Visage (PS5)
Par Pierre Compignie le samedi 30 décembre 2023, 18:00 - Critiques toute neuves
Développé par : SAD SQUARE STUDIO (Québec)
Sorti à l'origine en : octobre 2020 (Europe, version PS4)
Comment j'ai pratiqué : Terminé en 21h (19 sessions), sur PS5 avec la manette Dual Sense Edge. 60 images par secondes. Version 1.001. Textes en Français, voix en Anglais, avec sous-titres.
Bidouilles diverses : J'ai affecté les boutons R3 et L3 sur les palettes droite et gauche de la Dual Sense Edge.
NOTE IMPORTANTE: le jeu se concentre sur l'exploration et fait doucement monter la tension pour créer une expérience de jeu à la fois plus profonde et plus significative. Son histoire se dévoile à travers une imagerie surréaliste et par de subtils détails dans l'environnement du joueur. Sachez bien conscient que le jeu est difficile, et ce de manières peu conventionnelles.
Visage est un jeu d'horreur psychologique à la première personne.
Explorez une mystérieuse maison en perpétuelle mutation dans un monde envoûtant qui mêle des environnements étrangement réconfortants à d'autres horriblement réalistes, et vivez une aventure authentiquement terrifiante.
Environnement
Le jeu se déroule dans une gigantesque maison où de terribles événements se sont produits par le passé. Vous parcourrez ses ténébreux couloirs, explorerez ses mystérieuses pièces et vous perdrez dans d'infinis labyrinthes, où vous revivrez les souvenirs des familles qui autrefois y vivaient. Cette maison, maintenant dépourvue de toute autre vie que la vôtre, vous emmènera dans des endroits que vous n'oseriez même pas imaginer.
Histoire
Cette maison a un terrible passé. Des familles y ont été brutalement assassinées, des gens sont devenus fous, beaucoup se sont suicidés, et d'effroyables histoires s'y sont déroulées. Chacune des pièces a sa propre histoire, peinte sur une toile invisible. En tant que joueur, vous revivrez des scènes de ce terrible passé, chacune vous laissant ses marques. Vous souhaiterez bientôt pouvoir rejoindre les rangs des âmes décédées en son abîme, mais la mort ne vous fera pas cette grâce. Tenterez-vous de vous enfuir, ou essaierez-vous de découvrir la vérité au plus profond des ombres?
Entités sombres
Les familles disparues dans cette maison vous hanteront et ne vous laisseront aucun répit. Ils suivront chacun de vos pas, vous observeront du moindre recoin, joueront des tours à votre esprit et tenteront de vous détruire. Pourquoi vous hantent-ils ainsi? Qu'avez-vous fait? C'est ce que vous allez devoir découvrir.
Gameplay
Dans Visage, vous n'avez aucun moyen de vous défendre; aucune arme ne pourrait vous sauver des choses effroyables qui apparaîtront au prochain recoin, à la prochaine porte, ou même au prochain pas. Vous pourrez cependant trouver certains éléments, interagir avec votre environnement, et chercher des objets qui vous permettront de vous sortir de ce cauchemar... ou bien d'y sombrer davantage.
La mort fait partie du jeu. Vous devez à tout prix éviter d'être terrifié, car la terreur attire les sombres entités. Restez aussi sain d'esprit que possible pour éviter de rejoindre les rangs des trépassés. Ce ne sera pas facile, et vous devrez découvrir des moyens de ne pas devenir complètement fou.[1]
J'écris ces lignes alors que je n'ai pas encore terminé l'histoire. Je suis actuellement bloqué. J'en suis à 8h de pratique. Commencé vendredi soir, poursuivi samedi et dimanche matin. On est dimanche soir et je ne pense pas que je continuerai ce soir, j'ai besoin de faire une pause.
Visage est difficile. Mon collègue Victor ainsi que les médias m'ont vendu un VG super flippant, et si je trouve effectivement l'ambiance angoissante, éreintante, je retiens surtout combien la progression est laborieuse.
Alors on a le choix entre trois « chapitres » assez tôt, et moi j'ai lancé le chapitre de Dolores. Pourquoi, d'abord parce que l'objet correspondant (on lance un chapitre en ramassant un certain objet) était parmi les deux croisés les premiers sur ma route (le troisième étant à l'étage), ensuite parce qu'il s'agit d'une clef (la clef miroir), et qu'entre une clef ouvrant une porte verrouillée du couloir que je viens de traverser, et une béquille qui en apparence ne me sert à rien, mon choix se porte naturellement sur la clef.
Problème, le chapitre Dolores est apparemment... le pire des trois chapitres. En cherchant sur Google « how hard is Visage », je suis tombé sur ce commentaire :
Dolores is the most frustrating one. Completely random puzzles. (Reddit)
Et puis un autre :
- If I had to choose one [entre Visage et Madison, deux VG d'horreur similaires] I'd choose Visage, bring extra pants and whatever you do, DO NOT pick up the mirror key first
- May I ask why? No spoilers, if possible
- picking up a chapter item starts one and you can't change it until it's finished. Mirror key is hardest chapter to start on, and in some cases the scariest, people who start with it can get confused, lost, or find the other chapters tame afterwards. Ideal chapter order for me is drawing of panda, crutch, then key with mirror (Reddit)
Cela dit qu'on ne peut pas changer de chapitre une fois un chapitre commencé, puis que le chapitre Dolores est le plus difficile pour débuter, celui qui fait le plus peur, qui a les énigmes les plus absconses, et que les gens qui commencent par ce chapitre peuvent se sentir complètement paumés, et au contraire trouver les autres chapitres fades après-coup.
Alors je ne sais pas quel sera mon avis après avoir complété les trois chapitres, mais si j'en crois ces commentaires, je me demande pourquoi les développeurs n'ont-ils pas imposé un ordre ? On dirait qu'on peut d'une part complètement casser la montée en puissance de l'expérience, et d'autre part zapper une introduction en douceur (bienvenue) au fonctionnement du VG.
Là où j'en suis je comprends ce que je dois faire : trouver les cinq jouets du bébé de Dolores (une femme devenue zinzin qui a assassiné son mari George) et les accrocher à un portique. J'en ai trouvé déjà quatre, en suant à grosses gouttes on ne va pas se mentir, il m'en reste donc un dernier. Je sais qu'une étape nécessaire est de parvenir à desserrer la main du cadavre de George (qui tient un objet), possiblement en lui replantant un couteau qui a été retiré de sa poitrine (il lui en reste encore cinq le pauvre, oui ce VG n'est pas tout public). La poitrine est clairement indiquée par l'interface comme un élément sur lequel on peut utiliser un objet de son inventaire, et en cliquant dessus le héros observe qu'un couteau a été enlevé d'une plaie... Et puis j'ai aussi utilisé la fonction d'indice de Visage, découverte comme tout le reste en tâtonnant, qui consiste à descendre dans les tréfonds de la cave pour ramasser un revolver et se coller une balle dans la tête ; oui monsieur. On nous présente alors quelques diapos en noir et blanc censées nous mettre sur la voie du prochain objectif à accomplir ; ensuite on renaît depuis la salle où l'on a commencé l'aventure, dans la flaque de sang. Et si on retourne à la cave et qu'on réutilise le revolver, on s'aperçoit qu'il y a une balle en moins dans le barillet, donc on ne peut faire ça que six fois au total (le nombre de balles contenues initialement dans le barillet).
Et là vous réagissez et vous me demandez : « attends, tu commences l'aventure dans une flaque de sang ? Qu'est-ce que c'est que ce délire ? » Et bien c'est un délire en effet. Il n'y a de toute évidence rien de réel dans Visage, nous sommes dans un cauchemar. Les murs sont capables de se transformer en vaisseaux sanguins ; des salles disparaissent et/ou se transforment ; les miroirs brisés sont des portails spatio-temporels ; l'électro-ménager se met à discuter devant nous ; et puis toute la batterie de phénomènes paranormaux habituels : portes qui claquent, fantômes, etc.
Deux choses à dire. La première, cela rattache Visage à ce sous-genre du vidéogiciel d'horreur qu'est la « maison-purgatoire ». Je me suis creusé la tête pour trouver un nom et celui-ci me semble convenir. Comme dans Infliction et Layers of Fear, on incarne un type avec visiblement quelques petits trucs à se reprocher, qui se trouve coincé dans une maison et vit une forme de cauchemar sans fin, en dehors de toute réalité, vraisemblablement généré soit par sa psyché aux prises avec un fort sentiment de culpabilité, soit par les feux de l'Enfer qui rôtissent son âme lentement mais sûrement. La maison n'en est pas vraiment une, c'est simplement le décor d'un cauchemar fantastique. On ne peut même pas parler de « maison hantée » car les maisons hantées existent au sein d'une réalité, des scientifiques peuvent les étudier par exemple. Dans les VG de type « maison-purgatoire » il n'y pas d'échappatoire possible car on est prisonnier non pas d'un lieu mais d'un esprit malade (et/ou d'un purgatoire infernal, mais les deux concepts reviennent au même). On commence Visage par une cinématique en vue subjective où l'on assassine trois femmes en leur tirant chacune une balle dans la tête, avant de s'en mettre une à soi-même (les développeurs de SAD SQUARE ont une charmante façon de nous accueillir). À la suite de quoi, l'on se réveille dans une mare de sang dans une pièce vide ; le perso se lève et se déplace en boîtant vers une porte qu'il ouvre ; on se retrouve dans la maison. Si on retourne dans la pièce derrière nous, ce n'est plus la même, c'est une remise au-dessus du garage. Et le perso ne boîte plus d'ailleurs. C'est extrêmement peu clair, ce qui se passe, ce qu'on est censé vouloir accomplir, qui on incarne. Il semble que l'on se prénomme Dwayne, car un message vocal laissé par la voisine sur notre téléphone fixe nous appelle ainsi. Mais Dwayne ne parle jamais, ne réagit à rien de ce qu'il se passe dans la maison. Il est muet comme une carpe. Quel est son lien avec Dolores qui a tué son mari George ? Aucune idée. Est-ce qu'il a tué Dolores dans la cinématique d'intro ? Dolores serait-elle une des trois femmes ? Aucune idée. La seconde chose que je voulais dire, c'est que tout ce concept de cauchemar-délire me lasse ; pour la bonne et simple raison que si tout peut arriver, s'il n'y a aucune limite physique à ce dont on peut être témoin, alors la conséquence est que l'on ne peut rien anticiper ; le corrollaire étant qu'il n'y a aucun suspens quant à ce qu'il arrivera au protagoniste. À partir du moment où, n'importe quand, la maison peut faire apparaître des vaisseaux sanguins sur les murs, il est clair que l'on nage en plein délire, que tout ce qui se passe est 100% arbitraire et qu'il ne sert à rien de réfléchir ou s'impliquer dans le scénario.
Alors oui, il y aura certainement du background à découvrir sur Dolores et George et sur leur lien avec Dwayne. Dwayne a-t-il bien abattu d'une balle dans la tête les trois femmes de l'intro, et pourquoi – j'avoue que je ne m'attends pas franchement à une explication intéressante. Oui, il y aura certainement du background révélé ; mais ce ne sera que ça, du background ; cela ne rendra pas notre quête, celle de Dwayne, plus intéressante puisqu'aucune règle ne s'applique à l'action, tout est possible – tout et surtout n'importe quoi.
Je reconnais largement préférer l'horreur qui se passe dans le monde réel ; quand on est dans le réalité et que celle-ci devient terrifiante du fait de menaces tangibles. Cela peut être de manière très concrète comme chez Lovecraft (voir The Land of Pain), mais cela peut être aussi des forces démoniaques qui transforment le monde autour de nous (Forbidden Siren, le premier Silent Hill) et des persos qui tentent de comprendre à quoi ils font face et cherchent à s'en sortir. Dans tous les cas, j'aime quand j'ai le sentiment qu'il y a des règles, que tout n'est pas permis, que je peux me servir de mon cerveau pour tenter, avec le héros, d'établir un plan pour survivre.
Toujours est-il que je commence à en avoir un peu marre des maison-purgatoires. Je n'aime ni les fantasmagories de culpabilité (Stories Untold, le film A Perfect Enemy) où tout se passe dans la tête du protagoniste, ni les challenges interactifs abstraits où l'on suit un parcours arbitraire décidé par les développeurs, avec des énigmes absurdes, le tout n'ayant pas le moindre sens diégétique. J'aime les VG où la progression et les énigmes ont du sens. Si je dois orienter trois tableaux dans un certain sens dans un couloir pour ouvrir un passage, je veux que ce mécanisme ait été conçu par un personnage bien précis qui a fait ça pour une raison bien spécifique, qui a payé des ouvriers pour construire un passage secret et qui les a soudoyés pour qu'ils ne l'inscrivent sur aucun plan de la maison. Je ne dirais pas que je veux pouvoir retrouver la facture dans un tiroir de la baraque mais... si, en fait je le dis ! J'ai envie de concret, j'ai envie de réel, je n'ai pas envie d'obstacles jetés là à la va-comme-je-te-pousse sous prétexte que l'on est dans la tête d'un fou, ou bien en Enfer, ou les deux en même temps ou que sais-je encore dans la famille des justifications peu satisfaisantes.
Revenons au début de ce texte : je galère sur Visage. J'ai bien compris qu'il me manque un jouet de bébé et que je dois faire en sorte que le cadavre de George desserre sa poigne. Mais je ne trouve pas l'objet (un couteau ?) à utiliser sur George. J'ai pourtant noté (sur papier) de nombreux éléments interactifs que j'ai repérés mais pas encore exploités :
- la tasse dans la cuisine, je peux y verser quelque chose (si j'en crois la liste des trophées que j'ai consultée : du chocolat)
- le coffre-fort fermé dans le bureau de George
- je ne sais pas quoi faire avec le tabouret au sous-sol ; de toute évidence il est à utiliser sur un élément du décor, pas juste à positionner n'importe où car on ne peut pas monter dessus si on se contente de le poser n'importe où
- la poitrine du cadavre de George le mari de Dolores, qui attend probablement un couteau, mais où se trouve ce fichu couteau ?
- il y a un conduit d'aération au-dessus d'une étagère au sous-sol, dont le perso dit que ce n'est probablement pas le bon moment pour l'explorer
- je cherche aussi la dernière cassette audio de George (j'en ai trois sur quatre)
- dans la chambre des parents il y a une boîte fermée avec un signe musical
- au sous-sol il y a un phonographe dont j'ai trouvé la manivelle mais je n'ai pas de disque vinyle à jouer
- toujours au sous-sol il y a une trappe fermée sur le sol avec un symbole mystérieux
- dans la petite pièce au-dessus du garage, il y a une boîte fermée avec un symbole oméga
Je n'arrive à interagir avec aucun de ces éléments, il me manque pour chacun l'objet correspondant.
Et puis le système de Visage fait que l'exploration n'est pas libre. C'est-à-dire que si je marche dans l'obscurité[2], la santé mentale de mon perso diminue et quand elle est au plus bas, je meurs (un fantôme apparaît et me poignarde). Il faut donc soit éviter le plus possible de marcher dans le noir, soit dire et puis merde je vous emmerde et marcher dans le noir autant que nécessaire jusqu'à mourir, pour ensuite recharger la dernière sauvegarde, car oui, on peut sauvegarder n'importe où dans Visage, et non, je ne trouve pas cela une bonne idée de punir le public pour une exploration et/ou un arrêt pour réfléchir[3], quand premièrement ceux-ci sont nécessaires à la progression et secondement quand on peut contrecarrer la punition avec une fonctionnalité aussi anti-immersive que le chargement de sauvegarde. Visage nous oppose un challenge de recherche d'objet et d'énigme retors, et ne nous trouve rien de mieux que nous compliquer la vie au-delà de toute mesure avec son harcèlement d'apparitions sinistres et délétères pour notre barre de vie (santé mentale).
Je dis ça et en même temps je repense à des VG d'horreur que j'ai appréciés : le premier Remothered, Forbidden Siren, Kuon, et c'est vrai que souvent l'exploration n'était pas complètement libre... Mais je n'ai pas souvenir de m'être senti autant face à un mur, c'est-à-dire, à la fois bloqué par une progression retorse « je ne sais pas quoi faire » et harcelé par le système qui fait tout pour ne pas que je trouve ce qui me manque (santé mentale qui menace de chuter à chaque pas). Il me semble qu'il existe un équilibre qui a ici été dépassé. Si en tant que développeur tu rends la progression difficile à base d'élements interactifs peu visibles ou cachés, tu y vas mollo à côté sur les freins à l'exploration libre et à prendre son temps. Or ici, aucun scrupule : les simples déplacements peuvent tuer, tandis que les éléments interactifs de l'environnement restent désespérément dans l'ombre ou bien se confondent avec la quantité de bric-à-bric que l'on peut saisir mais qui ne servent à rien.
Pour l'instant je ne suis donc pas fan de Visage et je ne sais pas encore si je vais parvenir à me débloquer tout seul ou si je vais succomber aux sirènes du guide sur internet (ou si Victor me divulgâchera la solution quand je lui raconterai mes déboires). Graphiquement la maison est convaincante mais je suis gêné par l'absence de corps de mon personnage (on ne voit pas son propre corps, les objets que l'on tient dans les mains flottent dans l'air). La façon dont les fantômes disparaissent (après nous avoir fait coucou) sans aucun effet ou transition ne me semble pas très naturelle. Les apparitions ceci dit sont assez bien faites et flippantes, j'ai bien aimé notamment quand je me suis retourné (genre, normal) et que j'ai aperçu la vieille Dolores qui m'observait avec seulement sa tête qui émergeait dans l'encadrement de la porte. Mais bien souvent il est un peu trop clair que les apparitions sont inoffensives. Quand on s'approche, le fantôme disparaît en un clin d'œil. Ce n'est, je crois, que quand notre santé mentale est trop basse qu'un fantôme mortel surgit, et on voit bien la différence de mise en scène avec les apparitions classiques (les violons stridents se déchaînent, le fantôme est mobile). Dans Home Sweet Home par exemple, les fantômes sont plus redoutables car ils sont toujours mortels. Visage repose beaucoup sur la simple peur de réaliser qu'on est observé ou que quelqu'un d'autre est dans la pièce, mais une fois que l'on a compris que ces apparitions sont uniquement destinées à détériorer notre santé mentale et pas à nous attaquer directement, l'impact est atténué, et pour ma part je l'ai compris assez vite. Il est d'ailleurs un peu bizarre que la meilleure façon de stopper une apparition (délétère donc pour la santé mentale) est de s'approcher d'elle... On pourrait penser que l'on veut au contraire la fuir, mais en fait en s'approchant on y met fin de manière rapide et efficace et ce faisant on brise le climat d'angoisse faisant mal au perso (représenté par un petit nuage rouge dans un coin de l'écran).
Je m'arrête là pour cette première salve d'impressions.
Un peu plus tard...
Après presque deux heures supplémentaires de recherche infructueuse sur deux ou trois sessions, j'ai finalement abdiqué et cherché la solution sur internet. Il se trouve que le fameux couteau que je cherchais était planqué à un endroit que je connaissais mais que je considérais comme un cul-de-sac : une pièce remplie de crucifix à même le sol bloquant le passage. En réalité, il y a un trou parmi le tas de crucifix, dans lequel on peut ramper... Je le montrerai dans la galerie d'images, mais j'ai des commentaires à faire par rapport à ça : libre à vous de m'accuser de mauvaise foi.
Je regrette de n'avoir pas eu la patience de réexplorer cet endroit avec un briquet. Certes, je n'avais plus de briquet (et le VG est en cause et j'explique pourquoi dans ma note[2]), mais je disposais d'une sauvegarde précédente où j'avais encore tout mon stock donc j'aurais pu. Avant de craquer et d'aller sur le net, je pense qu'il est correct de dire que j'avais bel et bien réexploré toute la baraque, avec un briquet, sauf cette maudite pièce. Donc je suis légèrement grave dégoûté, oui.
Mais en y réfléchissant, j'avais tout de même une bonne raison d'avoir rayé dans mon esprit la possibilité que cette fameuse pièce renferme quoi que soit d'intéressant. La bonne raison c'est qu'en observant le tas de croix par terre, et en considérant combien le VG bloque facilement nos mouvements devant le moindre obstacle, c'était finalement assez sensé de ma part d'en conclure qu'il n'y avait aucun passage possible. Il y a dans cette salle une sorte de trahison de la part des développeurs ; la rupture de la règle tacite, établie précédemment dans les autres environnements, selon laquelle tout objet posé par terre constitue une barrière impossible à escalader ou traverser. Un bon exemple se trouve dans le garage, où un bête sac de ciment étendu sur le sol empêche de passer. A contrario, dans la salle des crucifix, les croix par terre devant le passage caché n'ont aucune présence physique, aucune « boîte de collision », et c'est uniquement grâce à cela que l'on est en mesure d'avancer dans le trou. Si les règles physiques dans cette pièce avaient été les mêmes que dans le garage, il aurait été strictement impossible d'avancer. Et je pense que c'est notamment parce que j'avais intégré cela que j'étais convaincu qu'il n'y avait rien à trouver dans cette pièce. Compte tenu de la disparition sauvage de mon stock de ressources (voir [2]) et de cette incohérence physique, je dirais que je dispose de circonstances atténuant le déshonneur de mon acte de triche, non ? Dans tous les cas, je fais la promesse que cette incartade est la dernière dont je me rends coupable dans ma traversée de Visage.
Suite et fin.
Ce ne fut pas une mince affaire mais j'ai terminé Visage, sans consulter de soluce à nouveau. Je ne peux pas dire que j'ai passé un super moment... Est-ce que c'est le fait de me retrouver régulièrement bloqué, sans savoir quoi faire et où le faire, à errer dans des couloirs l'esprit las ? Est-ce que c'est le fait que le VG exige de moi de sempiternellement réexplorer des environnements déjà passés et repassés maintes et maintes fois au peigne fin ? C'est vrai que je déteste ce procédé de modifier de façon arbitraire (sans raison diégétique valable) un environnement déjà connu. Je m'en plaignais déjà dans le pointer-cliquer Loch Ness, avec, notamment, sa fenêtre intouchable au début de l'histoire qui devient comme par magie interactive à la simple faveur de l'avancée de l'intrigue, peu important que celle-ci ait quoi que ce soit à voir avec ladite fenêtre. Visage c'est un peu ce concept en permanence ; on est constamment en train de déclencher des scripts qui vont faire apparaître quelque part dans la maison une zone interactive ou un objet à ramasser. Donc les environnements que j'ai déjà inspectés à fond, et bien... Je dois à nouveau les fouiller de fond en comble, dans l'espoir que quelque chose, quelque part, soit apparu et me permette de me rapprocher du générique de fin... Sinon épuisant, au moins profondément lassant.
Donc oui j'ai passé un temps considérable à tourner en rond dans cette satanée maison. J'ai bloqué longtemps juste après avoir installé le morceau de mâchoire sur le mannequin dans la cave (au cours de mon[4] deuxième chapitre : Lucy). J'étais persuadé que je devais trouver d'autres morceaux à installer sur le mannequin, d'abord parce que le VG continuait de me proposer d'utiliser un objet de mon inventaire sur le mannequin (à tort), mais aussi parce que dans mon premier chapitre, Dolores, le but était d'installer des objets sur un portique de bébé. Tout me laissait croire que j'étais de nouveau dans une chasse aux objets. J'ai alors longtemps arpenté la maison en vain, bredouille, en plus dans le noir, une obscurité délétère pour le personnage qui fait baisser sa santé mentale... Évidemment je rechargeais une sauvegarde après une session d'exploration, car je vidais l'essence de mes briquets ainsi que mes cachetons de soin. Ça c'est aussi un gros défaut du VG : punir l'exploration en nous faisant consommer des ressources et en nous tuant (parfois même aléatoirement sans même que notre santé mentale soit en péril – insupportable), alors même qu'un simple rechargement de sauvegarde, autorisé par le VG, permet de passer outre. C'est stupide. Ça brise l'immersion de faire ça, mais le VG nous y contraint.
Je disais donc que dans le chapitre Lucy, après avoir installé la mâchoire sur le mannequin, j'ai erré littéralement des heures dans la maison plongée dans le noir à la recherche d'autres morceaux du mannequin. Alors qu'en fait, et grâce à Dieu j'ai fini par m'en rendre compte, et en fait un peu grâce à Victor, la solution se trouvait dans le p$#!@% de placard juste à côté du mannequin, qui s'entrouvre juste après que l'on installe la mâchoire. Le problème c'est que je n'avais encore jamais assisté à cette entrouverture, car je ne regardais pas dans cette direction. Ce n'est qu'une fois mon casque audio revêti que j'ai entendu le bruit, discret mais présent, de cette entrouverture au moment où elle survient. Et c'est en cela que je dois remercier Victor car c'est lui qui m'avais conseillé d'utiliser le casque pour Visage.
Mais cette mésaventure est représentative de l'expérience Visage. Le VG passe son temps à modifier des choses dans l'environnement, parfois tout près, parfois loin, et soit on perçoit les subtils indices laissés par les développeurs et on trouve facilement notre prochaine destination, soit on joue de malchance et en regardant dans la mauvaise direction au mauvais moment, on rate une info et l'on est parti pour errer pendant des heures en se demandant combien de temps encore l'on va tenir le coup sans se jeter sur une soluce ou tout bonnement laisser tomber l'aventure.
Et ce n'est pas non plus l'histoire qui m'a accroché... Car elle manque cruellement d'humanité, de concret, de physique. Notre perso n'a pas de visage, pas de voix (sauf pour grogner dans des scènes cinématiques), pas de corps, on ne sait pas ce qu'il veut. Le lieu où il se trouve, sa maison, n'a pas d'adresse, pas d'histoire, pas de réalité physique. Au cours des « chapitres » du VG, on se retrouve à moitié dans la peau de persos au destin tragique, à moitié traqué par leurs esprits vengeurs. Parfois on meurt et l'histoire continue. Une trappe dans la cave peut donner sur un supermarché où l'on va pousser un caddie et y ranger des packs de bière... L'histoire n'est rien moins qu'un délire complet, qui ne fait même pas réagir notre perso (au contraire de In Sound Mind par exemple). Il n'y a aucun suspens, aucune dramaturgie. Je pourrais qualifier le tout de train fantôme, façon Layers of Fear, si Visage ne nous opposait pas un tel challenge de progression qui nous implique en permanence. Le VG est très loin de se dérouler tout seul sous nos yeux, c'est nous qui le faisons avancer en étant actif (sauf dans certaines scènes où il s'agit juste de pousser le stick mais elles sont rares et ont représenté pour moi un soulagement). Mais son histoire reste terriblement abstraite et désincarnée, aux antipodes de mes survival-horror préférés comme Forbidden Siren et Project Zero pour ne citer qu'eux.
La vue à la première personne n'aide certes pas, et je ne me suis jamais vraiment habitué à ces objets qui flottent devant moi dans les airs quand je suis censé les tenir, juste parce que les développeurs avaient la flemme de modéliser des membres en 3D... Mais même en vue à la première personne, on peut faire vivre un personnage, des vidéogiciels comme Penumbra et Crysis l'ont prouvé. Visage n'a juste pas essayé.
Je crois que je vais vraiment arrêter le genre de la « maison-purgatoire », c'est tout ce que je déteste en fait. Moi j'aime l'horreur matérialiste ; j'ai besoin d'un contexte et des personnages réalistes et bien définis. Juste me jeter dans une maison qui transforme ses couloirs en vaisseaux sanguins quand ça lui chante avec un héros qui n'exprime aucune volonté et dont on ne sait pas depuis quand il est là ni ce qu'il cherche, ça ne me convient pas. J'ai besoin d'une quête précise, embrassée par le protagoniste, dans un univers vraisemblable. Dans le genre indé fauché qui fait de l'horreur, j'ai bien accroché à The Land of Pain par exemple ; parce qu'il y a une vraie histoire, que le héros court pour sa survie, que c'est angoissant et prenant...
À propos d'ailleurs de l'aspect terrifiant de Visage, je réalise une chose importante : je n'aime pas vraiment les jump scares. En fait j'aime plus être en empathie avec un personnage pris dans une situation bien définie et angoissante (pas le cas dans Visage puisqu'on est dans un rêve ou un purgatoire, à la merci de l'arbitraire dans tous les cas, et que l'arbitraire est l'ennemi de l'angoisse et du suspens), être donc en empathie avec le héros disais-je, plutôt que moi-même sursauter à chaque pas parce qu'un monstre surgit devant moi. Visage m'a fait peur, oui, parce que marcher dans le noir, s'éclairer toutes les cinq secondes avec un flash d'appareil photo et se retrouver nez-à-nez avec un monstre, ça fait peur. Sans blague... Il n'y a rien de dingue ou de passionnant là-dedans, n'importe qui peut le faire, et c'est d'ailleurs le cas, sauf que Visage a pour lui d'être mieux fini et plus soigné que le tout-venant de la production indé fauchée. Le public a eu droit à son jump scare game techniquement pas honteux et lui a fait un triomphe. Et je suis d'accord que les jump scares de Visage sont efficaces ; ils sont assez subtils, ne reposent pas nécessairement sur un visage grimaçant recouvrant soudainement l'écran, ou sur une envolée stridente de violons. Ici les apparitions peuvent être silencieuses mais n'en sont pas moins glaçantes, bien au contraire. Simplement, je trouve le procédé à la fois creux et délétère pour ma santé. J'ai eu peur pour mon cœur et je plains sincèrement les personnes cardiaques. Il ne faut pas qu'elles pratiquent ce p$#!@% de vidéogiciel qui ne met même pas un avertissement au début à ce propos.
Non je pense qu'il est bien plus complexe d'arriver à nous faire croire en un univers et en des personnages, et à nous faire nous attacher à eux et à nous mettre en empathie avec eux. Je pense que ce qu'accomplit Forbidden Siren en matière de narration est à mille lieux de Visage, qui se contente de nous placer sans contexte dans une baraque, certes bien modélisée, d'éteindre les lumières de façon aléatoire et de faire apparaître vieille dame et petite fille flippantes au détour d'un couloir ou d'un encadrement de porte ; Visage fait ça bien mais ne fait que ça. Enfin, il fait aussi un challenge de VG d'aventure des années 90 à s'arracher les cheveux, dont je ne suis pas sûr que je le condamne en soit ou parce qu'il ne s'inscrit dans aucune sorte de logique narrative.
Dans l'absolu je ne trouve pas ça débile de nous faire chercher et observer. J'ai eu beau bloquer un moment à la toute fin, quand je cherchais où installer les six tableaux que j'avais trouvés, quand j'ai finalement découvert le mur interactif grâce à sa tapisserie identique à celle visible dans la cassette vidéo, je ne pouvais que m'incliner quelque part : l'indice était là. Mais je ne sais pas. Est-ce que c'est vraiment intéressant de s'amuser à inspecter chaque tapisserie de la maison pour trouver celle qui a des bandes verticales ? Est-ce que c'est vraiment intéressant de faire ça quand cela ne s'inscrit dans aucun enjeu émotionnel pour qui que ce soit dans l'histoire, que personne n'a jamais peint ces tableaux, que ce mur où les installer n'a jamais été pensé comme tel par quiconque ayant occupé cette maison ? Quand, en un mot, cette énigme n'a pas la moindre raison d'être diégétique et ne s'avère qu'un énième obstacle arbitraire jeté entre nous et le générique ?
À la fois c'est peut-être trop exigeant en terme de minutie et de labeur et de temps requis ; à la fois ça ne s'inscrit pas dans une aventure humaine qui donnerait une raison de faire ce travail. Et puis que dire du système de santé mentale, qui heureusement ne nous embête pas dans tous les chapitres, mais qui se trouve être une vraie plaie dans le chapitre de Lucy et un peu Dolores ? Ce système qui s'acharne à nous punir dès que l'on explore les ténèbres alors même que le VG requiert que l'on explore ces ténèbres en permanence puisqu'il planque ses secrets dans les endroits les plus tarabiscotés de la maison. Ce système que l'on peut et que l'on doit si aisément contourner, en jouant avec les sauvegardes au prix de son immersion ? Je n'ai pas vu l'intérêt. Et quel est le sens de cette règle impliquant que les monstres apparaissent si notre santé mentale est faible, sinon que la nature de la menace n'a rien de réelle ? En dehors de ses jump scares, Visage n'a pas grand chose d'angoissant.
Oui, Visage m'a fait peur. Simplement parce que comme tout le monde, quand j'ouvre un placard et qu'un monstre me saute au visage, mon cœur se serre et crie au secours. Voilà. Ce que je retiens de Visage, c'est surtout son challenge de progression extrêmement retors qui nous fait tourner en rond pendant des heures dans le noir sans savoir quoi faire ou à la recherche d'une aiguille dans une botte de foin, le tout avec des méchants qui nous harcèlent, parfois nous tuent en un coup et souvent nous poussent à recharger la sauvegarde. Ça et son ambition zéro en terme de narration : aucun perso, aucun univers, juste une énième maison-purgatoire qui se transforme au gré de l'arbitraire des développeurs.
Verdict = dispensable |ok|vaut le coup !|énormissime
Note(s)
- ^ Présentation du Playstation Store.
- a, b, c Ce qui arrive, pêle-même, quand le VG décide d'éteindre les lumières pour t'emmerder ou bien dans les zones ténébreuses si tu n'as plus de briquet – comme moi qui ai fait l'erreur de ramasser tous les briquets de la maison et de les stocker dans une pièce, tout cela pour constater plus tard, l'âme brisée, que le VG efface tous les objets sur le sol quand la maison se transforme, supprimant de fait tout mon stock de manière irréversible, ça aurait été gentil de me le dire avant...
- ^ Quand on s'arrête pour réfléchir, forcément, le temps passe, et plus le temps passe, plus la probabilité augmente qu'un événement surnaturel aléatoire se déclenche – lesquels provoquent au minimum une détérioration de la santé mentale, au pire notre assassinat par un fantôme.
- ^ Je dis « mon » car l'ordre dans lequel on entreprend les trois chapitres n'est pas imposé par le VG.
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Commentaires
Merci pour cette critique riche et détaillée ! Bravo, tu es arrivé à bout de « ce purgatoire » qui t’a demandé beaucoup de patience et de passer au delà de critères qui te sont chers dans les VG !
Bonnes frayeurs pour ces jump scares auxquelles je n’aurais peut-être pas survécue !
PS: je n ai pas compris « background » mais en revanche j’ai compris « jump scare » ! 🤗