Ghost of Tsushima : Director's Cut // L'extension « Île d'Iki » (PS5)
Par Pierre Compignie le mercredi 21 juin 2023, 15:30 - Critiques toute neuves
Développé par : SUCKER PUNCH (Washington)
Sorti à l’origine en : août 2021 (Europe, version PS5)
Comment j’ai pratiqué : Terminé en 15h45 en mode difficile (3 sur 4), sur PS5 avec la manette Dual Sense Edge. 60 images par secondes. Version 2.018. Mode visuel « performance ».
Une nouvelle histoire, de nouveaux mini-jeux, ennemis et bien plus encore.[1]
Qu’est-ce que j’ai pensé de cette extension, pratiquée sur PS5 alors que j’avais terminée la campagne principale sur PS4 ?
D’abord que c’est hyper joli. L’île d’Iki est proprement sublime, même si la façon d’évoluer au sein de cet environnement est toujours autant superficielle (téléportations à la carte, notre cheval nous rejoint instantanément n’importe où, nul besoin de se nourrir ou de trouver où dormir…). Le VG tourne à 60 images par seconde et ça j’adore.
L’histoire m’a paru courte et ne m’a pas franchement passionné. On a une nouvelle ennemie, une cheffe mongole appelée l’Aigle, mais il suffit de trois ou quatre missions pour en venir à bout.
Pire, sous prétexte que le héros Jin Sakai est empoisonné au début de l’histoire, on est régulièrement interrompu par des hallucinations et/ou des flashbacks, auxquels je n’ai pas trouvé le moindre intérêt. L’écriture joue beaucoup trop sur la culpabilité de Jin quant à la moindre personne qu’il n’a pas sauvée et ce genre de psychologie cliché de comptoir me gonfle. La culpabilité, c’est vraiment le sentiment humain surexploité par les scénaristes de VG depuis Silent Hill 2. Dès qu’un personnage doit avoir un conflit interne, on peut être sûr de ne pas y échapper.
Par ailleurs il y a une espèce de confusion entre magie et hallucination qui m’a perturbée. Parfois ce que voit Jin ne semble pas sortir que de sa propre psyché. Notamment son hallucination durant le combat de boss final, où il fait la paix avec son assassin de père ; on ne sait pas trop si c’est vraiment Jin qui se parle à lui-même ou si le fantôme de Kazumasa Sakai s’en mêle.
Et puis il n’y a pas vraiment de résolution par rapport au terrible traumatisme qu’a laissé Kazumasa Sakai sur l’île d’Iki. Okay son fils Jin combat avec les insulaires cette fois-ci, mais ça ne semble pas suffisant pour compenser le mal causé par son père (qui a massacré plein de gens).
Dans cette extension j’ai aussi fait l’expérience d’une quête secondaire ratée à 200%, du genre que l’on devrait montrer dans les écoles de game design pour expliquer ce qu’il ne faut surtout pas faire. Elle s’appelle « l’affliction du deuil » et son propos est de nous mettre, nous public ainsi que Jin, dans la position de devoir faire un choix terrible entre deux otages. L’idée des développeurs est de nous permettre de n’en sauver qu’un seul, afin que l’on ressente l’amertume et l’échec d’avoir sacrifié l’autre… Sauf qu’il y a un gros, gros bémol : manette en main, on peut sauver les deux, tout simplement parce que les développeurs ont suffisamment mal conçu leur situation de telle sorte que l’on peut parvenir à éliminer tous les soldats protégeant chacun des otages en très peu de temps, et donc sans leur laisser la possibilité d’en exécuter un des deux.
Mais ça à la limite, vous me direz c’est intéressant, permettre aux plus ingénieux, agiles et acharnés d’entre nous (car évidemment on peut recommencer à l’infini, ce qui est en soit problématique pour une scène tragique) de battre le destin ; sauf que les développeurs de SUCKER PUNCH ne voulaient pas cela. Ils voulaient leur scène tragique et plutôt que de se donner les moyens de concevoir leur séquence de façon à ce que le public ne puisse pas sauver les deux otages sous aucune circonstance, qu’ont-ils fait ? Je suis horrifié de l’écrire, mais voilà : ils ont fait en sorte qu’un des deux otages meure automatiquement lorsqu’on détache l’autre, et ce, même s’il n’y a plus aucun ennemi en vie à un kilomètre à la ronde. Oui vous avez bien lu, les développeurs ont tout bonnement triché. Si vous êtes trop fort pour leur séquence, ils sortent leur joker et font succomber le second otage instantanément sans aucune raison diégétique valable.
Franchement j’étais outré de voir ça. Je me suis dit que l’on voit ici la différence entre un développeur visionnaire comme Hideo Kojima, et des développeurs lambdas médiocres. Hideo Kojima n’aurait jamais laissé passer cela ; il aurait certainement fait une cinématique spéciale dans le cas où le public aurait réussi à sauver les deux otages.
Bon à côté de cela j’ai toujours bien aimé les combats. Ils sont rapides, satisfaisant et offrent de bonnes sensations à la fois visuelles tactiles. Ils reposent beaucoup sur notre capacité à déclencher parade et esquive au bon moment, c’est-à-dire juste au moment où une attaque est censée nous toucher. Les attaques ennemies peuvent être parées ou bien esquivées pour le plupart, mais certaines ne peuvent qu’être esquivées ; on les repère à un signal rouge. Sans dire que le système de combat est hyper profond, je trouve qu’il est toujours satisfaisant, bien plus par exemple que celui de Assassin’s Creed. Les combats ont quelque chose d’à la fois simple et addictif, ils sont toujours un plaisir à entreprendre.
C’est la grande qualité de Ghost of Tsushima, que l’on retrouve donc sans surprise dans cette extension. Cette version PS5 exploite les vibrations de la manette Dual Sense, mais pas toujours de façon pertinente. Les meilleures vibrations sont à mon sens celles que l’on ressent à dos de cheval ; chaque pas du cheval est retranscrit en une vibration différente selon la dureté du sol foulé. Donc on fait bien la différence quand on chevauche sur des rochers ou au contraire dans de la boue. La finesse est impressionnante. Mais à côté de ça, les vibrations en combat ne m’ont pas beaucoup fait réagir, et de nombreuses vibrations superflues se déclenchent pour appuyer la navigation dans les menus ou les divers remplissages de jauge dans l’interface : j’ai trouvé cela ridicule. Les vibrations devraient seulement exprimer les sensations du protagoniste, pas la navigation dans les menus… Il en résulte une manette qui vibre en permanence et donc des vibrations « légitimes » un peu perdues dans la masse…
Cette extension reprend les qualités évidentes de l'aventure originale : la beauté plastique de l'environnement et l'efficacité de ses combats, dont l'intérêt est à mon sens un cran au-dessus de la plupart des VG blockbusters à monde ouvert. On hérite par contre d'une histoire peu convaincante rythmée par des hallucinations qui ne cessent de couper l'action pour pas grand chose. Les 60 images par seconde sur PS5 sont un plaisir, mais la Dual Sense n'est pas toujours exploitée judicieusement. Une extension qui se laisse faire mais que j'ai moins appréciée que l'histoire principale.
Verdict = ok
Note(s)
- ^ Présentation du Playstation Store.
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