Assassin's Creed : Revelations (360)

J'ai joué à tous les épisodes précédents sur Playstation 3. Revelations sur 360 est d'abord pour moi une agréable surprise graphiquement. Les visages sont plus réussis qu'avant, les décors plus riches et plus colorés. Même le frame-rate est meilleur. Je préfère aussi le contrôle de l'assassin à la manette 360 : le stick gauche, résistant, avec une course un peu plus longue, donne plus de résistance, de poids et de précision au déplacement du personnage. Une lecture du face-off de Digital Foundry sur le jeu nous apprend que Revelations est effectivement un bond technologique pour la saga. Je l'apprécie d'autant plus que ma transition de la PS3 vers la 360 est à son avantage (une transition le temps de cet épisode seulement : les suivants jusqu’au IV m’attendent sur PS3).

Jusqu'à présent je n'avais fini aucun épisode de la série à 100%. C'est chose faite avec Revelations (en omettant les 100% de synchronisation dans les missions, faut pas pousser). Ce titre fait partie de la nouvelle vague de jeux à monde ouvert Ubisoft dits communément « pas trop trop chiants à compléter à fond ». Si les tâches répétitives et pas très intéressantes sont toujours là, elles sont à la fois plus faciles et moins longues à terminer. Exemple, la collecte de 100 « fragments d'Animus » (qui remplacent les drapeaux) : les premiers cinquante on doit les trouver soi même, mais, spoiler, les développeurs nous font cadeau d'une carte sortie de nulle part indiquant l'emplacement des cinquante derniers. Comme ça, après le cinquantième ramassé. Très bonne surprise, qui donne aussi l'impression d'avoir déniché un secret du jeu, j'ai bien aimé. Quant aux missions génériques d'assassinat, de factions et de divers PNJ des anciens épisodes (bien lourdingues et sans intérêt) elles sont remplacées ici par deux missions scénarisées pour chaque apprenti assassin que l'on recrute et forme. Les missions de faction se limitant au nombre de… deux. Pas mal, non ?

Alors, quand même un mot sur ces annexes innombrables. Bien que dans l'ensemble, je trouve cela agréablement délassant de m'y investir bercé par la musique de Jesper Kyd, rassuré par leur nombre limité et du coup la réelle possibilité de toutes les faire (on peut envisager la satisfaction de tout accomplir sans se décourager), attendri par un Ezio sage et vieillissant dont c'est la dernière aventure, puis charmé par les déambulations dans cette Constantinople plutôt jolie, je n'ai pourtant que peu de doutes sur un certain cynisme à l'origine de ces quêtes. Je pense qu'elles sont conçues et réfléchies, certainement à l'aide des sciences cognitives, pour nous rendre accro au jeu. Parce que je me sens accro à Revelations, j'ai tout le temps envie d'y jouer et quand je me lance j'y passe facilement plusieurs heures sans m'arrêter, en oubliant de faire des pauses, de boire, de m'étirer, etc. J'ai médité sur les raisons qui me faisaient être scotché à ce jeu, et je pense avoir un début de piste.

Cela vient à mon sens du fait que l'on est plongé dans des enjeux multiples et au long cours. C'est-à-dire que contrairement mettons à un jeu comme Rise to Honour que je fais en ce moment en parallèle, jeu d'action cinématique « classique » où l'on enchaîne les chapitres linéaires, on ne ressent pas dans ACR une satisfaction profonde régulièrement. Quand on termine un niveau de jeu d'action, on a terminé quelque chose. On a accompli notre objectif, on a donné une issue à notre enjeu. Ce n'est pas le cas dans Revelations. Dans Revelations, voici mes enjeux : trouver tous les fragments d'Animus, réparer toutes les boutiques, acquérir tous les monuments, trouver toutes les clefs de Masyaf, terminer les défis de chaque faction, emmener mes douze assassins au rang de maître, terminer tous les lieux secrets, acheter toutes les armures, armes et livres, terminer les défis des bombes. Autant d'enjeux auxquels je pense et travaille en permanence quand je joue, mais qui ne se solderont qu'au terme de plusieurs dizaines d'heures. Vous voyez où je veux en venir ? Je pense que cette dimension d'enjeu dans la durée provoque en partie mon addiction, cette volonté de toujours jouer. Car finalement en une partie je ne suis pas satisfait ; j'ai progressé, certes, je le vois au nombre de fragments ramassés, au nombre de défis complétés, ce qui m'encourage à poursuivre, mais rien n'est clos. Tout reste en suspens. Tout attend encore ma prochaine partie pour peut-être, enfin, aboutir, ou du moins encore me rapprocher de l'aboutissement.

Après je n'en veux pas trop trop au jeu pour cela, car Revelations se montre moins gourmand en temps de joueur que les précédents épisodes. Il se montre plus facile à conquérir, plus rassurant. Et surtout, dans l'activité finalement presque secondaire qui consiste à vivre son scénario principal, il ménage des moments qui donne un peu de sens à cette entreprise de complétion massive. Je suis assez touché par la suite de l'histoire d'Altaïr (héros du premier volet), qui trouve en tant que guest de Revelations une épaisseur dont il n'avait pas bénéficié dans le premier volet. Altaïr est confronté, après l'assassinat « juste » du mentor Al Mualim, à une scission dans sa confrérie et à la haine de Abbas, assassin incapable d'assumer la trahison de son père qu'Altaïr lui avait précédemment révélé. S'en suivent divers événements tragiques pour Altaïr, liés à la Pomme d'Eden et à la convoitise maladive qu'elle suscite. La mise en scène cinématographique de la série est toujours un peu à la rue, dans ses choix d'ellipses notamment, incompréhensibles (l'exil d'Altaïr et le fait qu'il y mette un terme, pas du tout expliqué ; le pique-nique d'Ezio avec Sofia où le jeu refuse tout bonnement de mettre en scène un moment de séduction complice). Mais la force du récit est là, j'ai plaint Altaïr et j'ai accroché à ses péripéties à Masyaf. Le regard bienveillant qu'Ezio pose sur son ancêtre, les comparaisons qu'il fait entre eux deux le rendent lui-même plus attachant.

Je dois dire qu'en terme de complétion j'ai vu pire, plus aride humainement et moins satisfaisant. Exemples, les armes achetées se déposent sur de jolis présentoirs dans notre repère. On ne fait pas que cocher les éléments d'une liste, on remplit aussi les emplacements d'arme vide dans notre repère. Les lieux secrets sont des tombeaux tourmentés à la Tomb Raider, de grands et jolis espaces sous-terrains plus ou moins naturels (parfois complètement illogiques par rapport à la trappe d'entrée) à escalader de long en large (certes sur un parcours arbitraire ultra balisé ; AC reste AC) pour retrouver une clef de Masyaf cachée contenant les souvenirs d'Altaïr… Et comment ne pas citer cette mission d'entraînement d'un de nos assassins où ce dernier tue par erreur un innocent ? Dans mon esprit c'est la première fois que les jeux nous exposent la dimension dérangeante du groupe secret pour qui l'on prend parti : ces gens tuent et parfois cela peut tomber, accidentellement certes mais tout de même, sur un ami, de la famille ou notre voisin de palier. La façon dont Ezio et son apprenti gèrent ce méfait est elle aussi curieuse : Ezio ordonne à son apprenti de méditer sur son erreur ; l'apprenti répond qu'il œuvrera chaque jour de sa vie à se rappeler de son erreur. Cela est-il suffisant ?

Une autre quête annexe consiste en cinq niveaux de type « puzzle de plate-formes en vue à la première personne » dans les recoins informatiques de l'Animus. On se balade donc des environnements épurés, propres, assez fascinants, où à mesure que l'on progresse Desmond se remémore en voix off son enfance, comment il a fui son village d'assassins, comment il prenait ses parents et leurs amis pour des hippies et comment il a finalement regretté son émancipation le jour où les templiers lui sont tombés dessus. Là encore, la musique planante de Jesper Kyd ajoute beaucoup au plaisir de parcourir ces niveaux à la fois abstraits par le design et introspectifs pour Desmond.

Voici pour informations les enjeux « annexes » que je n'ai pas réussi à accomplir et ai abandonné :

- trouver la citerne de YEREBATAN ; je connais son existence parce que le menu ADN m'indique qu'il me manque trois trésors dans ce lieu secret, de plus dans la base de données des lieux de Constantinople il me manque bel et bien une entrée ; je ne sais pas comment accéder à cet endroit, ni où il se trouve ; malgré toutes les quêtes accomplies aucune nouvelle icône sur la carte n'est apparue

- le défi effectuer un plongeon d'au moins 30 mètres ; j'ai déjà sauté dans l'eau de plus de 30 mètres de haut je pense, et même effectué un saut de la foi dans l'eau de plus de 30 mètres dans un des lieux secrets ; pourquoi le défi ne s'est pas validé reste un mystère

- le défi fabriquer une bombe avec chaque agent actif ; même incompréhension, j'ai bel et bien fabriqué une bombe avec chacun des 10 agents actifs du jeu mais le défi ne s'est pas validé ; après avoir essayé les combinaisons de chaque capsule avec chaque agent actif sans plus de succès j'ai laissé tomber

- le défi réaliser 10 séries de cinq assassinats au moins ; j'en suis à 7/10, mais dorénavant dans la ville la moitié des soldats sont des janissaires qui ne peuvent pas être tués en un coup, rendant à mon sens impossible une série de cinq assassinats ; je pourrais probablement trouver une mission à rejouer dans laquelle les ennemis ne sont pas des janissaires mais j'ai la flemme de cela, maintenant que j'ai terminé le scénario

- trouver tous les trésors ; je n'ai même pas cherché, les trésors donnant de toute façon qu'une maigre quantité d'argent et d'ingrédients pour les bombes, consommables que l'on trouve sur chaque cadavre de toute façon

Je n'ai bien entendu utilisé aucune aide ou soluce en jouant (cela me gâche le plaisir).

La fin du scénario offre une jolie conclusion à Altaïr, un peu moins à Ezio et Desmond : ces deux-là entrent en contact on ne sait trop comment (pas sûr que ce soit une métaphore), on nous parle de Nexus temporel, les trois personnages de l'ancienne civilisation réapparaissent pour nous raconter un peu plus de charabia qui ne font que poser de nouvelles questions de compréhension… C'est un peu décevant. Par contre, choix de mise en scène intéressant, les développeurs nous gratifient d'une cinématique en images de synthèse pour représenter un cataclysme survenu on ne sait où, peut-être très loin dans le passé de la terre, ou bien sur une autre planète. J'ai adoré ce changement de représentation 3D, libéré des limites du moteur 3D du jeu. On se serait cru à la bonne vieille époque PS1 où les univers trouvaient une nouvelle vie lors de l'apparition des cinématiques. J'aime beaucoup cela. La musique de Jesper Kyd durant cette cinématique était très jolie, mais là encore la cinématique en elle-même reste cryptique et c'est très difficile de voir où les développeurs veulent en venir. Cette fin ambiguë et peu courageuse me laisse le goût amer d'un constat triste sur la méta-histoire d'Assassin's Creed : peu importent au fond ses rebondissements et ses enjeux, on peut être sûr que le gros de chaque jeu futur sera de nouveau d'incarner un assassin dans une époque passée avec ses propres enjeux, et la méta-histoire se trouvera toujours réduite à une portion congrue de début et fin de jeu, avec des rebondissements et révélations n'ayant finalement aucun impact sur la saga. Car la saga n'a pas besoin de la méta-histoire pour exister. Pourtant ce serait intéressant que chaque assassin de l'Histoire entre de manière ou d'une autre en contact avec l'ancienne civilisation et ait un rôle à jouer pour ses descendants… C'est ce qui est suggéré pour Ezio, qui déclame à la fin de Revelations qu'il n'est qu'un messager, mais concrètement on n'a aucune idée du message donc on est bien avancé.

Et je rajoute un ultime point positif : j'aime la nouvelle fonctionnalité du jeu qui permet à Ezio de suivre tout seul un PNJ en train de lui parler dans la ville. Bien souvent on doit faire un bout de chemin avec quelqu'un tout en écoutant ce qu'il nous dit. Clairement bouger Ezio dans ces moments n'a aucun intérêt. Merci aux développeurs d'avoir pensé à nous : on s'approche du PNJ, on lâche le stick et Ezio suit tout seul son ami. On peut se concentrer sur le dialogue sans avoir à déplacer le personnage à deux à l'heure.

Verdict = ok

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