Sumatra : Fate of Yandi (PS5)
Par Pierre Compignie le samedi 28 mai 2022, 07:37 - Critiques toute neuves
Développé par : CLOAK AND DAGGER GAMES (Angleterre)
Sorti à l'origine en : mai 2019 (Europe, version PC)
Seul et perdu au milieu de la jungle après un terrible glissement de terrain, Yandi doit rentrer chez lui et retrouver son amie, Adiratna.
Mais dans l'immensité de cette forêt inexplorée et de ces terres désolées, il lui faut affronter bien des dangers et percer maints secrets.
Rejoignez Yandi lors de sa quête épique. Parviendra-t-il à survivre ?
CARACTÉRISTIQUES :
* Explorez une jungle haute en couleur et pleine de mystères
* Histoire intrigante au déroulement inattendu
* Aventure de style « pointer et cliquer » avec nombreuses énigmes à résoudre
* Multiples rencontres avec des humains, des animaux, des amis et des ennemis
* Bande-son originale de 30 morceaux[1]
Ce vidéogiciel est mon premier coup de cœur de 2022. C'est une aventure en pointer-cliquer réalisée avec peu de moyens puisque le studio CLOAK AND DAGGER compte seulement trois personnes. Les graphismes en pixel art (une jolie expression pour désigner à notre époque un style graphique volontairement rétro, c'est-à-dire revenu d'une époque où l'on ne pouvait pas faire mieux en terme de définition d'image) ne nécessitent évidemment pas le travail concerté de quarante studios répartis dans le monde (coucou la saga Assassin's Creed).
En voyant les premières images avec ces bonshommes représentés sans la moindre expression faciale, j'avoue que j'ai eu un peu peur que le récit soit très froid, dépourvu d'émotions. Et en fait pas du tout. Les développeurs se sont servi du texte pour donner beaucoup de vie et de cœur au héros et aux personnages ; ce qu'on ne voit pas sur leurs visages, on le capte dans les nombreux dialogues – Yandi le héros s'exprime d'ailleurs souvent tout seul, ce qui fait qu'on est toujours très proche de ce qu'il ressent, même si on ne voit pas son visage. Une façon de se rappeler que les vidéogiciels peuvent piocher dans la littérature s'ils n'ont pas les moyens technico-financiers de se hisser au niveau de représentation graphique du cinéma en prises de vue réelles.
Sumatra est pour moi un coup de cœur car il m'a profondément touché.
D'abord je suis totalement rentré dans l'histoire. Le challenge interactif est parfait, il est toujours logique, cohérent avec l'univers et ce que veut le personnage. Il n'y a pas une seule énigme hors-sujet ; non seulement leur nature s'inscrit dans l'histoire, mais aussi la façon de les résoudre et la difficulté qu'ils présentent. Aucune énigme ne repose, par exemple, sur la possibilité de pouvoir recommencer un nombre infini de fois après la mort du héros (là comme ça je pense à la dernière énigme de Necronomicon qui était un puzzle en temps limité avec game over et qu'on ne pouvait réussir que parce qu'on pouvait recharger sa sauvegarde, ce qui est extra-diégétique). Non, ici, on doit déployer les mêmes compétences que Yandi déploie, et quand il y a une action à faire en temps limité, c'est dans un contexte où il est logique que l'on puisse s'y reprendre autant de fois que nécessaire. Mine de rien, je n'ai pas souvent vu un tel soin dans l'intrication du challenge interactif et de l'histoire racontée.
Ensuite, les états émotionnels que traversent Yandi m'ont beaucoup parlé. Il y a ces flash-backs mélancoliques où il rejoue son histoire avec Adiratna, entre peur de ne jamais la revoir, regrets, tristesse de la laisser toute seule. Le morceau musical utilisé dans ces séquences, « Gone But Not Forgotten », est pour moi absolument remarquable... J'ai des frissons quand je l'écoute. Et puis il y a cette fin terriblement amère où, malgré sa survie et le succès de ses projets à la suite de son aventure (un livre et la création d'une réserve naturelle), Yandi apparaît brisé sur un plateau télé ; un moment fort grâce à la fois à un remix électrique du thème principal, un gros plan sur son visage et la coupure nette vers le générique de fin. J'ai senti que le pauvre homme a quelque chose de mort en lui, même s'il est sorti vivant de la jungle. On l'a vu très proche de son ami Ramdan, comme un frère pour lui. Sa mort au cours de leur périple est un déchirement qui marque Yandi à jamais.
Je trouve le thème principal, qu'on a entendu dès le menu et régulièrement au cours du récit sous différentes variations, entraînant et beau, lui aussi chargé en émotions. J'avoue que quelque part, j'étais déjà conquis dès le lancement du menu...
Enfin, je salue le portage du PC vers la PS5, pour un détail en particulier : la gestion du stick gauche. On pouvait penser que ce serait compliqué de déplacer un curseur avec un stick de manette en lieu et place d'une souris, il n'en est rien, et le déplacement du curseur avec le stick est étonnamment précis, sensible et confortable.
J'aurais pu vouloir de Sumatra une histoire plus longue, plus chargée en rebondissements, en aventure, des énigmes un peu plus folles, plus dures, épiques... Oui mais en l'état Sumatra m'a touché comme peu de vidéogiciels ont su le faire avant lui. Un grand bravo à CLOAK AND DAGGER GAMES, dont je ne manquerai pas de suivre la production.
Verdict = énormissime
Note(s)
- ^ Présentation de l'éditeur sur le Playstation Store
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