Kena : Bridge of Spirits (PS5)
Par Pierre Compignie le mardi 18 juillet 2023, 16:00 - Critiques toute neuves
Développé par : EMBER LAB (Californie)
Sorti à l'origine en : septembre 2021 (Europe, version PS5)
Comment j'ai pratiqué : Terminé en 11h20 en mode normal (3 sur 5), sur PS5 avec la manette Dual Sense Edge. 60 images par secondes. Version 2.008. Mode visuel « performance ».
Kena : Bridge of Spirits est une histoire ponctuée d’actions et d’aventures qui se déroule dans un monde charmant qui propose découvertes inattendues et combats rythmés.
Les joueurs repèrent de minuscules compagnons spirituels appelés Rots et se constituent une équipe dont ils améliorent les aptitudes, et créent ainsi de nouvelles façons de manipuler l’environnement.
Kena, une jeune guide spirituelle se rend dans un village abandonné à la recherche du sanctuaire de la montagne sacrée.
Elle tente de découvrir les secrets de cette communauté oubliée et envahie par la végétation où des âmes errantes sont piégées.
Trouver des Rots
Les Rots sont des esprits timides et illusoires qui sont dispersés dans la forêt.
Ils maintiennent l’équilibre en détruisant les éléments morts et en décomposition.
Caractéristiques principales
• Constituez votre équipe : trouvez et collectionnez des Rots pour acquérir de puissantes aptitudes, faire des découvertes inattendues et transformer l’environnement.
• Explorez : un village oublié et une étrange malédiction. Puisez la force du royaume de l’esprit pour rétablir ce monde autrefois si majestueux.
• Combats rapides : les esprits se sont pervertis, ils sont désormais piégés et incapables de fuir. À chaque tournant, Kena est mise au défi.[1]
Je trouve la critique peu évidente avec ce titre. Il y a beaucoup de nuances à donner. Visuellement c'est agréable à l'œil, les couleurs sont jolies, les 60 images par seconde sont stables ; mais je n'ai pas été charmé du tout par la direction artistique, qui m'a semblé plutôt générique, ni par le monde dépeint, auquel je n'ai pas cru. Tout cela est représenté avec un grand professionnalisme, mais c'est comme s'il n'y avait pas ou peu d'idées à l'origine. De super graphistes et une belle peinture pour représenter un univers sans vision forte, à moitié écrit.
L'héroïne ne m'a pas plu du tout. Elle ne se débarrasse jamais vraiment de son espèce de demi-sourire, comme si elle était certes gentille mais prenait tout de très très haut, qu'elle considérait les gens et les animaux comme de « braves » créatures, mignonnes mais dont elle n'a aucune illusion sur le niveau de conscience inférieur au sien. Comme si elle était une déesse descendue sur Terre, qui contemplait le monde avec le paternalisme de celui qui croit savoir mieux que les autres. Kena ne s'ouvre jamais à quiconque et ne se départit jamais vraiment de cette attitude, qui m'a franchement agacé. J'ai un problème avec son espèce de sourire ironique. Dans tous les cas, c'est un personnage basique qui doit « sauver le monde », « restaurer l'équilibre » et « guider les esprits vers l'au-delà », sans que l'on sache pourquoi, et qui ne montre aucune faille, aucun défaut. Un personnage authentiquement ennuyeux.
Les cinématiques où Kena parle avec les persos secondaires mêlent un sentimentalisme appuyé pour forcer l'émotion à partir de rien (grandes déclarations sentencieuses sur la force de l'amour, violons sirupeux) et exposition interminable de détails n'ayant aucun sens (« alors on a extrait l'énergie de la montagne dans des seaux et puis euh on a fabriqué un bœuf mécano-magique »)... Cela faisait longtemps que je n'avais pas été autant démangé par l'envie de zapper toutes ces cinématiques n'apportant rien à l'expérience, si ce n'est de l'agacement.
L'univers n'a pas de gueule, mais il n'a aussi aucun sens. Où sont partis tous les humains ? S'il n'y a plus d'humains, pourquoi on se bat ? Pourquoi Kena se permet-elle de voler les coffres de tout le monde ? Pourquoi la seule et unique chose que ces coffres contiennent est une espèce de monnaie que les Rots encaissent à leur... boutique (?)... pour t'autoriser TOI à LEUR mettre des... chapeaux ?!?
Pour explorer cet univers, il suffit de suivre un chemin, et si on se perd, on a une carte indiquant notre position en temps réel... Doublement impossible de se perdre ET d'apprendre la topologie des lieux, puisqu'il n'y a rien à découvrir sauf un chemin à longer. Sur ce point aussi, l'univers échoue à exister.
Kena : Bridge of Spirits m'a cependant beaucoup plus convaincu dans son challenge interactif, ce qu'il m'a demandé de faire à la manette pour le terminer. D'abord il y a tout l'aspect progression, déplacements, sauts, énigmes. Kena m'a semblé très agréable à contrôler. Ses sauts sont d'une grande précision, son double-saut magique très pratique, son arc super chouette à manier (avec une vibration dans la gâchette de la Dual Sense quand on le tend). Avec ses bombes magiques, on fait changer de position des morceaux de décor détruits, dont on se sert ensuite de plate-forme pour traverser du vide. Il y a des petites énigmes de ce genre, jamais très difficiles, mais agréables à résoudre. Il y a des tas de sauts à faire, eux aussi faciles, mais toujours sympas, surtout parce qu'ils ne sont pas automatisés : la distance du saut est fixe, elle n'est pas corrigée par le VG en lousedé comme dans les Uncharted et Tomb Raider modernes par exemple. On est véritablement en contrôle de Kena et de ses actions, tout le temps. La progression a beau être (trop) simple, elle n'en reste pas moins satisfaisante par le simple fait que les développeurs nous ont laissé aux commandes pour tout.
C'est notamment dans ce sens, je crois, que beaucoup de critiques ont dit que KBOS leur rappelait l'ère de la Playstation 2 ; une époque où effectivement les VG nous laissaient encore 100% aux commandes des personnages dans ce type d'aventure. Par contre, les environnements sont beaucoup plus grands et étendus, sans séparation par des écrans de chargement, et ça aussi c'est sympa et c'est nouveau par rapport à l'ère PS2.
Ceci étant, KBOS reste trop facile. Il n'y a aucune succession de sauts vraiment difficile, aucun passage véritablement épique que ce soit d'exploration, d'énigme ou d'acrobatie. Sur ce point, le VG est sympathique mais pas inoubliable, pas énormissime, c'est dommage. Il avait pour moi la bonne approche, mais n'a rien fait de véritablement emballant avec.
Vient ensuite le sujet des combats... Grosse surprise, malgré la mignonnerie visée par l'esthétique générale, les affrontements contre les ennemis sont assez velus et m'ont demandé de m'y reprendre à plusieurs reprises en mode de difficulté normale. Parfois, avant d'avoir trouvé « le truc », je bloquais carrément, comme par exemple contre Toshi corrompu avant d'utiliser la capacité Élan récemment apprise. On meurt très facilement, les erreurs ne sont pas pardonnées. La différence avec un vidéogiciel vraiment dur comme Dark Souls, c'est que l'on n'a pas à gérer ses ressources : les flèches de l'arc sont infinies, la santé est restaurée par des plantes présentes dans chaque lieu de combat et automatiquement quand on revient au calme. Et bien sûr, on ne perd rien du tout quand on meurt et on recommence quasiment juste avant le combat. Donc il ne faut pas exagérer, on est encore loin de Dark Souls, mais c'est vrai que les ennemis et notamment les boss font peur et punissent la moindre approximation.
Pour ma part j'ai beaucoup apprécié ces combats ; ils m'ont délivré une bonne dose d'adrénaline, j'ai souvent terminé à un coup de voir Kena mourir et de devoir recommencer depuis le début (car oui les bagarres sont assez longues). La parade et la contre-attaque sont jouissives à réaliser, tout comme la super-attaque « marteau de Rot ». Et que dire de l'arc – j'adore le fait qu'on puisse le bander en plein vol, après un saut, et que le temps ralentisse alors pour nous permettre de viser. L'arc devient vite une arme de prédilection pour baisser la vie des boss à distance, sans s'exposer à des attaques rapprochées souvent difficiles à parer efficacement (le timing pour la contre-attaque est serré).
J'ai eu parfois un peu l'impression de tricher en surexploitant l'arc ; comme si j'évitais la vraie difficulté consistant à maîtriser le corps à corps, comme si je choisissais la tactique « sans danger » ou presque. Mais le VG semble en être conscient et certains boss (notamment Toshi corrompu que j'évoquais plus haut) dévient les flèches et obligent à prendre des risques, à trouver une stratégie plus dangereuse et donc plus excitante.
De bonnes sensations donc, sans pour autant me libérer tout à fait de cette impression de ne jamais rentrer dans l'aventure, de la traverser en courant d'air, sans m'impliquer. Les combats et le contrôle total de Kena dans ses balades sont clairement ce qui a donné du corps au VG, mais ça n'a pas été encore suffisant pour m'emballer. Une bonne expérience tout de même.
Kena propose une aventure interactive assez simple où le public est très actif à la manette, comme dans un bon vieux VG de plate-forme/action de la génération PS1 ou PS2, avec en prime des combats d'une intensité surprenante. Mais je n'ai pas du tout cru à l'univers ; les graphismes sont techniquement réussis mais artistiquement oubliables ; les dialogues et les cinématiques dégoulinent de niaiserie et d'exposition stériles ; l'histoire et les enjeux sont rachitiques, mal définis. Sympa, sans gros plus.
Verdict = ok
Note(s)
- ^ Présentation du Playstation Store.
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