inFamous 2 (PS3)
Par Pierre Compignie le jeudi 9 septembre 2021, 20:39 - Archives
Un navet ?
Un boss supposément chaud, l'un des derniers du jeu. Une grosse bête qui lance de l'acide, des créatures et qui jouit du support d'un paquet de troufions, des créatures de base. Elle révèle ses points faibles régulièrement et il faut les shooter. Un peu par hasard, je me suis retrouvé debout sur un grillage, face au boss mais assez loin. J'ai réalisé qu'aucune de ses attaques ne m'atteignait et qu'aucun de ses sbires ne pouvait me toucher. Je suis resté là et j'ai shooté ses points faibles jusqu'à lui faire expulser son dernier jet d'acide.
C'est un exemple des limites évidentes du challenge proposé par inFamous 2. On est dans une ville ouverte. On incarne un "super-héros", qui peut tirer divers projectiles électriques (des balles, des grenades, des ondes de choc principalement), recharger à la fois sa santé et ses munitions un peu partout (sur n'importe quel objet électrique) et escalader TOUT. Il est aussi capable de grinder sur des câbles, ça va vite, et de planer un peu grâce… Euh, je sais pas. Il manipule l'électricité et il fait n'importe quoi avec, ça vous va comme explication ? Le jeu n'en a pas d'autres. Cole, puisque c'est son prénom, peut aussi se mettre à couvert (coucou le cahier des charges du TPS !).
Et il y a une attaque sautée aussi. Vous voyez quand on se jette dans le vide et qu'on appuie sur la touche de baston ? Et bien le personnage se met en boule et atterit par terre dans une explosion. Voilà je crois qu'on a fait le tour.
On a toutes ces possibilités et le jeu nous oppose, dans son grand environnement ouvert réaliste (une ville, New Marais), des ennemis qui nous tirent dessus et d'autres qui nous foncent dessus pour nous frapper. Alors on va se battre contre eux en utilisant chacun de nos pouvoirs au bon moment, dans une succession à la seconde près de choix cruciaux de nos possibles pour ne pas perdre notre progression juste et durement acquise… Non je déconne. Concrètement on va se battre comme un chimpanzé nourri aux TPS PS360 en intraveineuse en visant avec L1 et en spammant des projectiles avec R1. Quand ça chauffe pour notre gueule (= quand l'écran devient tout moche - gris, flou et avec des tâches de sang) on va foncer comme une poule sans tête à la recherche d'un lampadaire, boîtier électrique, n'importe quel objet avec du courant omniprésent dans le décor pour se regénérer et recharger nos munitions, pardon, notre barre de pouvoirs. Et si ça marche pas, ben on recommence 30 secondes avant…
Un mot pour qualifier le challenge d'inFamous 2 : approximatif. APPROXIMATIF. En majuscules c'est encore mieux, parce que ça sonne en moi comme un euphémisme. C'est un jeu auquel on joue à peu près n'importe comment sans qu'il n'y ait aucune conséquence. C'est un jeu qui donne à son personnage principal une palette bien précise de possibles et qui ne bâtit aucun challenge réfléchi pour que le joueur ait à l'exploiter intégralement de façon intéressante, c'est-à-dire avec une pression de tous les instants sur quelle est la meilleure chose à faire.
Dans le registre du lourdingue, j'ai trouvé l'escalade horrible. C'est simple, si le héros est capable d'escalader n'importe quel immeuble ou élément du décor, pour le joueur ça se résumera toujours à une séance de martelage du bouton saut même pas jolie à regarder (le héros enchaîne les "je saute, je m'accroche"), chiante et qui par-dessus le marché donne tout sauf l'impression d'incarner un super-héros. Pourquoi ne pas avoir donner au joueur la possibilité de faire des sauts électriques aussi hauts qu'il le veut selon la longueur de la pression sur la touche ? À la place on se retrouve avec un type qui escalade des murs de façon surréaliste car en enchaînant des sauts accrochés à la verticale, le truc qu'aucun humain n'arrive à faire, mais sans utiliser l'électricité ! Aberrant.
Autre élément bien lourdingue, le magnétisme. Cole, quand il saute, va automatiquement atterir ou s'accrocher à l'objet "collant" le plus proche. Je vous dis pas les crises de nerfs que ça peut engendrer quand on veut sauter dans une direction et que ce con de Cole s'accroche à droite parce qu'il y a un rebord à droite. L'illustration la plus explicite de ce phénomène c'est quand on cherche à sauter sur un tuyau électrique capable de nous propulser, depuis la rue, et qu'on n'y arrive pas parce qu'à droite ou à gauche il y a une prise à la con qui attire irrémédiablement Cole quand il saute vers le mur. Intenable.
Le système de karma vaut lui aussi son pesant de cacahouètes. On fait progresser notre karma dans une direction ou l'autre (bien ou mal) en accomplissant diverses actions dans la ville et en choisissant entre deux embranchements lors de missions principales et secondaires. Le problème c'est qu'on en arrive à des incohérences scénaristiques de folie.
J'ai choisi depuis le début du jeu de jouer au méchant. Je veux être le pire méchant possible pour débloquer les pouvoirs les plus puissants de la méchanceté. Alors, j'accomplis toutes les actions dans la ville que je peux pour augmenter mon karma négatif. Comme par exemple buter des flics qui apparaissent aléatoirement.
Donc je bute des flics. Je leur tire dessus à vue et je les achève vite fait bien fait. Et voilà qu'arrive THE cinématique, où Cole est face à un choix moral (© M. Trouduc, tous droits réservés), que dis-je un dilemne impossible : lancer un bus d'explosifs pour pénétrer dans une bâtisse au risque de tuer des flics ou trouver une autre solution pour les épargner ? HAN JE SUIS TIRAILLÉ.
Le pire c'est qu'on voit Cole hésiter ! Alors que je l'ai fait depuis le début du jeu tirer sur des flics à vue. Incroyable.
Ce qui est pathétique aussi c'est à quel point les choix que l'on fait pour le personnage apparaissent comme arbitraires dans le scénario. C'est-à-dire que le jeu fait son film, dans le sens où on a des personnages mis en scène, plein de dialogues etc. Mais quand on voit, sous notre impulsion, Cole décider de sacrifier des flics ou plus généralement de faire des conneries, on n'a aucune justification pour ce comportement. Pourquoi le héros est "méchant" ? Question qu'on pourrait se poser dans n'importe quel récit qui prétend l'être. Et bien inFamous 2 ne répond pas à cette question, et préfère laisser entendre "parce que le joueur en a décidé ainsi". inFamous 2 cherche à faire de la narration cinématographique, il cherche également à faire choisir le joueur et plus généralement le laisse faire ce qu'il veut dans la ville, dont les pires exactions, mais ne va pas jusqu'au bout. Moi je balance une voiture sur des flics avec mes pouvoirs, j'attends pas que dans la cinématique suivante Cole soit pas sûr de sacrifier des flics, ou même n'apparaisse pas comme le psychopathe qu'il est quand je le dirige manette en main.
J'aurais aimé trouver quelque chose de positif à dire sur le jeu. Il se laisse faire, il est prenant voire chronophage grâce à ses mécaniques cyniques de complétion (objets à trouver, missions secondaires, pouvoirs à débloquer)… comme tout AAA médiocre de sa génération. Plongez-le dans l'eau.
Verdict = dispensable