The Vanishing of Ethan Carter (PS4)

2020

Les décors de ce jeu sont magnifiques à tomber par terre. C’est la nature, de vieilles maisons autour d’un barrage, des bois, des clairières, un soleil bas. Les effets de lumière sont pas loin du féerique. Vraiment c’est remarquable.

Je suis moins fan du jeu dans son ensemble.

Rarement un genre aura plus mal porté son nom que celui du walking simulator. Pour moi un simulateur de quelque chose c’est une abstraction de cette chose de manière à te faire vivre une expérience évocatrice. Par exemple, un flight simulator c’est un jeu qui te donne à vivre l’expérience d’un pilote d’avion. Évidemment chaque artiste va retenir quelque chose de différent de l’expérience de pilote d’avion, donc on aura plein de simulateurs différents. Mais l’idée est de nous donner à ressentir quelque chose du pilotage d’un avion.

Maintenant le genre du walking simulator désigne bizarrement des jeux qui ne simulent en RIEN la marche ou la randonnée. Ce sont des jeux où l’on incarne en vue subjective un protagoniste qui n’apparaît jamais à l’écran. D’où la difficulté de s’imaginer incarner réellement quelqu’un et non une caméra flottante. Ce sont des jeux où l’interaction est limitée à se déplacer dans l’environnement et à activer des choses dans le décor avec une touche d’action.

Moi j’appellerais plus ces jeux des museum simulators, dans le sens où ils se présentent avant tout comme des galeries à parcourir, un décor figé dans lequel déambuler, avec par moment un bouton à actionner pour qu’il se passe des trucs derrière une vitre – ou un mur invisible. Un décor figé et rarement super crédible car plein de murs invisibles assimilables à des cordons de sécurité interdisant l’accès aux coulisses. Un décor figé anti-immersif car sans interaction physique possible avec lui : on ne peut l’escalader, on ne peut sauter dessus, on ne peut le détruire ; on ne peut que l’observer, pas y toucher, comme au musée. Et comme un musée, c’est une nature morte : aucune vie en son sein. Enfin dans un musée il y a d’autres gens… Empty museum simulator, alors ?

Et puis quand on a joué à Death Stranding on sait ce que c’est qu’un vrai walking simulator. Et on sait que Vanishing n’en est pas un.

Ce qui m’a gêné dans Vanishing :

  • tout le jeu je suis en décalage avec le héros car si je connais son nom je ne sais pas pourquoi il recherche Ethan Carter, je ne connais pas sa profession et je ne sais pas le quart de ce qu’il sait au vu de la teneur de ses interventions vocales régulières au cours du jeu, il est mystérieux (« je sais que ce sera ma dernière affaire » dit-il au début), il parle mais trop peu = impossible de s’attacher et être en empathie avec lui ; évidemment ne pas le voir n’aide pas

  • un énième jeu qui prétend être une « expérience narrative » alors que le pire des AAA a mieux compris ce que c’était ; l’histoire de Vanishing c’est une caméra flottante qui traverse un village, reconstitue des meurtres et lit des documents qui traînent ici et là sans raison ; les développeurs considèrent leur jeu comme une expérience narrative parce que ce qu’on y observe – les meurtres et les documents – sont censés être une histoire. Sauf qu’au musée tous les objets qu’on observe ont aussi une histoire ; est-ce qu’aller au musée est une expérience narrative ? Pas pour moi.

  • Avec cette erreur de jugement, ils ont oublié de bâtir un réel scénario à leur jeu qui soit autre chose que la traversée d’un musée. A vrai dire il y avait le potentiel pour raconter une enquête en bonne et due forme, où indice A mène à indice B qui mène à révélation 1, etc. Ici non, il s’agit d’un parcours semé d’énigmes et de meurtres, qu’on peut entreprendre dans n’importe quel ordre et même rater mais auxquels il faudra forcément revenir pour débloquer la sortie. Gros loupé aussi au niveau du personnage principal dont on ne partage pas l’intériorité.

  • En soit résoudre les meurtres et les quelques énigmes du jeu n’est pas franchement déplaisant, même s’ils sont englués dans de très longues phases de déplacements ennuyeuses au possible ; pendant un temps les meurtres, même si répétitifs, posent des enjeux : pourquoi la famille d’Ethan se retourne-t-elle contre lui ? Quelle est la force maléfique à l’œuvre ? Ethan va-t-il parvenir à s’enfuir avant d’y passer lui aussi ? Peut-on espérer que notre perso ait un rôle à jouer ou arrive-t-il trop tard ? Malheureusement chaque meurtre se répète par rapport au précédent, il s’agit toujours d’un membre de la famille d’Ethan « gentil » contre un membre de la famille d’Ethan « méchant », même si on nous dit qu’ils tous été contaminés par la force maléfique (alors pourquoi des gentils et des méchants dans ce cas?) ; au final il n’y a pas vraiment de progression dramatique entre les meurtres. Ludiquement les meurtres et énigmes sont assez faciles à résoudre, comme souvent la principale difficulté est de trouver chaque élément interactif dans l’environnement, une fois ceci fait ça roule.

  • Dommage que les intérieurs des deux premières maisons soient copiés-collés

  • La fin est une arnaque intégrale. Non seulement elle nous dit que tout le jeu était un rêve mais en plus elle n’a pas de sens en soit ; on est censé avaler qu’un gamin en train d’être asphyxié par de la fumée imagine toute cette histoire pour s’aider lui-même à se laisser mourir ? Un peu de sérieux…

Découvrir au début comment le jeu fonctionne (la première énigme, le premier meurtre), explorer l’environnement très vaste (qui reste cependant un parcours avec goulots d’étranglement), résoudre les meurtres et progressivement comprendre ce qu’ils signifient (même si ça ne va pas plus loin que ce que j’ai énoncé plus haut), c’était sympa quand même. C’était moins laborieux qu’un jeu comme Ether One, moins éparpillé, plus simple et esthétiquement beaucoup plus sympa. Mais Ether One avait pour lui son challenge et ses énigmes de maboule (et ses bugs de progression).

Ethan Carter reste pour moi une déception, un jeu inabouti à la fin proprement indigne.

Verdict = ok

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