Everybody's Gone to the Rapture (PS4)

Développé par : THE CHINESE ROOM (Angleterre)

Sorti à l’origine en : août 2015 (Europe, version PS4)

Comment j’ai pratiqué : Terminé en 6h16 sur PS5 avec la manette Dual Shock 4 (avec fixation dorsale de commande). 60 images par secondes. Version 1.02. Textes en Français, voix en Angais avec sous-titres.

Bidouilles diverses : J’ai affecté la gâchette R2 sur la palette droite de la fixation drosale de commande, pour plus de confort et d’ergonomie.

Notre histoire commence à la fin du monde.

Il est 6h37, le mercredi 6 juin 1984. L’événement s’est produit il y a cinq jours, quatre heures et trente minutes.

Niché au cœur de la campagne idyllique anglaise, le village de Yaughton, dans le Shropshire, est désert.

Des jouets d’enfants traînent dans la cour, oubliés des dépliants annonçant la quarantaine volent autour de l’église. D’étranges voix se font entendre dans l’air alors que du linge propre est encore suspendu à une corde.

Vous êtes livré à vous-même dans ce monde désert, et grâce aux souvenirs de ceux qui sont morts, vous parvenez lentement à résoudre le mystère de l’apocalypse.

Créé par The Chinese Room dans le style narratif non linéaire de leur jeu primé, Dear Esther, ce jeu vous propose une aventure définie par vos choix et vos découvertes.[1]

Tiens, je suis surpris en lisant cette présentation qu’ils évoquent la « fin du monde ». J’ai eu beau terminer EGTTR (je raccourcis le titre) je n’ai pas souvenir qu’il soit confirmé d’une façon ou d’une autre que la tragédie de Yaughton s’étend finalement au reste du monde ; je pensais qu’elle était limitée à ce village.

Une autre chose m’interpelle ; ils ne disent pas qui on incarne. Et en effet, on n’incarne personne malheureusement, on est une bête caméra sans jambe ni torse, sans présence physique ; d’ailleurs si on l’était, il y a de grandes chances que l’on soit nous aussi en danger de disparition.

Car oui, tous les habitants de Yaughton ont disparu. On découvre qu’ils ont été « enlevés » un par un par « la trace », une lumière extraterrestre intelligente dont on ne sait trop ce qu’elle cherche à accomplir.

Mais revenons au commencement. EGTTR nous débarque sans cérémonie, sans préambule, à l’entrée, fermée, de l’observatoire de Yaughton. On ne voit pas notre personnage, on est en vue subjective, on ne sait pas qui on est ni ce qu’on fiche ici. Un téléphone sonne dans un local non loin, on y va, on décroche, et là une certaine Docteur Katherine Collins nous parle, nous dit que tout est fini, qu’il n’y a plus personne, et que l’on doit suivre « la lumière » pour découvrir la vérité sur ce qu’il s’est passé.

Là est la proposition interactive du VG : parcourir un village de campagne anglais, en suivant une boule de lumière, pour découvrir ce qu’il s’y est passé et qui explique la désertion complète du lieu par ses habitants. Comment cela se passe ? Et bien, en s’approchant de certains endroits, des scènes du passé sont jouées par la lumière jaune, qui dessine (vaguement) les contours des personnages et rappelle leurs voix. Donc au fil de notre exploration, on assiste à une multitude de scénettes, qui sont censées nous raconter l’histoire et le destin des habitants de Yaughton de façon plus ou moins non linéaire ; plus ou moins car les scénettes du début sont tout de même situées chronologiquement au début de la catastrophe, et celles de fin correspondent aux derniers moments du drame.

J’avoue que le concept même du projet me laisse un peu dubitatif. Pourquoi je devrais m’intéresser, moi, à ce qui s’est passé dans ce village fictif ? Je veux dire, j’adore les enquêtes et les mystères dans les fictions, mais généralement on partage le point de vue d’un personnage qui a à cœur de révéler la vérité et qui réagit à ses découvertes, qui s’implique. Là, c’est comme si on me demandait non pas d’incarner un protagoniste, mais de simplement m’intéresser à la chronologie et aux personnages d’un univers fictif, parce que pourquoi pas. Il manque un enjeu dramatique fort entre moi et le destin de ce village.

Ce n’était pas le cas par exemple dans Gone Home ; l’histoire familiale que l’on mettait au jour progressivement était cruciale pour l’héroïne que l’on incarnait puisqu’elle expliquait le vide inquiétant de la maison de ses parents dans laquelle elle débarquait après un séjour à l’étranger. Dans What Remains of Edith Finch, Edith se reconnecte à l’histoire tragique familiale alors qu’elle attend la naissance de son enfant, c’est un parcours qui a beaucoup de poids pour elle émotionnellement ; elle renoue avec ses racines pour préparer son avenir, cela parlait de la vie, de la mort et de ce qu’on laisse derrière nous lorsque nous quittons cette terre.

Au contraire dans EGTTR, les développeurs se sont contentés de nous mettre aux commandes d’un avatar sans corps, sans nom, sans visage et sans raison d’être là ou de s’intéresser aux événements. Déjà moi cela me refroidit, ou du moins cela ajoute de la distance entre moi et la proposition « d’enquête » ; entre guillemets car on est assez passifs, on se contente de marcher le long d’une route et « d’assister » aux scénettes.

Personnellement j’ai traversé le village de Yaughton comme je peux traverser un musée ; avec une distance émotionnelle peu caractéristique de mon rapport habituel aux fictions.

Outre donc le concept même du vidéogiciel, je pourrais parler de deux choses : la mise en pratique est-elle intéressante, la Vérité vaut-elle le coup ? Malheureusement ma réponse sera plutôt négative aux deux questions.

La mise en pratique du concept est assez frustrante. D’abord il faut se dire que les environnements qui s’ouvrent à nous sont très vastes par rapport à la vitesse de déplacement de notre personnage, et que le chemin que la boule de lumière trace pour nous est très, très loin de nous permettre de voir toutes les scénettes. C’est-à-dire que si l’on veut voir le maximum de scénettes, il faut sortir du chemin de la boule de lumière et explorer soi-même.

Pourquoi pas ? Le problème étant que l’on a toujours l’impression de rater quelque chose parmi les scénettes « optionnelles » parce qu’il est très simple de rater des zones. Par ailleurs il n’y a pas que des scénettes, il y a aussi des radios et des téléphones avec lesquels on peut interagir et qui permettent d’écouter des messages de Clive (celui qui finira par larguer du gaz sur le village) et Kate (la physicienne fascinée par « la trace » au point d’être obsédée par l’idée de fusionner avec elle). Mais je dois dire que l’on se déplace tellement lentement, même avec la touche de course enfoncée, que je me suis rapidement découragé de chercher tout ce qui est optionnel et me suis contenté de suivre la boule de lumière… Sauf que là aussi, il y a un problème.

La boule de lumière a un comportement erratique et parfois même carrément beugué. Parfois elle semble faire un long circuit aller-retour jusqu’à ce que l’on atteigne un certain point et qu’elle se mette à avancer plus loin en actualisant son circuit. Mais parfois, on a beau dépasser l’extrémité de son circuit, elle se refuse à aller plus loin, sans que je comprenne pourquoi. Parfois, on croise la boule alors qu’elle est sur le « chemin du retour », et alors on peut la suivre dans le mauvais sens et perdre notre temps à s’éloigner bêtement de notre objectif. Parfois, la boule reste tout bonnement immobile, coincée quelque part, et là bon courage pour deviner si c’est légitime et que le VG attend de nous quelque chose d’inédit, ou si c’est juste une ordure de beugue jamais corrigé et qu’il faut simplement ignorer la boule et continuer tousseul (snif) notre exploration. Hélas, j’ai connu le second cas, voir cette discussion Steam où le problème est évoqué.

Je peux aussi préciser que j’ai pratiqué le VG une petite heure et me suis senti totalement dépassé par la quantité de personnages mis en scène dans les scénettes. Il faut dire que les persos sont représentés tous de la même façon, très sommairement avec des fils de lumière jaune ; on ne peut distinguer ni les traits de leur visage, ni leur gabarit ; ils ont tous la même silhouette. La seule façon de les différencier c’est leur voix et autant dire qu’à moins d’arriver à enregistrer mentalement les noms et voix d’une quinzaine de personnages fictifs, les sous-titres indiquant le nom du locuteur sont chaudement recommandés. C’est ainsi que j’ai décidé de recommencer l’aventure du début, cette fois en me faisant une fiche (papier) pour chaque personnage afin de noter ce que les scénettes révèlent sur chacun d’entre eux et avoir ainsi une compréhension plus fine et exhaustive de ce que le VG me raconte.

Plus tard j’ai fini par ne plus rien noter car j’avais le sentiment de m’être approprié l’essentiel et que de toute façon la vie des habitants et ce que les scénettes nous révèlent n’ont rien de très complexe, et c’est là que je vais donc parler de l’intérêt de la Vérité, c’est-à-dire de l’intérêt du contenu, de la toile de fond, du mystère – tout ce dont le VG a fait de la découverte son enjeu principal.

Ce qu’on révèle à travers notre parcours en Yaughton et ses campagnes, ce sont les personnages d’une communauté, leurs relations inter-personnelles et leur confrontation à un événement étrange et dramatique qui les rend malades un par un avant de les réduire subitement en un petit tas de cendres. Il y a le Docteur Wade et son assistante Barbara. Il y a Jeremy le prêtre. Il y a Charlie et Meg. Il y a Franck, père de Stephen Appleton le physicien. Il y a Kate Collins que l’on a évoquée plus haut, compagne (épouse ?) de Stephen. Il y a Lizzie, amour de jeunesse de Stephen, qui a toujours des vues sur lui. Il y a Clive le mec extérieur au village, qui communique avec Stephen et qui a le pouvoir de faire en sorte que l’armée gaze le village.

Et bien d’autres que j’oublie.

Je précise au passage que je me suis longtemps gratté la tête quand les personnages évoquaient une « attaque aérienne » de l’armée pour tuer tout le monde, car de toute évidence le village n’avait pas été bombardé (bâtiments intacts, etc). Ce n’est que bien plus tard que l’usage d’un gaz innervant est révélé.

Bon et tous ces personnages ne m’ont pas franchement marqué. Les principaux sont le couple de physiciens Stephen et Kate. Les deux m’ont été antipathiques au possible. Stephen est un type arrogant et médiocre, aussi prompt à tromper sa femme qu’à la placer sur un piédestal, aussi enclin à mener des expériences vaniteuses et imprudentes qu’à militer très vite pour l’extermination de tout le village pour sauver l’humanité. Kate, elle, est aigrie par l’absence de considération des villageois (elle est américaine et femme scientifique accomplie, et s’imagine ne pas pouvoir être acceptée comme telle par les « bouseux » du village d’enfance de son mari – pourquoi a-t-elle accepté de venir s’y installer reste un mystère ou alors c’était pour l’observatoire ?), elle n’aime visiblement plus son mari, ne semble plus croire en son amour et se transforme petit à petit en un personnage cliché de fanatique obsessionnelle et H24 transportée à l’idée de ne faire plus qu’une avec la lumière extraterrestre – bien perchée la nana.

Les autres personnages brillent par leur passivité et leur ignorance face à la situation.

Sur la lumière extraterrestre, l’on n’apprend pas grand-chose. Elle a été observée dans le ciel par les physiciens ; ensuite ils ont fait un truc scientifique (ne pas chercher à comprendre) pour communiquer avec elle via des « installations optiques », et alors les gens dans le village se sont mis à saigner du nez, développer des tumeurs cérébrales hyper rapidement et systématiquement disparaître. Les physiciens ont d’abord pensé que la lumière, la « trace », contaminait les gens via le téléphone mais je ne saurais vous dire comment ils en sont arrivés à cette conclusion. Donc ils ont tenté d’abord d’interdire aux gens d’utiliser leur téléphone pour appeler l’extérieur, puis ensuite ils ont établi une quarantaine pour que personne ne quitte le village et que le fléau ne se répande pas dans le monde entier. Stephen parvient à faire gazer le village et se suicide ensuite dans son bunker, en s’immolant. Kate, de son côté, à l’observatoire, fusionne on ne sait trop comment avec la lumière, pour devenir…? Je n’en sais rien. Et tout ça on l’apprend en regardant des scénettes jouées par la lumière, ou en écoutant des messages enregistrés de Kate sur les radios du village (la raison d’être diégétique de ces messages et de la façon dont on y accède m’échappe également).

Bref. J’aimerais avoir du positif à dire sur EGTTR mais… Même la musique, omniprésente, qui accompagne notre « exploration » (très relative vu notre guide-boule), est grandiloquente, emphatique, avec des chœurs en veux-tu en voilà pour une discussion banale ou une balade dans un champ au crépuscule, comme si l’on voulait extirper de notre âme des émotions disproportionnées par rapport à ce que l’on nous donne à voir…

Je trouve la mise en scène des scénettes en fils de lumière peu expressive ; je me doute bien que c’était un choix des développeurs pour compenser leur maigre budget (malgré le soutien du studio SANTA MONICA de Sony à l’origine de God of War pourtant) mais cela reste pour moi un mauvais choix.

Alors oui, c’était quand même mieux que Dear Esther parce qu’ici au moins les discours entendus s’inscrivent dans un récit concret et ne se contentent pas d’être des morceaux de prose jetés aléatoirement aux oreilles du public ; en cela EGTTR est clairement un progrès. De là à constituer une réussite…

C'est mon deuxième vidéogiciel du studio anglais CHINESE ROOM et... je ne suis toujours pas convaincu. Une proposition interactive bancale pour raconter une histoire intrigante (vaguement lovecraftienne / horreur cosmique de loin) mais au final ennuyeuse et décevante. La place diégétique et l'identité de l'avatar incarné ont été complètement négligées. Je ne perds pas espoir pour leur épisode d'Amnesia et pour leur petit dernier Still Wakes the Deep, qui m'attendent tous deux bien au chaud dans ma collection.
Verdict = dispensable | ok | vaut le coup ! | énormissime

 

Note(s)

  1. ^ Présentation du Playstation Store.

 

Galerie d’images

01
La fameuse boule de lumière que l’on doit suivre pour découvrir les scénettes indispensables de la « visite guidée », car n’est-ce pas ce qu’est ce VG au final ?
02
Le genre de monologue qui veut se donner un air profond sans que le truc ait le moindre sens.
03a
J’ai vu quelques fois ce symbole peint sur les murs…
03b
…j’ai compris en consultant les trophées qu’un défi optionnel consiste à trouver tous les symboles dans tout le village. On trouve aussi des plans comme celui-ci, qui semble nous indiquer l’emplacement des symboles dans le quartier où l’on se trouve… Je n’imagine même pas le LABEUR de péniblement tenter de rejoindre chacun des symboles à partir de ce type de carte, alors qu’il y a en a des dizaines et que notre vitesse d’escargot met au défi notre patience. Évidemment je n’ai pas entrepris ce challenge, Dieu merci je suis plus raisonnable qu’à une époque.
04
Toutes les routes ont été bloquées, dans le contexte de la quarantaine.
05
On nous sert aussi du blabla technico-scientifique qui ne fait pas du tout illusion.
06
Le cliché de la scientifique tellement obsédée qu’elle en écrit des formules sur la route même, avec de la peinture blanche… N’importe quoi.
07
Les lieux importants sont signalés par des jeux de lumière sporadiques visibles de loin.
08
Ça c’est quand ma boule-guide s’est retrouvée coincée sous un arbre. J’étais bien embêté, j’ai cherché un moment ce que je devais faire avant de consulter Docteur Google qui m’a révélé que c’était un beugue, un bogue, un horrible problème technique velu jamais corrigé par les développeurs. Honte !
09
Parfois on trouve des boules fixes qu’il s’agit « d’activer » en trouvant la bonne inclinaison de la manette et en la maintenant quelques instants. J’ai bien aimé ces passages qui exploitent la détection de mouvement de la Dual Shock 4 ainsi que ses vibrations.
10
Et voici les fameuses silhouettes lumineuses sommaires que j’évoquais dans ma critique. Comme vous le voyez, sans la voix ou le sous-titre, impossible d’identifier de quel personnage il s’agit. C’est ça les fameuses scénettes.
11a
Pour terminer sur une note positive, je vous laisse avec quatre images qui illustrent, je l’espère, la beauté visuelle du titre…
11b
11c
11d
…ça c’est la fin. Peu signifiant mais flatte la rétine.

 

Commentaires

1. Le mercredi 23 octobre 2024, 17:47 par Marie-Thérèse

Une sacrée belle définition d’images qui sert malheureusement un VG « dispensable » !
Rendez-vous pour les suivants et merci pour cette nouvelle critique toujours aussi intéressante !

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Fil des commentaires de ce billet