Assassin's Creed : Liberation | Remastered (PS4)
Par Pierre Compignie le mercredi 9 novembre 2022, 22:00 - Critiques toute neuves
Développé par : UBISOFT SOFIA (Bulgarie)
Sorti à l’origine en : octobre 2012 (Europe, version PS Vita)
Comment j’ai pratiqué : 28h sur PS5, avec la Dual Shock 4 accompagnée de sa fixation dorsale de commandes (très sympa pour éviter de maintenir la gâchette R2 en permanence)[1]
Nous sommes en 1765. Alors que les armées espagnoles tentent de prendre le contrôle de la Louisiane, Aveline, une femme Assassin déterminée, se soulève et combat pour sa terre et son peuple.
Explorez La Nouvelle-Orléans, majestueuse cité coloniale, de vastes marais ainsi que des ruines mayas.[2]
J’ai moyennement apprécié cet épisode. Par rapport au III la dramaturgie est moins intense. Connor était un personnage très fort, plongé au cœur de la tragédie d’un peuple. Il avait beau être invincible, on savait son combat pour la cause des indiens d’Amérique perdue d’avance. Il se battait autant qu’il pouvait mais son combat était voué à l’échec. Son plus bel accomplissement à mon sens est la construction du Domaine, une communauté autonome, heureuse et pacifique, porteuse d’espoir.
Liberation nous met dans la peau d’une nouvelle héroïne à la même époque. Surprise, c’est une femme, Aveline, de couleur par ailleurs. Cela change et je n’ai rien contre, cependant je ne l’ai pas trouvé intéressante. Au-delà de son sexe et de sa couleur de peau, c’est un personnage à qui il n’arrive pas grand chose et qui n’affronte pas de grande difficulté, qui n’essuie pas d’échec. Elle est invincible comme tous les Assassins… Malheureusement elle m’a un peu ennuyé. Même psychologiquement elle est fade et mal caractérisée, ses enjeux sont flous, un coup c’est une Assassin déterminée, un coup elle remet tout en question et semble n’avoir plus rien à fiche de rien, sans transition. Les grosses ellipses n’aident pas non plus à la comprendre, ni elle, ni le contexte et les enjeux.
C’était déjà le cas dans le III, mais la destinée tragique de Connor faisait oublier les détails difficiles à comprendre. Dans Liberation au contraire ils sont plus durs à accepter car le scénario est très pauvre à tous les niveaux. Je serais bien en peine de vous restituer l’histoire d’Aveline tant celle-ci n’a aucun liant, aucune structure ou progression.
Côté interactivité, plusieurs choses à dire. Les Assassin’s ont une dimension addictive qui me pose problème, personnellement mais pas que. Pendant un week-end je n’ai quasiment fait que pratiquer Liberation. On pourrait se dire wouah, j’ai me suis passionné, sauf que non, pas vraiment. Il y a juste une multitude de petites choses à faire, pas difficiles, pas compliquées, mais qui prennent du temps. Ce sont des petites tâches, des icônes sur la carte à rejoindre pour lancer une quête anecdotique qu’on terminera en cinq minutes ou juste un objet à récupérer. Ah ça il y a des tonnes d’objets à collectionner, soit à ramasser directement dans le décor, soit à dérober à des quidams signalés sur le GPS. Ce vidéogiciel est truffé de petites tâches à accomplir dans lesquelles je saute à pieds joints sans réfléchir. C’est ma malédiction. Je plonge dedans et me retrouve accro. Je n’arrive plus à décrocher de cette perfusion de défis. Il y a toujours cet enjeu en plus de tout trouver, tout terminer, tout réussir à 100%. C’est un game design assez particulier, qui vise moins la satisfaction profonde, l’enrichissement du public, que la capture pure et simple de son attention. J’ai passé trop de temps à courir après des objets qui au final se sont révélés complètement inutiles (ramasser les trésors pour trouver de l’argent, investir dans le commerce pour faire plus d’argent et pouvoir acheter de nouvelles armes… dont on peut 100% se passer pour terminer l’histoire).
Pourtant j’ai aussi du bon à dire sur le challenge proposé. D’abord j’ai apprécié la notion de « contraintes » pour chaque quête, secondaire comme principale. Par exemple, accomplir telle mission sans perdre de vie, ou une autre en abattant la cible avec un mousquet – c’est quoi, où je le trouve ? Ces contraintes sont censées nous rapprocher de la façon dont Aveline a réellement accompli sa mission historiquement. Elles nous imposent de nous intéresser au système d’interactions en profondeur, de laisser tomber l’approche superficielle pour maîtriser le truc à 100%. C’est grâce à ces contraintes que j’ai compris que je pouvais ramasser une arme tombée par terre et l’utiliser, que j’ai compris que je pouvais parer une attaque sans forcément lancer une contre-attaque vouée à échouer face à un boss… Ces contraintes apportent un intérêt à des missions qui sans elles n’en auraient que très peu, tant l’interface nous assiste (des icônes dans tous les sens à l’écran) et tant la survie simple ne présente pas de difficulté (ni en pugilat, ni en parkour).
Liberation est aussi l’opus dans lequel je pense avoir enfin compris le système de furtivité de la série. Le personnage a une jauge de « mauvaise réputation », si je puis dire. Au plus on effectue des actions suspectes (grimper sur les murs, attaquer des gens), au plus la jauge augmente. Et au plus la jauge est élevée, au moins les ennemis qui nous voient mettent de temps à nous attaquer. Car oui, quand un ennemi nous voit, il ne nous attaque pas instantanément, mais c’est juste une question de secondes, il faut se soustraire à sa vue le plus vite possible… et on a d’autant moins de temps pour cela que notre réputation est mauvaise.
Liberation a réussi à bien m’inculquer ces principes. Aussi parce qu’il innove un peu avec la notion des apparences d’Aveline. Aveline peut choisir d’apparaître en tant qu’Assassin (sa vraie nature, où son potentiel physique est pleinement libéré), en tant qu’Esclave (moins d’armes mais meilleure réputation) ou en tant que Dame (encore moins d’armes et impossible d’escalader, par contre réputation excellente). On devra donc se déguiser en Esclave pour pénétrer certaines zones interdites, et l’on aura ainsi l’occasion de mettre à l’épreuve le système de furtivité, ou plutôt d’hostilité à notre encontre devrais-je dire (mais qui dépend aussi du cône de vision des ennemis).
Je ne peux pas non plus ne pas parler de certains défis que j’ai trouvé super intéressants. La Dame par exemple, a pour objets à collectionner des broches serties. Ces broches sont à récupérer en « séduisant » (il y a une touche pour cela) des gentilhommes bien précis, que le GPS nous indique lorsqu’on passe près d’eux. Au début je soufflais et me disais que ça allait être encore un truc trivial où je serai censé courir aux quatre coins de la ville afin d’appuyer sur rond en face de chaque gentilhomme. Mais quelque chose n’allait pas. Pourquoi ce gentilhomme signalé comme porteur d’une broche par mon GPS se trouve-t-il sur un balcon impossible à escalader dans le rôle de la Dame ? Comment je suis censé l’atteindre ? Est-ce un bug ? Et bien non, stupeur, c’était justement le défi : arriver à atteindre des PNJ sur des balcons sans accès visible avec un perso incapable de la moindre grimpette ! Mine de rien j’ai bloqué un moment sur le premier d’entre eux !
Entre ça, les contraintes et le système d’hostilité-furtivité à maîtriser, Liberation a trouvé un certain intérêt à mes yeux, et puis je trouve toujours fascinant de me retrouver à une autre époque à bondir de toit en toit, à suivre un scénario moitié réaliste, moitié fantaisiste (les reliques de la Première Civilisation font une nouvelle apparition) et à enchaîner des combats à la violence aussi brutale qu’inconséquente (les massacres par dizaines à la machette n’enlèvent rien au badinage guilleret de l’héroïne avec son comptable). Assassin’s Creed navigue entre l’enrichissant et le régressif, en passant par l’insignifiant ; mais j’apprécie toujours de parcourir ses villes d’un autre temps, puis visuellement j’ai aimé suivre une femme à la silouhette plus fine et grâcieuse que le massif Connor.
Verdict = ok
Note(s)
- ^ Pour en savoir plus sur la fixation, c’est ici. Et à propos du temps à 28h, je me suis basé sur le compteur Playstation. J’avais mis précédemment 15h23, car c’était le temps compté par le VG lui-même, mais je pense qu’il ne tenait pas compte des rechargements et autres game over…
- ^ Présentation officielle recopiée d’un scan de la quatrième de couverture de la version PS Vita.
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