passé. Depuis Bioshock (ou encore avant ?) on en mange à toutes les sauces et d’autant plus dans les productions indépendantes où en fait l’absence de personnages vivants à modéliser s’accorde parfaitement au budget restreint des développeurs.
J’en étais à réfléchir à ça et au fait que ce genre d’histoire était au fond tristement prévisible (VG fauché = tu peux être sûr qu’il n’y aura plus âme qui vive nulle part dans l’univers exploré) quand DUM a magistralement subverti mes attentes lorsque je suis arrivé avec Kathy dans une espèce de dôme géant, près de l’arche Vita, avec de la végétation et… plein de bonshommes vivants !! Je suis resté un moment bouche bée. On finit donc bien par rencontrer un groupe de colons qui a non seulement survécu mais réussi à « prospérer » avec un mode de vie soutenable sur la planète Mars. Incroyable.
Alors bon j’ai été un peu déçu que les citoyens de cette « utopie » soient aussi prompts à la violence, car très vite ils nous traquent dans le but de nous tuer, et j’aurais aimé, aussi, avoir une espèce de confirmation à la toute fin que le fait qu’on leur vole l’arche ne les condamne pas à mourir (la narration est hélas caractérisée à plusieurs reprises par une certaine confusion ou imprécision).
Kathy recherche son père dans cette histoire, un père qui lui a donné beaucoup d’amour quand elle était petite mais qui l’a aussi abandonnée, et que les collègues de Kathy considèrent comme un horrible traître à l’humanité en plus d’un quasi meurtrier puisqu’il a manqué tuer une astronaute en la blessant volontairement. Il y a un enjeu émotionnel fort, d’autant que la victime d’Isaac, Sarah, fait partie de la mission et semble décidée à se venger… Il y a le mystère de la disparition des colons à résoudre et cette mission de rapatrier les arches sur Terre à mener à bien.
La dimension interactive consiste à gérer les déplacements du personnage, dans tout ce qu’ils requièrent d’exploration, de sauts mortels et d’escalade avec piolets, et la résolution d’énigmes de progression ayant plus ou moins de sens au sein de l’univers du VG. Kathy est, comme Ralf dans DUTM, beaucoup trop légère à contrôler, sa physique, ses animations et sa vitesse n’évoquent pas franchement un corps « humain ». À côté de ça, les environnements martiens, très vastes, sont magnifiquement rendus et j’ai trouvé l’escalade super intéressante à pratiquer car on gère les deux piolets avec les gâchettes (adaptatives) de la manette, ce qui nécessite de ne jamais lâcher les deux en même temps et se révèle donc plutôt super immersif !
Les développeurs n’ont pas, cette fois-ci, reproduit cette approche bizarre de DUTM de cacher l’identité du héros et nous faire croire pendant un temps qu’on incarne un protagoniste muet indéfini. Non ici ils ont assumé dès le début que l’on incarne Kathy et je les en remercie, ça fonctionne beaucoup mieux à mon sens.
J’ai aimé DUM aussi car il permet de réfléchir à des questions politiques importantes, même si l’on n’est pas d’accord avec ses conclusions. Par exemple, j’ai du mal à ne pas voir une forme « d’acharnement thérapeutique » de la part des protagonistes de la WSA, à vouloir absolument sauver les humains sur Terre avec de la technologie, plutôt que de simplement assumer l’échec de l’humanité sur cette planète et la laisser (l’humanité) s’éteindre petit à petit. D’autant qu’à vrai dire le VG a une certaine tendance à la misanthropie, à une vision très négative de l’humain, quand on voit que les colons martiens se décident en cinq minutes à assassiner les protagonistes qui viennent de débarquer, ou quand on découvre petit à petit le destin des gens de l’arche Habitas qui se sont tous entretués dans une sanglante guerre civile (dont l’origine semble être une organisation en classes sociales où une poignée décide ce que la majorité doit subir au quotidien). Vu comment DUM nous la présente, il est difficile de ressentir beaucoup de compassion à l’égard de cette humanité.
Le VG pose la question de la pertinence de chercher à développer des technologies toujours plus avancées pour aller vivre un simulacre de vie sur Mars ; est-ce que ça vaut le coup d’exister dans un bocal dont la moindre fissure signe ton arrêt de mort dans d’atroces souffrances ?
DUM me semble un peu nihiliste car il met en scène une humanité qui a détruit sa planète, ne peut plus rien faire avec et se trouve prise dans une course en avant pour survivre grâce à la technologie, sans repenser, interroger, remettre à plat à aucun moment son organisation sociale, son rapport au vivant, à la technologie, etc. Construire des arches high-tech et quitter la Terre, cool, mais si c’est pour saccager une autre planète, n’est-ce pas un peu absurde ? Jusqu’à quel point considère-t-on que l’espèce humaine vaut le coup d’être sauvée ? Personnellement, j’aurais aimé soit que l’option soit envisagée (par l’héroïne) de laisser l’humanité mourir, soit que la situation sur Terre ne soit pas à ce point désespérée de telle sorte qu’il reste un peu de latitude pour envisager une nouvelle façon d’exister, soutenable, en harmonie avec notre environnement. DUM choisit plutôt de faire triompher ses héros ; ils volent leurs arches aux vilains colons qui ont eu l’outrecuidance de nous laisser dans notre merde et de faire leur vie sur Mars en toute autonomie sans rien demander à personne, et reviennent sur Terre avec ce cadeau qu’est… un sursis offert par la technologie. Le fond du problème demeure, qui est pour moi de trouver une organisation de la vie humaine à la fois épanouissante pour l’individu et en symbiose avec son environnement (symbiose = association biologique, durable et réciproquement profitable, entre deux organismes vivants).
J’apprends à l’instant que les développeurs prévoient une suite, un Deliver Us Home. Ils écrivent dans leur Kickstarter qu’un thème récurrent des deux premiers VG est que « technology is not the issue, but humans are ». « La technologie n’est pas le problème, ce sont les humains le problème ». Cela me fait penser aux américains qui affirment que les armes à feu ne tuent pas, mais que ce sont les gens qui tuent… On peut y réfléchir, reste que bizarrement en France on meurt beaucoup moins de blessures par balle qu’aux Etats-Unis. Rien que pour cette raison, je trouve que cette proposition ne tient pas. Mais je pense qu’on pourrait aller plus loin et simplement se demander, à propos d’un objet ou d’une technologie, si l’humanité en a vraiment besoin, s’il est souhaitable de l’utiliser, si elle ne va pas poser plus de problèmes qu’apporter d’avantages, etc. On peut se demander aussi si un objet ou une technologie ne devrait pas être réservée à certains usages ou corps de métier. Je pense par exemple à l’intelligence artificielle générative, qui promet de faire exploser notre consommation d’électricité dans les années à venir (la quantité consommé par un pays comme le Danemark serait nécessaire). En a-t-on vraiment besoin, vous et moi, au quotidien ? Est-ce qu’il ne faudrait pas limiter cela à la médecine ? Est-ce que ça vaut l’électricité et l’eau douce nécessaires ? Est-ce que ça vaut l’exploitation de travailleurs des pays pauvres (salaires de misère et traumatismes psychologiques à la clef) pour éduquer ces outils ?
Dire que la technologie n’est pas le problème, cela revient pour moi à une injonction à ne surtout interdire aucun nouvel objet, aucune nouvelle technologie, à accepter tout ce qui vient[2] sans se poser de question. Or, je pense que si on s’était posé des questions au moment où l’industrie automobile a voulu mettre des voitures dans chaque foyer, on n’en serait peut-être pas au même stade aujourd’hui en terme de réchauffement climatique. C’est trop facile de laisser voire d’encourager voire de quasiment forcer tout le monde à posséder une voiture, pour ensuite prétendre que la pollution est la responsabilité des individus qui utilisent trop leur véhicule. Si dès le départ tu interdis l’accès à la voiture individuelle et que tu organises l’urbanisme et les réseaux de transport pour que les gens puissent s’en passer : pollution évitée, problème résolu !
Donc non je ne comprends pas cette idée selon laquelle il ne faudrait pas être critique avec une technologie ou un objet donné. Je suis heureux de ne pas être libre en France d’acheter une arme à feu, de me promener avec et que ni moi ni les gens rencontrés dans la rue n’ayons le pouvoir d’ôter la vie de notre prochain en pointant un truc dans sa direction et en appuyant dessus.
Pour en revenir à DUM, les protagonistes vont mettre entre les mains des terriens une technologie qui va leur permettre soit de vivre sous bocal (vision optimiste), soit d’aller ravager une autre planète (vision pessimiste). Des humains caractérisés dans le VG par leur violence et leur individualisme. Est-ce souhaitable ?
Les développeurs ont exploité l'univers et les personnages posés par Deliver Us The Moon pour bâtir une histoire de science-fiction complexe, à la fois forte d'enjeux émotionnels et de problématiques politiques, écologiques. J'ai vraiment apprécié le voyage, un cocktail non violent d'aventure-action en 3D à la réalisation honorable, d'autant que l'héroïne cette fois est bien identifiée (dès le début) et bavarde à l'envi. Je regrette la confusion de certains détails de l'histoire, le challenge interactif un peu simplet, la légèreté physique de Kathy et une écriture forçant un peu le trait sur la faillibilité de la nature humaine.
Verdict =dispensable|ok| vaut le coup ! |énormissime
Note(s)
Galerie d’images
Commentaires
Merci pour ce partage et cette belle réflexion sur la course effrénée à la technologie et autres problématiques de notre société !
J’ai bien aimé « l’escalade » avec les deux mains sur la manette, et pas trop le visage de Kathy mais je n’ai pas compris la difficulté pour les développeurs à faire de jolis traits.