Tomb Raider | GOTY Edition (PS3)
Par Pierre Compignie le jeudi 9 septembre 2021, 05:51 - Archives
Jeu terminé en difficile à 100%.
D’ailleurs le 100% je l’ai atteint grâce à la possibilité qu’on a de continuer à jouer sur l’île après le générique, alors même que scénaristiquement ça n’a aucun sens. Voilà, j’ai à peine commencé mon texte et je me retrouve déjà à descendre le jeu sur un détail. Le problème c’est qu’il n’y a que ça dans le jeu, il n’y a que des détails qui fâchent.
Au cours de l’aventure, Lara peut revenir dans des lieux traversés au préalable et dorénavant inaccessibles… en se téléportant à partir de feux de camps. Pour récupérer des objets à collecter ou à fracasser, complètement secondaires, alors que… dans l’histoire elle est dans une logique d’urgence. Allez comprendre. Il y a une compétence qu’on débloque à coups de points d’expérience pour récupérer ses flèches sur les cadavres. Genre Lara Croft, si elle n’a pas encore tué assez de gens, et que le joueur a pas encore décidé d’investir dans cette compétence là et pas une autre, elle est pas capable de récupérer ses propres flèches sur les corps.
Repenser à ce jeu me déprime, il est tout ce que je déteste. Ils ont voulu faire de Lara soit disant une personne normale, esthétiquement on sent l’inspiration du film The Descent, mais s’ils étaient allés au bout de cette inspiration et mis en scène un personnage vraiment banal, avec tout ce qu’elle se prend dans la gueule dès le début elle serait pas autant préoccupée par le destin de son groupe de potes. Le premier film The Descent, l’héroïne laisse une de ses amies pour morte. Mais dans Tomb Raider, non, on est dans le bisounours : le groupe de potes est soudé, y’a pas de mesquinerie entre eux, pas de rancœurs enterrées qui referont surface. Lara ne les abandonnerait jamais même au péril de sa vie. Quelque part l’ultra individualiste qu’on côtoyait dans les premiers épisodes de Core Design était bien moins super héroïne que cette nouvelle jeune femme.
Elle fera tout le jeu avec les mêmes vêtements trempés, sales, alors qu’elle pourrait récupérer des manteaux et même se changer à chaque ennemi abattu. Elle saute comme un cabri alors qu’elle se fait une blessure grave dès le début de l’histoire (elle s’empale sur une tige en métal), blessure qui devrait logiquement se rouvrir à chaque fois que son corps est mis à l’épreuve. Et Lara de se vider de son sang. Mais non, et pour le joueur c’est aussi extrêmement facile. C’est-à-dire qu’on ne loupe aucun saut, pire, on a un contrôle en l’air du corps de Lara surréaliste. Il m’est justement arrivé de louper un saut, parce qu’en arrêtant de maintenir le stick vers le haut Lara s’est arrêtée net en plein vol (enfin presque) et bien sûr elle est tombée sans arriver à sa destination. Donc en fait les développeurs ont créé un système de jeu où t’as encore autant de pouvoir que ça sur le saut de Lara alors qu’elle a déjà bondi. Dans les vieux TR de Core Design, une fois que t’avais bondi, tu pouvais pas raccourcir ou rallonger le saut, ce qui est complètement logique. Ici on prétend faire une Lara plus humaine alors que manette en main c’est justement l’impression inverse qui prédomine.
Avant, on devait soigner les blessures de Lara avec des trousses de soin. Ici, quand elle est blessée (pendant les combats bien sûr, pas en cinématique) l’écran se dégrade et il faut qu’elle reste quelques secondes à l’abri pour se soigner toute seule. Sincèrement, comment on peut prétendre les yeux dans les yeux vouloir faire de Lara un personnage plus humain et à côté passer d’un système somme toute assez crédible à l’auto-régénération du bouclier de Halo ? Je sais pas, ça me dépasse.
Un autre détail assez choquant, c’est que Lara ramasse plein, plein de choses alors qu’elle n’a aucun sac où les ranger. Pire, on ose nous montrer ça en cinématique ! Avec Lara qui ramasse un objet, le met dans son dos et après il n’y a rien dans son dos. C’est une insulte. Dans les vieux Tomb Raider tout moches et pas avancés techniquement, Lara faisait mine de mettre la relique dans son sac à dos en cinématique. Y’a une régression, quoi.
Les séquences de plate-forme, sauts + escalades, se jouent en pilote automatique, il n’y a aucun intérêt à ces séquences. Les combats m’ont paru anecdotiques, c’est du TPS à couvert avec un peu plus de corps à corps que la moyenne et des niveaux qui parfois donnent la possibilité de « nettoyer » une partie de l’arène discrètement, c’est-à-dire sans que tout le monde nous voie et se mette à nous tirer dessus. Mais y’a rien qui m’a marqué dans ces combats. Peu de temps après j’ai joué Uncharted 3 en difficile aussi et j’ai trouvé dans les fusillades une vraie compétence de visée et un peu de tactique demandés au joueur par exemple. Ça a fait une impression sur moi. Alors que les affrontements de Tomb Raider n’en ont fait aucune.
Je me suis déjà exprimé un petit peu sur le scénario ; pour aller plus loin, c’est lamentable. Les dialogues sont pas crédibles, les personnages sont des stéréotypes ambulants, le traître tu le repères dès le début… Ça fait de la peine.
Ce jeu c’est un peu tout ce que cette génération fait de pire : sacrifier la diversité des genres au profit du tout action (j’ai oublié, il n’y a aucune exploration dans ce jeu étant donné qu’on est équipé d’une carte GPS et qu’on peut faire apparaître à tout moment une colonne de lumière qui monte jusqu’au ciel depuis l’emplacement de notre prochain objectif - ça plus la progression en ligne droite), complètement négliger les détails qui font la crédibilité d’une œuvre, un scénario pathétique, un jeu à la manette qui jure constamment avec ce qu’on voudrait nous raconter dans les cinématiques… Je trouve pas les mots pour dire combien je conspue ce produit.
L’édition jeu de l’année ajoute un tombeau secondaire à l’aventure, malheureusement aussi bref et oubliable que les autres.
Lara Croft, repose en paix.
Ci-dessous des impressions publiées sur mon blog de Gameblog.
Voici mes impressions à 75 % de l’histoire avec toutes les zones précédentes faites à 100 % jusque là.
Alors oui il faut savoir que le jeu est divisé en zones. Le jeu se passe sur une île, sans temps de chargement, mais les zones sont fermées entre elles. La première fois qu’on passe de l’une à l’autre ça se passe dans une cinématique ou dans un niveau de transition qui après n’est plus accessible. Retenez ça : plus accessible. On ne peut plus revenir en arrière quand on avance quand systématiquement le chemin qui nous a conduit jusque-là n’est plus valable, soit il est détruit, soit c’était une chute, etc.
Avant de poursuivre ce point de l’inaccessibilité des zones traversées précédemment, il faut savoir que Tomb Raider est né d’une partie fine entre Uncharted 3, Far Cry 3 et Tomb Raider Legend (qui les a rejoint sur le tard, mais qui a quand même participé). Ce n’est donc pas une surprise quand un quart de l’aventure principale se résume à pousser le stick vers le haut dans des fausses cinématiques impossibles à distinguer des vraies, ou quand les zones évoquées plus haut vomissent des quêtes annexes au kilomètre.
À ce moment précis vous pouvez me demander : « mais comment je vais faire si j’ai avancé dans l’histoire et que je n’ai pas le 100 % dans toutes les zones que j’ai traversé et qui sont maintenant inaccessibles ? C’est vrai, je veux mon 100 % moi. » Et comme je vous comprends ! Moi-même je ne résiste pas quand on me lance un défi, et Tomb Raider, on peut dire qu’un bon pourcentage de son challenge n’est que parallèle à l’histoire (du scénario).
Rassurez-vous ! Papa Far Cry 3 a pensé à tout, il n’a pas oublié d’inclure les voyages rapides à des feux de camp ! Feux de camp dont la présence viendrait à me questionner sur l’éventualité d’une participation de Red Dead Redemption… Déjà dans Far Cry 3 le principe était bien parce qu’on pouvait se téléporter de n’importe où, n’importe quand à l’autre bout de l’île mais ici c’est encore plus utile puisque sans le pouvoir magique des feux de camp téléporteurs on ne pourrait plus faire rebrousse-chemin. Les niveaux de transition ont cette fâcheuse manie d’avoir une haute tendance au suicide sur le passage de Lara…
Lara qui va littéralement faire tout péter sur son passage. Le quart de l’aventure principale qui consiste à pousser le stick gauche vers le haut comprend, en plus de fausses cinématiques, des… courses dans des couloirs ! Qui s’effondrent, explosent, brûlent, sont déchiquetés par le feu nourri d’une mitrailleuse fixe – rayez la mention inutile. Sachez cependant que les quatre propositions peuvent être vraies en même temps.
Les couloirs qui pètent de partout et qui s’effondrent, ça doit faire bander juteux les développeurs. Ce sont de grands moments de non-jeu, exutoires de cinéastes technophiles frustrés de ne pas bosser sur un film de Michael Bay, où on peut facilement mourir de façon arbitraire, parce que les rares obstacles forcément mortels ne sont pas lisibles et doivent s’apprendre par l’échec.
Les gens qui pourrissent Heavy Rain sur son parti pris QTE, vous allez vous en donner à cœur joie sur Tomb Raider.
L’aventure principale, si on exclue le quart de séquences à un ou deux boutons (plus QTE), ça doit représenter 30-20 % du challenge proposé par le jeu. Le reste dans les annexes qui n’ont RIEN à voir avec l’histoire. Je mets rien en majuscules, mais une annexe peut-elle, par son statut d’annexe, de facultatif, avoir quelque chose à voir avec l’histoire « scénarisée » ? J’en doute très très fort, à part si elle a une place bien précise dans la dite histoire. Par exemple, dans Yakuza 4 quand le personnage a du temps devant lui. Là dans Tomb Raider les annexes sont une COMPLÈTE négation du scénario, complète parce que sur un nombre d’aspects considérables. Faut que je fasse une énumération.
-
Pas raccord avec le scénario puisque Lara est constamment dans une situation d’urgence.
-
Pas crédible puisque ça fait appel à la téléportation.
-
Pas crédible parce que Lara ramasse quantité d’objets (notamment des reliques) alors qu’elle n’a aucun sac sur elle.
-
Pas pertinent puisque l’enjeu du 100 % pour le joueur est complètement à côtés des enjeux de Lara Croft présentés par le scénario. À CHAQUE fois qu’on s’investit dans une annexe, on sort de la peau de Lara. Et c’est quand même une sacrée aberration quand on entend le producteur se préoccuper de la synchronisation émotionnelle du joueur avec Lara pour justifier les QTE. JOUE À TON PUTAIN DE JEU, MEC.
Le scénario est minable. Ils ont massacré le personnage de Lara Croft en en faisant une jeune femme banale, et quand je dis banale ça veut dire en fait « pas caractérisée ». Lara Croft, c’était qui ? Une bombe sexuelle d’une trentaine d’années, au parler distingué, athlétique et violente, du côté des gentils mais souvent ambiguë, distante, lointaine au fond. Elle vivait avec son majordome dans une sorte de palais et passait sa vie à explorer des tombes. Un personnage un peu abstrait, certes, mais qui avait de la gueule.
Qu’a fait l’équipe de ce personnage ? Ils ont viré tout ça. Ils ont viré les seins, ils ont viré sa façon de parler, ils ont viré tout ce qui faisait d’elle ce qu’elle était. Elle ressemble à n’importe quelle autre jeune femme de son âge un peu sexy. Ils ne sont pas parvenu, en la recréant, à lui donner du corps, dans les deux sens du terme : à la fois « un » corps, qu’on peut facilement distinguer des autres, et tout ce qui fait qu’un personnage évoque un être humain, ce qu’on appelle la caractérisation. On sait même pas la maison où elle habite la nouvelle Lara.
Par contre, c’est encore plus qu’avant un être humain aux capacités athlétiques (escalade) et au métabolisme complètement craqués voire arbitraires. Par exemple à un moment de l’histoire, Lara doit soigner sa blessure. On est au tiers du jeu, elle l’a depuis le début mais jusqu’à maintenant ça ne l’a pas empêché de courir et de sauter comme un cabri.
L’aspect survie revendiqué par le produit ne se traduit jamais dans le jeu. Comment évoquer, ne serait-ce que partiellement, ce que ça fait de survivre, quand : on est protégé des chutes par des murs invisibles, on se régénère automatiquement quand on se fait tirer dessus (pas quand on se blesse en cinématique, là ça marche pas), on peut se téléporter et que la plupart des situations périlleuses se règlent en poussant le stick gauche ou via le même QTE facile tout le long du jeu ? COMMENT ?
Bande d’imbéciles. Alors oui, quand on met le jeu sur pause, une personne qui voit la télé pourra penser qu’il s’agit d’un film de survie ou d’horreur, tendance documentaire amateur avec le type qui tient la caméra pas capable de garder l’objectif propre une seconde, parce qu’esthétiquement on retrouve les codes de ce genre (du sang, des blessures, de la boue, un personnage fragile et des intempéries) et les situations : traverser un vide sur un rondin de bois, faire face à des autochtones sanguinaires, se déplacer dans un temple avec une torche enflammée… Mais manette en main, ce n’est pas du tout retranscrit.
On n’a à se préoccuper de rien dans ce jeu, à part de suivre un putain de couloir et de gérer l’auto-régénération dans les combats. Ils ont même bazardé l’exploration et la réflexion avec le système « d’instinct de Lara » qui met en surbrillance tous les objets avec lesquels interagir (Hitman Absolution a dû s’infiltrer et mettre un petit coup dans le tas) et, bien sûr, le bon vieil INDICATEUR D’OBJECTIF. Bravo la survie, bravo l’exploration, ça fonctionne bien les potes.
Maintenant si on veut parler des annexes… Elles sont divisibles en trois catégories. Première, la collecte d’objets dont on aura auparavant fait apparaître la position sur la carte de Lara (qui ressemble plus à un GPS mais on n’est plus à une incohérence près) en ramassant une carte au trésor. L’héritage de Far Cry 3. Deuxième, la collecte ou destruction d’objets n’apparaissant pas sur la carte mais en surbrillance avec l’instinct. Problème, l’instinct ne fonctionne qu’en étant immobile. Donc ça consiste à faire cinq mètres, s’arrêter, appuyer sur L2, tourner la caméra pour chercher l’objet puis recommencer. C’est passionnant. Troisième, les « tombeaux facultatifs ». Ils portent bien leur nom. On retrouve ici le legs de Tomb Raider Legend, à savoir des énigmes légères et (très) brèves basées sur la physique.
Verdict = dispensable