Voilà donc une histoire et un contexte peu banal. Murdered débute par l’assassinat de Ronan, jeune flic de la ville de Salem défenestré par un tueur en série et abattu dans la rue comme un chien avec sa propre arme de service. Quelques secondes plus tard, Ronan se lève et découvre son corps étendu à côté de lui… Il est devenu fantôme et réalise qu’il est condamné à errer dans cette dimension jusqu’à ce qu’il règle ses affaires en suspend. En l’occurrence, découvrir l’identité de son fdp de meurtrier !
Murdered, c’est plusieurs choses. D’abord ce sont des déplacements dans un grand hub (la ville de Salem) pour rejoindre les niveaux (séparés de la ville par une cinématique masquant le chargement) dans lesquels avance l’enquête : le cimetière, le musée d’histoire, le commissariat… Ensuite, Murdered ce sont des phases d’enquête. Dans un niveau on arrivera dans une pièce, une cinématique présente les enjeux et c’est ensuite à nous de récolter les indices dans une zone restreinte (une scène de crime par exemple) pour former ensuite en les combinant la réponse à la question que se pose Ronan. Enfin, Murdered c’est un grand jeu d’objets à collectionner.
La ville
Les décors sont beaux. La ville dégage une ambiance à la fois brumeuse et chaleureuse, pas vraiment inquiétante. Quelques fantômes errent, gentils ou pervers. Des personnages discutent ou font les cent pas. On peut les posséder pour lire dans leurs pensées. Malheureusement ils ont tous l’esprit accaparé par le tueur en série et n’ont pas d’autres choses à dire que « oulala c’est flippant mais que fait la police ».
Les développeurs ont pris un parti audacieux avec la ville : aucune carte ni GPS n’est disponible. Il faut tempérer cela en précisant que la destination liée à la quête principale est toujours indiquée via un triangle en surbrillance, donc impossible de se perdre par rapport à l’histoire. Mais si on cherche à explorer Salem pour chasser les quêtes annexes et les objets à collectionner, là par contre on galère pour se repérer. La ville, sans être immense, est labyrinthique et ses raccourcis pour le moins obscurs. J’aurais aimé une carte fixe et sans la position du personnage, à mon sens le meilleur modèle de carte dans un jeu vidéo (puisque ça nous oblige comme dans la vraie vie à faire correspondre le graphique avec l’architecture qui s’étend sous nos yeux).
Les enquêtes
Dans une zone réduite de quelques mètres carré à peine, on a des indices à trouver (on se déplace et on bouge la caméra jusqu’à ce qu’un pop-up de la touche carré nous indique qu’il y a un truc à observer) dont le nombre total est indiqué à l’écran : en bas à droite on peut lire « 0 indices sur 7 » par exemple quand on commence. En sachant que trouver tous les indices n’est pas indispensable pour terminer l’enquête. En effet à tout moment on peut appuyer sur triangle pour tenter de répondre à la question du personnage (« qu’est-ce que le tueur venait chercher ici ? » par exemple) en sélectionnant 3 indices parmi ceux qu’on a trouvé.
Il s’agit de trouver les 3 « bons » indices parmi tous ceux qu’on peut ramasser. Et là d’une part la logique du jeu est franchement discutable, d’autre part on peut de toute façon recommencer autant de fois jusqu’à trouver les 3 bons, le jeu met même en rouge ceux qu’on a déjà essayé et qui ne marchaient pas ! Zéro challenge.
Je parle de logique discutable car bien souvent beaucoup d’indices ont du sens et pourraient clairement faire l’affaire. Mais non. Ce sera ces trois que les développeurs ont choisi et pas d’autres. Ca m’a frappé dès le début du jeu : il faut « posséder » un couple de vieux et les faire penser au crime qu’ils ont commis en leur « suggérant » un des indices trouvés. Et là j’ai eu beau leur faire penser aux bottes pleines de terre, au papier qui parle d’un terrain vague et aux outils de jardinage dans le placard, non, pas moyen de leur faire penser à la jeune femme qu’ils avaient tué puis enterré. Il y avait un autre indice plus obvious (« meurtre d’une jeune femme ») tellement gros que je n’avais pas osé l’utiliser ; genre mais non mais ça peut pas être aussi simple ! Ben en fait si…
En soit le cheminement de trouver les indices et construire le raisonnement du type est sympa. Ca change des jeux d’action, on se confronte à des enjeux plus intellectuels que d’habitude. On se pose, on est dans l’histoire. Simplement ça ne met pas notre cerveau à l’épreuve, et autant le coup des indices qu’on recherche en activant notre radar à prompts de la touche carré que celui des « réflexions » où on peut essayer tous les indices à la suite soit par fainéantise, soit par renoncement face à la logique très subjective du jeu, ça limite l’expérience.
Les objets à collectionner
Punaise, alors ceux là… Le jeu te balance l’info qu’il y en a 172 dans le menu des quêtes secondaires, objets rangés par « collection » (les souvenirs de Julia la défunte femme du héros, les infos sur Salem, les graffitis d’Abigail…). Le problème c’est qu’il ne dit pas dans quel « niveau » se trouve tel objet. Donc s’il te manque un graffiti par exemple, et que tu ne veux pas tricher en regardant n’importe quel site de trophée ou vidéo youtube, tu dois te taper tous les murs de tous les lieux du jeu. Ouaip. Rien que ça. Pour les autres objets c’est pareil, sauf que ces derniers sont un peu plus évidents que les graffitis, certains sont surmontés d’un rai de lumière jaune. Mais pas tous. Et au moment de constater qu’il nous en manque, je ne vous dis pas L’ANGOISSE de se dire qu’on va devoir éplucher au peigne fin chaque mètre carré de la zone de jeu. La ville, l’église, le cimetière, etc.
Finalement pour une partie des objets qu’il me manquait j’ai regardé sur internet le niveau dans lequel ils se trouvaient. Ca aide. Pour les 3 derniers cependant, j’ai triché et cherché l’emplacement exact.
Ca m’a dégoûté des objets à collectionner. J’ai pris la résolution de ne plus mordre à cet hameçon dans les jeux, à ne plus chercher leurs fichus objets planqués et à désactiver les notifications de trophées qui pourraient me tenter de replonger.
Quelle quête plus pauvre pour l’esprit que celle des collectibles ? Je suis friand de défis dans les jeux et je tombe toujours dedans (j’espère que cela changera) mais voilà ce que c’est : fixer les murs et le sol sur toute la surface modélisée par les développeurs. C’est ingrat et stupide, ça n’apporte rien d’autre que de se dire que c’était dur et qu’on y est arrivé (quand on y arrive!). Il existe des difficultés plus stimulantes et intéressantes que celle-ci… Mais c’est bien la seule de Murdered malheureusement.
Les développeurs ont tenté de donner un intérêt aux objets en en faisant des éléments textuels à lire dans le menu. Sur le papier ça développe le personnage de Julia, la femme du héros par exemple. Sauf que ça semble complètement déconnecté de ce qu’on voit à l’écran, le héros n’y fait jamais référence, c’est du background pour du background, comme les infos osef sur la ville de Salem ou sur les procès de sorcières.
L’histoire et les personnages
Le thème de l’enquête policière sans fusillades est rare dans les jeux vidéo triple A (les grosses productions vendues en boîte plein pot sur console). Le contexte de la ville de Salem et ses procès faits aux sorcières aussi, même si le jeu passe à côté en ne jouant jamais la partition de l’épouvante et de la terreur de la sorcellerie comme dans les films de Dario Argento type Suspiria ou Inferno. On est dans une ambiance un peu trop décontractée, avec un personnage principal pas bien intéressant qui a beau venir de se faire tuer ne cesse jamais de mégoter et prend « à la cool » l’enquête sur son meurtre et au passage celle de dizaines de femmes qu’a auparavant ciblé le serial killer. Il manque une noirceur, un sérieux, un ton à l’histoire.
En résulte une absence de tension que vient légèrement relever Joy, une vivante qui peut voir Ronan et se trouve être également la cible du tueur… Là il y a plus de pression. Mais la nature des rebondissements du récit, la vérité sur l’identité du tueur, le comportement de Ronan et son look général se caractérisent par un flagrant aspect générique, inoffensif, passe-partout. Sans compter que le coup (scénristique) du sidekick féminin que le héros masculin doit protéger et à qui il s’attache peu à peu on commence à en avoir un peu tous jusque là je crois.
Airtight Games a sans nul doute démontré qu’il maîtrisait la technique. Le jeu tourne bien sur PS3 (malgré le fait que ce soit un projet à cheval sur deux générations car il est sorti aussi sur PS4), il est décemment réalisé et toutes les petites idées sont rafraîchissantes : en tant que fantôme on traverse les murs dans une maison (par contre faudra qu’on m’explique pourquoi les fantômes tiennent sur le sol et ne traversent pas la planète vu qu’ils sont immatériels!), on peut même se téléporter ou posséder un chat (et miauler) pour accéder à des endroits inaccessibles.
Un jeu comme Murdered fait du bien, ne serait-ce que pour sa non-violence. C’est sans doute là la plus grande ambition du jeu, offrir une expérience cérébrale, du moins sur le papier, aux joueurs console et au prix d’un jeu « normal ». On passe au moins six ou sept heures à faire progresser une enquête et à suivre des personnages qui existent autrement que par des échanges de tirs.
Un dernier regret pour la route : on peut faire le « poltergeist » en actionnant des objets matériels pour faire réagir les vivants mais ça ne marche que lors de passages clés de l’histoire où on en a besoin. Impossible de terrifier le premier PNJ qui passe en faisant sonner un téléphone : même si c’est possible cela n’aura aucune conséquence.
Verdict = ok