Lake (PS5)
Par Pierre Compignie le samedi 22 juillet 2023, 21:30 - Critiques toute neuves
Développé par : GAMIOUS (Pays-Bas)
Sorti à l'origine en : septembre 2021 (Europe, version PC)
Comment j'ai pratiqué : Terminé en 7h18 sur PS5 avec la manette Dual Sense Edge (gâchettes R2 et L2 affectées sur les palettes, pour plus de confort étant donné que R2 est pratiquement maintenue en permanence pour avancer en fourgonnette ou pour faire marcher un peu plus vite l'héroïne). 60 images par secondes. Version 1.000.005.
1er septembre 1986. Vous incarnez Meredith Weiss, une quadragénaire qui quitte la grande ville et rentre dans sa paisible commune natale. Mettant sa carrière dans une entreprise en informatique entre parenthèses, elle se retrouve à remplacer son père et à distribuer le courrier.
Au cours de ce séjour de deux semaines dans le cadre idyllique de Providence Oaks, en Orégon, Meredith enchaîne les retrouvailles, mais aussi les nouvelles rencontres. À vous de décider à qui parler, de forger des amitiés ou, pourquoi pas, d'entamer une histoire d'amour.
Dans tous les cas, Meredith devra bien finir par trancher. Retournera-t-elle à la grande ville et à son travail exigeant ? Ou choisira-t-elle, au contraire, de rester dans la commune qui l'a vu naître ?[1]
Bon déjà j'ai eu du mal à comprendre la situation au début : Meredith prend-elle juste des vacances dans sa ville natale ? Ou envisage-t-elle déjà quelque part dans sa tête de s'y installer à nouveau ? Aucune des hypothèses ne colle à 100%. Si Meredith est juste en vacances, pourquoi remplace-t-elle son père facteur ? Non seulement ce ne sont pas des vacances, mais depuis quand demande-t-on à son enfant de nous remplacer au boulot quand on part en vacances (ce qui est le cas des parents de Meredith, en voyage en Floride) ? Je trouve ça étrange. Et si Meredith pense déjà à s'installer à Providence Oaks, alors pourquoi laisse-t-elle penser à son patron qu'elle ne va s'absenter que pour deux semaines, tout en continuant de s'investir dans son boulot à distance ?
Pour moi ça n'a pas été clair et j'aurais aimé mieux comprendre comment l'on aboutit à cette étrange situation où une femme quadragénaire remplace son père en vacances à son boulot pendant ses propres vacances à elle. Je doute que cela soit les premières vacances du père depuis vingt ans et pourtant Meredith n'a pas mis les pieds dans cette ville durant cette période. Pourquoi diable maintenant, pendant ces vacances paternelles de septembre 1986, Meredith remplace-t-elle son père dans son boulot de facteur ?
Malheureusement ce côté brouillon du récit a prédominé tout au long des deux semaines que dure le VG. Lake nous laisse très souvent choisir à la place de Meredith ce qu'elle fait de son temps libre et comment elle se comporte avec les gens, ce qu'elle leur dit durant les conversations, si elle accepte leurs propositions d'activité, si elle accepte de débuter une romance... Et je trouve que Lake tombe dans l'écueil classique pour moi du protagoniste qui n'est : ni suffisamment défini pour exister par lui-même (parce que nos choix peuvent en faire deux humains radicalement différents), ni suffisamment sous notre coupe pour faire du vrai jeu de rôle (en plus de sa voix et de son apparence qui sont prédéfinis, les choix sont bien trop limités pour qu'on ait l'illusion que c'est notre avatar).
J'ai eu l'impression que toutes les options de dialogue étaient ouvertes à tout moment, tant et si bien qu'après m'être positionné sur un sujet, je pouvais me repositionner plus tard de façon diamétralement opposée ; ce qui tendait à faire perdre à Meredith toute crédibilité à mes yeux, comme si c'était une girouette.
J'ai tenté la romance hétéro avec Robert le bûcheron plutôt que la romance homo avec Angie, et si j'ai bien pu conclure à la fin en embrassant Robert, je me suis vraiment demandé où était l'alchimie entre les deux, comment on avait pu en arriver là, tant je ne croyais pas du tout à la naissance d'un sentiment amoureux ou de désir entre les deux.
En résumé, je trouve la proposition narrative de Lake franchement bancale.
Côté interactivité ce n'est pas beaucoup mieux car le challenge proposé n'a rien d'excitant. La livraison de cargo dans Death Stranding, c'était épique. La livraison de courrier/paquets dans Lake, c'est... très ennuyeux. Aucun monstre bien sûr, mais aussi aucun chrono, aucune subtilité dans la conduite de la fourgonnette ou dans la marche de Meredith. Aucun besoin d'arriver à se repérer dans son environnement, tous les points de livraison sont indiqués sur une carte où notre position s'affiche en temps réel façon GPS. D'ailleurs il n'est même pas possible de faire sans cette carte, puisque les points de livraison ne sont visibles que sur la carte. On n'a pas la possibilité de consulter le courrier à distribuer dans notre sacoche et chercher l'adresse par nous-mêmes dans l'environnement ou sur une carte papier non GPS. Tout a été fait pour que la livraison du courrier soit chiante comme la lune.
Je n'excuse pas les développeurs de m'avoir imposé deux semaines, soit douze jours, de livraisons sans intérêt. Et j'ajoute que je n'ai pas du tout aimé comment l'action est sans cesse hachée par l'ouverture de la carte, soit pour voir où livrer le prochain colis[2], soit pour lancer une téléportation vers une des quatre destinations de voyage rapide (nord, sud, est et ouest du lac), soit enfin pour lancer un pilotage automatique vers un des lieux d'intérêt de la ville (magasin, motel...).
Je n'excuse pas non plus l'état plus ou moins déplorable de cette version PS5. Le framerate maintient rarement les soixante images par seconde, pourtant, on ne peut pas dire que Lake soit particulièrement riche visuellement, bien au contraire... En conduisant la fourgonnette, je n'arrêtais pas de voir des éléments de décor apparaître soudainement quand je m'en rapprochais, ou disparaître quand je m'en éloignais. J'ai constaté aussi plusieurs bugs visuels ou d'animation bien moches, au point que je me suis demandé si quelqu'un chez GAMIOUS avait pris le temps de tester correctement cette version PS5 tardive – le VG ayant d'abord été développé pour PC et Xbox Series.
Mais je dois aussi dire que Lake a réussi à me toucher à des moments. Le principe de suivre un personnage qui revient dans sa ville natale délaissée pendant vingt ans est super. En plus j'adore l'ambiance de l'Oregon, ses forêts, sa verdure, ses lacs, ses montagnes... Le mystère et la richesse de la nature dans cette région. Meredith a des échanges assez profonds avec son amie d'enfance Kay qu'elle avait oubliée durant toutes ces années. Cette proposition de nous faire vivre un séjour de deux semaines aux répercussions potentiellement majeures sur la vie de l'héroïne, c'est une belle idée.
Et puis, nous faire partager un boulot de facteur, ça aussi c'est original. Il n'y a pas d'enquête, pas de menace physique ou psychologique dans Lake. C'est une parenthèse de vie dans un coin paumé et magnifique de l'Oregon, qui peut aussi devenir un nouveau commencement. Les chansons de la radio sont limitées en nombre mais parviennent à distiller une certaine mélancolie (rien à voir ceci dit avec la puissance de Life is Strange[3]). J'aime bien aussi le fait de devoir aller chercher les colis à l'arrière de la fourgonnette quand les lettres, elles, ne réclament pas cet effort puisque rangées dans la sacoche de Meredith.
Et même si Providence Oaks ne grouille pas de vie, on apprend à connaître une galerie de personnages qui ont chacun leur personnalité, leur job, leur maison. On découvre un petit univers, on crée des liens avec certaines personnes, on s'intéresse, on s'ouvre.
Perclus de défauts techniques et d'écriture, Lake sur PS5 peut néanmoins compter sur la force de sa proposition : partager l'expérience d'une femme qui revient dans sa petite ville natale de l'Oregon après vingt ans d'absence, apprend à (re)connaître ses habitants via un job de factrice et envisage d'abandonner sa vie stressante de citadine accro au boulot pour une existence plus calme, plus lente et plus proche de la nature. L'aventure fait bien de ne pas s'attarder au-delà de ses sept heures déjà longues : les livraisons de courrier sont terriblement chiantes.
Verdict = ok
Note(s)
- ^ Présentation du Playstation Store.
- ^ Pour être tout à fait honnête, je réalise en écrivant que j'aurais pu m'épargner sans doute quelques ouvertures de la carte en activant dans les paramètres l'affichage de la mini-carte en permanence à l'écran (je l'avais désactivée au tout début dans l'espoir d'une expérience plus immersive où j'aurais plus eu besoin d'apprendre à reconnaître mon environnement).
- ^ Qui se déroulait aussi en Oregon !
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